C’est un grand homme de culture qui a été l’hôte de la librairie du Tiers-Monde, samedi après-midi. Celui qui fait beaucoup pour le patrimoine et la mémoire musicale algérienne. Abdelkader Bendamèche, celui qu’on ne présente plus, musicologue, chanteur, parolier, journaliste, conférencier, ex-président du Conseil national de la musique et des lettres et directeur général actuel de l’ Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), signait un nouvel ouvrage rendant hommage à un géant de la musique chaâbi, Amar Ezzahi, intitulé Amar Ezahi ou l’éclat juvénile de la chanson chaâbi paru chez les éditions ENAG.
Nous avons rencontré un grand défenseur de la mémoire patrimoniale musicale algérienne dans sa dimension plurielle et riche. Un Abdelkader Bendamèche épris de musique de son pays.
Il en parle avec passion et affection. Entre deux questions et commentaires, nous avons échangé sur le chaâbi, le géant Amar Ezzahi, sur sa ville natale, Mostaganem, le saint-patron Sidi Belkacem, sur les maîtres du chaâbi, Cheikh Ali, Maâzouz Bouaâdjadj, le regretté El Habib Bettahar. Bref, nous avons rencontré l’encyclopédie vivante de la musique, Abdelkader Bendamèche.
Le pitch du beau-livre d’Abdelkader Bendamèche, Amar Ezzahi ou l’éclat juvénile de la chanson chaâbi paru chez les éditions ENAG ?
Considéré comme une icône de la chanson chaâbi, Amar Ezzahi a laissé derrière lui une œuvre musicale qui a sublimé les amoureux de la musique populaire algéroise. Sa voix douce et soyeuse a enchanté ses fans dès ses premiers enregistrements dans les années soixante.
Chantant le répertoire du Melhoun avec brio, notre monument national de la musique chaâbi restera dans les annales. Lui qui a interprété talentueusement la poésie des chantres du melhoun, comme Mohamed Benslimane et de Sidi Lakhdar Benkhlouf.
«Il a apporté du nouveau par rapport à l’ancien dogme du chaâbi»
«Amar Ezzahi ou l’éclat juvénile de la chanson chaâbi» est un témoignage utile qui apporte quelque chose. L’idée de cet ouvrage ? Elle a germé quand ? C’était déjà dans ma tête. Le déclic fut le jour de l’enterrement du regretté Amar Ezzahi (2016). «J’ai vu cette explosion populaire. Donc, c’était la priorité.
Des gens comme Amar Ezzahi doivent être repris par l’histoire. Ils le méritent…», commentera Abdelkader Bendamèche. Amar Ezzahi était différent des autres chanteurs de chaâbi ? Abdelkader Bendamèche précisera : «Amar Ezzahi diffère des autres. Je le connaissais depuis 1975-1976, à Mostaganem.
Au café, avec un ami, Saïd Aït Ouadia, on parlait de chaâbi. J’étais invité à dîner chez et il y avait Amar Ezzahi… Amar Ezzahi a apporté de la fraîcheur dans le texte. Il a apporté du nouveau par rapport à l’ancien dogme du chaâbi. Il a repositionné le chaâbi dans les années 1970 par rapport à celui des années 1920 d’El Hadj M’hamed El Anka…»
«Tu l’invite, c’est lui qui paie»
C’était une révolution ? «Oui, c’en était une.» Pas de «tabou» technique. Amar Ezzahi était une sorte de rebelle. Il ne respectait pas la chronologie lyrique et orchestrale des anciens, les maîtres du chaâbi. Par exemple, dans le hawzi, il a changé le rythme. Il a changé le sens de la poésie dans le chaâbi. Une nouveauté est toujours bonne à prendre.
Il avait cette amabilité, cette disponibilité, cette générosité. Il avait tant à donner et offrir à des générations. Amar Ezzahi était le champion de sa génération. Il était animé d’un ascétisme, en marge de la société. Tu l’invites, c’est lui qui paie. Amar Ezzahi était généreux. Il n’avait pas peur du nouveau.
Il était entouré de conseillers de poésie, et de musiciens attitrés. Il était autodidacte. Mais il a appris le solfège pendant trois mois à la rue Hamani, à Alger. Au début, Amar Ezzahi écoutait les Beatles, Bob Dylan, la pop music…Il y a des artistes algériens qui méritent d’être perpétués à travers des ouvrages, des biographies,comme Kamel Hamadi, Rabah Derriassa.
«Une brillante rétrospective»
Le livre Amar Ezahi ou l’éclat juvénile de la chanson chaâbi, paru chez les éditions ENAG, est dédié au père d’Abdelkader Bendamèche, El hadj Miloud Bendamèche, à sa mère, El hadja Houria, à ses enfants, Mohamed Yacine, Ahmed, Wahiba, Abderrahmane et Walid, à ses amis, Kamel Hamadi, Mustapha El Habri, Mohand Anemiche, cheikh Amar Laâchab et cheikh Mazouz Bouadjadj. Introduit par deux citations. «Lire ce que d’autres homme ont vécu et pensé peut nous aider à former notre propre jugement sur la vie», de J. Gardner.
Et «la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert», d’André Malraux. Amar Ezzahi ou l’éclat juvénile de la chanson chaâbi est préfacé par Lounis Aïn Aoudia, président de l’Assocation des amis de la rampe Lounis Arezki Casbah-Alger : «Une brillante rétrospective qui transposera le lecteur mélomane dans le sillage de la sublimité du ‘ch’ir el melhoun’ en une interprétation de rayonnement qui a subjugué la jeunesse par le mode créatif d’innovation ‘zahien’ de la chanson populaire citadine.»
«Il s’est imposé en grand maître sur une scène illuminée»
Dans Amar Ezzahi ou l’éclat juvénile de la chanson chaâbi, Abdelkader Bendamèche dit : «Ce grand artiste, cette véritable icône unique en son genre, a marqué l’histoire de la musique d’un sceau indélébile, il s’agit de cheikh Amar Ezzahi qui s’est imposé en grand maître sur une scène illuminée, taillée à ses mensurations dans le monde magique de la musique et le chant chaâbi…» Fayçal Metaoui, journaliste, témoigne : «Cheikh Amar Ezzahi, cette illustre personnalité à la grande popularité qui appartient désormais au patrimoine culturel national…»
Bio-express
Il est né le 26 septembre 1949 à Mazagran dans la wilaya de Mostaganem. Diplômé de l’école nationale d’administration, il est cadre supérieur au ministère de la Culture durant de longues années.
Membre du Conseil national économique et social, professeur du patrimoine culturel, il est aussi producteur d’émissions de télévision. Il a été président du Conseil national de la musique et commissaire général du Festival national de la chanson chaâbie, dont il a été le principal initiateur.
Chanteur chaâbi, Abdelkader a, à son actif, plusieurs ouvrages consacrés principalement au patrimoine comme Les grandes figures de l’art musical en Algérie, L’oeuvre réunie d’El Boudali Safir, Histoire de Mostaganem, La troupe artistique du FLN (1958-1962), Constantine (2005) ou encore Mahboub Bati l’artiste et la légende (2006).
Est à l’origine des coffrets consacrés aux maîtres de la chanson algérienne et qui contiennent, en CD, les principales œuvres d’El Anka, Guerouabi, Ahmed Wahbi et les autres.