Après avoir été sacrée, le 5 juillet 2023, meilleure dechra de la wilaya de Batna, au terme de la première édition du concours lancé au mois de février de la même année par la direction locale du tourisme et de l’artisanat, le vieux T’kout ne cesse d’attirer la curiosité des visiteurs et des amoureux de la nature et des beaux vestiges, au point de devenir une destination touristique de grande importance, au vu des énormes potentialités qui ne demandent qu’à être exploitées et valorisées.
Le lieu, situé à 95 km au sud-est du chef-lieu de la wilaya attire surtout par la beauté de sa nature et la remarquable architecture des ses vieilles maisons perchées sur les montagnes.
Un décor somptueux que de nombreux auteurs occidentaux n’ont pas manqué de révéler. Du Français Ernest Fallot 1855-1929), qui l’évoque dans son livre «Par-delà la Méditerranée» au Britannique Melville William Hilton-Simpson (1881-1938) qui décrit sur l’Oxford Academic Journals le système d’irrigation à partir du bassin dit «madjen» recevant l’eau directement des «kasrias» (dispositif de distribution vers les seguias remontant à la période romaine), en passant par le français Claude-Maurice Robert (1895-1963) qui décrit le même procédé dans son ouvrage Le long des oueds de l’Aurès.
Mais l’une des particularités de cette dechra est sans conteste sa mosquée construite à la fin du XVIe siècle, et dont on attribue la construction à Sidi Abdeslam Ben Ahmed Al Moualla, selon Dr Farid Abdeslam, un intellectuel passionné par l’histoire de la région.
Ce dernier indique que ce bâtisseur est le descendant d’un Cheikh qui s’est installé à T’kout, tout en mettant en valeur ses terres à travers la plantation de vergers. Ce qui permettra plus tard de peupler cette région, devenue plus accueillante et hospitalière. Les premiers habitants ont exploité ainsi les sources d’eau pour irriguer leurs terres formant le noyau de cette dechra.
Avec l’essor démographique et la hausse du nombre des constructions, le vieux T’kout a connu une importante extension urbanistique pour devenir ce qu’il est actuellement. Les habitants sont également fiers de leur «Hazemmourth hamellalt» (olive blanche, par rapport à la couleur blanchâtre de l’huile qui en est tirée), récoltée d’un olivier aux racines imposantes et à la taille distinctive. Un arbre qui date de plusieurs siècles et qui produit encore les meilleurs types d’olives, selon les habitants de la région. L’autre particularité de la région est cette ancienne tradition appelée «Souk (marché) de la fête de l’automne» ou «Souk lekhrif».
Un événement organisé à la fin du mois d’août, éminemment festif, rayonnant sur un large périmètre, appelé localement «Hameghra N’tmenzouth», et qui donne lieu à des spectacles folkloriques animés par des troupes de Rahaba et des cavaliers en costumes traditionnels faisant tonner des salves de baroud. Du fait des expositions organisées pour l’occasion, et en plus d’être une vitrine des productions locales en matière d’agriculture, d’arboriculture et d’artisanat, T’kout devient durant «Hameghra N’tmenzouth» un lieu de rencontre des notables et des Chouyoukh de la région qui se rassemblent pour régler les problèmes et les différends entre les habitants et mettre fin aux conflits dans un esprit de bon voisinage.
Un patrimoine riche et diversifié
Selon Dr Djamel Mesrahi, chercheur et spécialiste en histoire ancienne de l’université de Batna-1, «cette manifestation est également un événement économique, relevant de l’anthropologie culturelle qui reste un facteur de communication et de communion entre les habitants de T’kout et ceux des régions voisines».
L’un de ces militants associatifs, Hicham Berrehaïl, évoque, de son côté, cette autre fête distinctive appelée «Chaïb Achoura», célébrée durant 10 jours à partir de Moharram (jour de l’an de l’Hégire) et qui transforme la ville, en «véritable théâtre à ciel ouvert». Durant cet événement, les rues, les ruelles et les places de l’agglomération attirent les foules des grands jours. Les habitants rivalisant d’ingéniosité et de talent pour présenter, en revêtant des costumes de déguisement, un spectacle coloré et enjoué combinant danse, chant, musique et toutes sortes d’expressions corporelles.
«Les monuments anciens de la ville, ses fêtes, ses us et coutumes, son patrimoine matériel et immatériel en font une destination privilégiée qui commence à attirer l’attention et à éveiller la curiosité surtout après que le village ait remporté le prix de la meilleure dechra de la wilaya de Batna, organisé l’année dernière par la direction du tourisme et de l’artisanat», affirme le président de l’APC de T’kout, Abdelhafid Soltani. L’importance et la renommée de cette petite ville des Aurès, bâtie sur une colline d’où elle domine les plaines environnantes, s’en sont trouvées démultipliées, surtout que les découvertes archéologiques qui y ont été effectuées démontrent que la zone était habitée depuis la période numide.
La pierre gravée d’inscriptions libyques, découverte dans la région en octobre dernier lors de travaux de fouilles sur un terrain privé, prouve une présence humaine il y a 4 000 ou 5 000 ans av. J.-C., selon les données recueillies sur place.
Ce qui incite les jeunes et les intellectuels de la région à œuvrer pour mettre en valeur ce patrimoine riche et diversifié.
APS et S. Arslan