Le réalisateur, scénariste et écrivain Mohamed Ifticène, a signé son premier roman intitulé Une saga algéroise : sur le fil du rasoir paru chez les éditions Frantz Fanon, le samedi après-midi à la librairie du Tiers-Monde, place Emir Abdelkader, à Alger.
Le pitch de Une saga algéroise : sur le fil du rasoir ? Dans cette saga d’amour et de violence, Lyès est un compagnon volage et amant de belles dames. Confronté dès l’enfance à la loi de la jungle, il affronte les enfants des rues et les caïds des cours de récréation qui voient en ce garçon blond aux yeux bleus un roumi égaré dans une école indigène.
Lycéen, il fréquente la jeunesse européenne dans ce qu’elle a de meilleur et de pire, affronte les ultras de l’Algérie française, les petits blancs, les soldats perdus de l’OAS, les indics et les faux combattants algériens surgis au lendemain du cessez-le-feu du 19 mars 1962 que la population surnomme « les martiens ».
Étudiant après l’indépendance, il a maille à partir avec les apparatchiks du parti unique et les gardes rouges de l’université, tisse des relations intimes avec les filles, les femmes et les maîtresses des puissants, assouvit des vengeances personnelles avec l’aide d’une cousine intrépide et d’un demi-frère amateur de polars découvert lors d’un séjour initiatique au village de ses ancêtres, un nid d’aigle fondé par des naufragés germains dans un coin de paradis en Kabylie maritime.
Il connaît les enlèvements et les passages à tabac dans les casernes et les postes de police, réussit à se tirer d’affaire grâce à une dame de pouvoir et trouve l’amour auprès de sa prof de psychologie qui se perd dans le crime passionnel à force de trop l’aimer. Dans cette lutte implacable contre l’adversité, il parvient par la séduction et la malice à s’en sortir mais laisse trois vies sur les sept que sa grand-mère lui avait prédites le jour de sa naissance sous les bombardements allemands.
«Canal+ voulait financer à 33% le projet du film»
Une saga algéroise, c’est une histoire qui se passe à la Casbah d’Alger. «Au départ, c’était un scénario. Un scénario écrit en 2017. Il fallait un montage financier. Canal+ voulait financer à 33% le projet à condition de tourner le film en Tunisie. Et je devais chercher le reste du financement… Je voulais en faire un film. Cela a nécessité trois ans d’écriture. Et puis, j’ai réécrit le texte. Je l’ai transformé en écriture différente. Pour en faire un roman, de la littérature…».
Pourquoi « sur le fil du rasoir » ? C’est une opposition d’un assassin, un enfant de la Casbah. Par rapport aux fréquentations au lycée français. La confrontation au racisme, aux ultras de l’OAS. C’était un combat permanent… Alors les ultras de l’OAS ont voulu le tuer… Il fut confronté à d’autres gens aussi. Les gens du 19 mars 1962.
Ces «martiens» (ceux de mars) algériens. Ces combattants de la dernière heure. Ces combattants de la 25e heure. Le FLN confronté à l’OAS appliquant la politique de la terre brûlée contre les Arabes. Un racisme sanglant. Ils ont même abattu des Français comme eux. Ils ont incendié des usines, des magasins… C’était la politique de la terre brûlée… ».
«Dans un livre, en plus dans la profondeur des phrases »
L’opposition de l’enchantement au désenchantement ? « On pouvait être maltraité, torturé. Les tortures sévissaient. C’est du vécu. On a vécu la domination coloniale. On vivait dans l’affrontement quotidien. Contre la torture. A tout moment, on pouvait mourir…». A propos de l’écriture scénaristique et celle littéraire, Mohamed Ifticène indiquera : « Un scénario, dans la perspective d’un film s’appuie sur des scènes visuelles, aux caractères visuels. Alors que dans un livre, en plus dans la profondeur des phrases…Mais j’ai écrit la plupart des scénarios de mes films.. ».
Il y aura une suite…dans les idées
- D’où vient ce souffle littéraire ?
«J’ai fait lettres. J’étais très jeune. Et j’esquissais des scenarii. J’ai toujours lu des livres. Des grands auteurs classiques français. Victor Hugo, Emile Zola, Flaubert, Balzac, Charles Baudelaire… Après, je me suis tourné vers la littérature universelle comme celle de Garcia Marquez, Ernest Hemingway, Léon Tolstoï, Dostoïevski… Puis, les grands écrivains algériens, Mohamed Dib, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Rachid Mimouni, Rachid Boudjedra… J’aime beaucoup Rachid Mimouni, Tahar Djaout et aussi Anouar Benmalek, un excellent auteur… ».
- L’idée de porter à l’écran le roman Une saga algéroise : sur le fil du rasoir, tient-elle toujours ?
«Je voudrais réaliser moi-même ce film. Il requiert de gros moyens. Le film coûte très cher. Il mobilise des moyens colossaux. Un film, cela se prépare. Le repérage, le casting, l’équipe de préparation, une logistique lourde… ».
- Y aura-t-il une suite à Une saga algéroise : sur le fil du rasoir ?
« J’ai presque terminé la suite de Une saga algéroise : sur le fil du rasoir, il sera intitulé Les ténèbres sanglantes, toujours aux éditions Frantz Fanon… ».
Une saga algéroise : sur le fil du rasoir, un roman palpitant et captivant à lire absolument.
Biographie
Mohamed Ifticene, né en 1943 à Alger, est un réalisateur de films de cinéma indépendant, de films documentaires et écrivain et scénariste. Il enseigne également le cinéma dans un institut audiovisuel en Algérie. Il effectua ses études de cinéma à Lodz, en Pologne, où il obtint son diplôme en 1966, son court métrage de fin d’études s’intitulait Zefef. De retour en Algérie, il débuta à la RTA où il réalisa plusieurs courts métrages : I’nstitut agronomique (1968), Le metteur en scène (1969), Histoire d’un grand peuple (1969), La souris (1969) puis La plus grande richesse (1974) et Les fusils de la mère Carrar (1975).
Armé de sa passion pour l’art et d’une volonté affichée contre la médiocrité, il entame un long périple dans les méandres de cette administration minée par les luttes d’intérêts étayées sur une ignorance livrée corps et bien aux tenants des commandes. Le conformisme régnant au sein de la RTA, n’étouffe pas la détermination du cinéaste, à la différence de ses confrères débauchés par ce qu’ils appellent «les cinéastes directeurs», Ifticene se maintient à la RTA, il impose progressivement son art et sa manière.
En dépit des aléas quotidiens et l’empirisme embaumant l’atmosphère et ses répercussions directes sur les initiatives dignes de foi, Mohamed Ifticene affirme sa priorité pour un cinéma inspiré en phase avec sa société, Il réalise un grand nombre de reportages divers, des documentaires, des pièces de théâtre et des fictions.
Parmi les longs métrages qu’il tourna pour la RTA et qui en firent l’un des réalisateurs de fiction privilégiés de l’organisme dans les années 70 et 80 figurent : Escurial (1968), Le sang de l’exil (1970), Qorine (1971), Journal d’un jeune travailleur (1972), Seller of Dreams (Les marchand de rêves) (1977), Jalti le gaucher (1980), Le grain dans la meule (1981), Les rameaux de feu (1983).In http://africultures.com/