Tandis que l’armée israélienne poursuivait sa guerre génocidaire contre Ghaza et son offensive militaire en Cisjordanie occupée, les institutions internationales peinaient à s’entendre sur une action commune pour alléger les souffrances des Palestiniens. Aussi bien le Conseil de sécurité de l’Onu que l’Union européenne n’ont pu sortir avec une décision exécutoire d’arrêt des bombardements israéliens en Cisjordanie, ni à imposer des sanctions contre les colons extrémistes qui exercent les violences contre les Palestiniens et font l’apologie de l’épuration ethnique.
La violente et vaste offensive militaire menée par les forces d’occupation israélienne, parallèlement à la guerre génocidaire contre Ghaza, continue à susciter la condamnation de la communauté internationale et met en avant les divergences des Etats sur des décisions concrètes qui mettraient un terme aux graves violations du droit international et humanitaire par l’Etat hébreu.
Jeudi dernier, alors que durant l’assaut contre les camps des villes de Tulkarem, Tubas, Jénine, 17 Palestiniens avaient été tués, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, s’est dit «préoccupé» par l’escalade et a exigé «un arrêt immédiat des frappes israéliennes en Cisjordanie occupée», une réunion du Conseil de sécurité est convoquée, à la hâte, dans la nuit de jeudi à vendredi, à la demande du représentant du Royaume-Uni.
Il faut dire que dans ses déclarations publiques, Guterres n’y a pas été avec le dos de la cuillère. «Ces développements dangereux alimentent une situation déjà explosive en Cisjordanie occupée», a-t-il averti avant de rappeler à l’armée d’occupation le respect de ses obligations en vertu du droit international humanitaire en l’exhortant à «protéger les civils et de faire preuve de la plus grande retenue et de ne recourir à la force meurtrière que lorsque c’est strictement inévitable».
Les exposés des intervenants lors de ce débat, qui s’est terminé à une heure avancée de la nuit de vendredi, ont mis l’accent sur la situation explosive en Cisjordanie occupée. Mais c’est avec une situation chaotique à Ghaza, que les représentants de l’Onu ont entamé les travaux.
Abordant la situation en Cisjordanie occupée, les experts onusiens, dont fait partie l’Unicef, ont exprimé leurs inquiétudes sur la «crise sans précédent» du système éducatif dans les Territoires occupés, en précisant que durant ces dix derniers mois, «les menaces qui pèsent sur le droit à l’éducation des élèves palestiniens n’ont jamais été aussi graves(…)».
23 palestiniens tués en Cisjordanie occupée en 48 heures
Les événements qui ont suivi le 7 octobre, ont ajouté les experts, «ont exacerbé la crise de l’éducation à un niveau sans précédent, avec de graves perturbations affectant au moins 782 000 élèves en Cisjordanie. Toutes les écoles gérées par l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ont adopté un modèle hybride, combinant l’enseignement présentiel et l’enseignement à distance.
Ce qui a conduit à une réduction significative des salaires versés au personnel éducatif». Ils ont souligné que «même si les écoles de l’Unrwa restent opérationnelles, elles ont parfois été fermées en raison de l’escalade de la violence. En outre, de nombreux gamins non scolarisés seraient maintenant engagés dans le travail des enfants, une stratégie d’adaptation pour soutenir le revenu des ménages pendant la crise économique».
Ils ont également souligné qu’«au delà de la violence, les restrictions de circulation constituent l’un des principaux obstacles à l’éducation en Cisjordanie» avant de révéler qu’en Cisjordanie, «790 obstacles empêchent actuellement la circulation des biens et des personnes».
Il s’agit selon eux des points de contrôle, barrières, portes ou monticules de terre, qui coupent totalement ou partiellement l’accès à des centaines de villages et de communautés en Cisjordanie. «Un chercheur a estimé que, depuis le 7 octobre, l’utilisation des routes principales, principalement par les civils, dans l’ensemble de la Cisjordanie, est tombée à seulement 15% de ce qu’elle était auparavant en raison de ces obstacles.
Les fermetures d’écoles et l’apprentissage en ligne obligatoire ont donc interrompu les programmes d’alimentation scolaire, exacerbant l’insécurité alimentaire pour les enfants les plus vulnérables. Elles ont également réduit l’accès aux canaux d’orientation associés aux écoles, tels que les services de protection de l’enfance, de santé et de santé mentale, augmentant ainsi le risque de violence, de travail et de mariage des enfants non scolarisés.»
Les experts de l’OMS ont déclaré que «l’intensification des actions militaires et les restrictions de mouvement ont gravement entravé l’accès aux soins de santé» en raison de l’offensive militaire dans les villes de Cisjordanie.
«De même, la perturbation des services d’ambulance et l’obstruction de l’accès des patients aux hôpitaux menacent encore davantage la vie de ceux qui ont besoin de soins urgents», ont-ils expliqué avant d’appeler la communauté internationale à «agir maintenant pour garantir des pauses humanitaires, assurer la livraison de fournitures sanitaires essentielles et soutenir la mise en œuvre rapide de la campagne de vaccination contre la poliomyélite. L’inaction entraînera des conséquences catastrophiques non seulement pour les enfants de Ghaza mais aussi pour la population de la région».
Les débats se sont poursuivis durant des heures, mais sans aboutir à une quelconque décision. Il en est de même pour la réunion des 27 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE), tenue jeudi dernier à Bruxelles, alors que celle-ci devait statuer sur la demande de son chef, Joseph Borell, de «sanctions contre les ministres israéliens aux propos racistes» appelant à des crimes de guerre contre les Palestiniens à Ghaza.
Connu pour ses positions claires contre la guerre à Ghaza et un des premiers pays à avoir reconnu l’Etat de la Palestine, l’Irlande est l’une des rares voix, avec celle de la Belgique, à avoir soutenu, mais en vain, la proposition de Borell. Son ministre des Affaires étrangères a mis en garde contre «la poursuite des tergiversations sans mettre un terme à la boucherie qui se poursuit à Ghaza».
Il a également critiqué le «refus» de sanctionner Israël, pour «avoir violé l’accord d’association qui le lie à l’UE et qui lui permet de bénéficier de nombreux privilèges en contrepartie du respect des droits de l’homme».
L’UE otage des alliés et fervents défenseurs d’Israël
Il a plaidé pour des sanctions économiques contre l’Etat hébreu tout en rappelant aux membres de l’UE qu’ils sont dans l’obligation de respecter et d’appliquer les décisions de la CIJ, qui «interdisent aux Etats de faire quoi que ce soit qui puisse aider la colonisation des territoires palestiniens».
La proposition n’a pas obtenu le consensus nécessaire en raison du soutien de certains pays, comme l’Allemagne ou encore l’Italie et la France, à la politique de la guerre génocidaire de l’Etat hébreu, à Ghaza et en Cisjordanie occupée. En effet, si pour l’Italie, les mesures de sanction sont «irréalistes», pour l’Allemagne, elles sont inopportunes.
Ainsi, le chef de la diplomatie italienne a estimé qu’il «faut essayer de résoudre les problèmes en convaincant Israël de faire des choix qui conduisent à un cessez-le-feu à Ghaza, car c’est la vraie priorité».
Comme si après 11 mois de guerre destructrice qui a fait plus de 40 000 morts, Israël, qui a fait la sourde oreille aux injonctions de la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’Onu, sur le respect du droit humanitaire et international, aux accusations de crimes de guerre, contre l’humanité et de massacre par la Cour pénale internationale (CPI) et qui bloque toute possibilité d’arriver à un accord pour un cessez-le-feu durable, pouvait être convaincu, juste par la parole, d’une quelconque fin de cette horrible guerre menée contre les Palestiniens.
Le ministre italien va plus loin dans ses propos : «Ce n’est pas avec la reconnaissance de la Palestine théorique, avec des sanctions contre des ministres israéliens, que le problème sera résolu.» Selon lui, «il faut plus de diplomatie, il faut aussi des messages forts», comme si l’obligation de se conformer au droit international et humanitaire ne fait pas partie des messages forts à adresser aux dirigeants israéliens.
Tout comme Rome, Berlin ne trouve pas «urgentes» les mesures de sanction. Pour la chef de la diplomatie allemande, «il est plus urgent d’aller vers des pauses humanitaires pour vacciner les enfants contre le virus de la polio que d’imposer des sanctions».
Pour les plus avertis, de telles réactions étaient prévisibles. Même Borrell s’y attendait. Il savait que sa proposition n’allait pas obtenir le consensus nécessaire pour son adoption. Juste après avoir présidé la réunion, il a déclaré à la presse : «Je pense que l’Union européenne ne doit pas avoir de tabous pour utiliser sa boîte à outils afin de faire respecter le droit humanitaire. Mais ce n’est pas moi qui décide.
Je n’ai qu’une capacité de proposition. Les Etats membres décideront.» Aucune décision liée à Israël n’a été prise à la fin de la réunion, alors que des mesures de soutien à l’Ukraine «pour se défendre contre l’armée russe», ont été adoptées.
Pourtant, de nombreuses ONG internationales avaient réclamé à l’UE, quelques jours avant sa réunion à Bruxelles, de sanctionner Israël pour «les graves violations» du droit humanitaire et international à Ghaza. Aussi bien le Conseil de sécurité de l’Onu que l’UE sont pris en otage par les puissances alliées de l’Etat hébreu, qui lui assurent un soutien politique, militaire et financier et se dressent contre toute décision contraire à ses intérêts.
Au plus fort de la guerre génocidaire menée contre Ghaza, les Etats-Unis qui usent de leur droit de veto au sein du Conseil de sécurité pour faire invalider les sanctions contre Israël, ont livré plus de 50 000 tonnes de matériels et équipements militaires à Tel-Aviv, alors que l’Allemagne, la France, d’autres pays européens et occidentaux n’ont à ce jour pas arrêté leurs exportations militaires destinées aux forces armées d’occupation israéliennes pour faire perdurer la guerre génocidaire contre Ghaza.