Uruguay : Loin du tumulte, la côte Est fait sa «révolution artistique»

27/01/2024 mis à jour: 01:09
AFP
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Au cœur d’un petit village situé le long de la côte est de l’Uruguay, des visiteurs aisés déambulent à travers les allées animées d’une foire d’art, exprimant leur admiration devant l’épanouissement de la scène artistique locale. Niché entre les étendues interminables des plages de l’Atlantique et les prairies vallonnées, José Ignacio s’est imposé au fil du temps comme un pôle prestigieux dédié à l’art et à la culture.

 

Le village de José Ignacio, sur la côte Est de l’Uruguay accueille le principal Musée d’art contemporain du pays, le MACA, de nombreuses galeries et des festivals de cinéma et de photographie. Récemment, il a hébergé la 10e édition de la foire internationale d’art «Este Arte». «Lorsque nous avons commencé, la plupart des gens avec qui j’ai parlé pensaient que ce n’était pas possible de faire cela en Uruguay. Nous ne sommes pas comme l’Argentine ou le Brésil. Il n’y aura pas assez d’acheteurs», raconte à l’AFP la conservatrice d’art uruguayenne Laura Bardier. 

Cependant, l’événement attire de plus en plus de grands collectionneurs, avec des œuvres allant de 300 à 2,5 millions de dollars. Rafael Ortiz, neurochirurgien venu de New York, et son épouse Emille Agait, dentiste pédiatrique, en ont acheté une pour leur maison des Hamptons, destination prisée proche de New York à laquelle José Ignacio est souvent comparé. «C’est un endroit discret, décontracté, mais chic et amusant. Tout le monde est magnifique», assure Emille Agait.
 

«Désert artistique» 

Depuis des décennies, Punta del Este, station balnéaire de l’est du pays, est un des lieux de villégiature préféré de l’élite sud-américaine, le secret bancaire ayant permis à l’Uruguay, parfois surnommé la «Suisse de l’Amérique du Sud», d’attirer de nombreux capitaux étrangers, aux origines parfois douteuses. Toutefois, ces dernières années, ceux qui recherchent une sophistication plus discrète ont fui les immeubles en bord de plage vers des villages plus reculés. José Ignacio propose des propriétés à la vente à des prix exorbitants malgré ses rues en terre battue. 

Dans les années 1980, «José Ignacio était vide... seuls des pêcheurs et des habitants locaux y vivaient», explique le galeriste Renos Xippas. Il y a dix ans encore, la région était un «désert artistique», assure-t-il. Selon lui, les gens ont afflué dans la région lors de la pandémie de Covid, et beaucoup y sont restés, appréciant la qualité de vie d’un pays six fois plus grand que la Belgique, mais trois fois moins peuplé (3,5 millions d’habitants pour 12 millions de têtes de bétail). 

Cela a contribué à alimenter un boom artistique que Renos Xippas décrit comme le renouveau d’une «très longue tradition» qui s›était éteinte pendant la dictature de 1973 à 1985. «Les Uruguayens sont des gens très cultivés», assure-t-il, à propos des habitants d’un pays parmi les plus stables d’Amérique latine sur le plan politique et économique, un temps sur la liste grise des paradis fiscaux
 

«Le néant et le calme»

«Il y a eu une sorte de révolution», explique le sculpteur uruguayen Pablo Atchugarry, 69 ans, couvert de la poussière du marbre qu’il façonne. «Cet espace en a été l’épicentre», dit-il du Musée d’art contemporain qu’il a ouvert en 2022 : une structure massive ressemblant à un navire, entourée d’un parc de sculptures de 40 hectares. La région est comme une sorte de Côte d’Azur uruguayenne, attirant un public au «pouvoir d’achat très élevé et à l’intérêt culturel pour l’art». Lui mais aussi d’autres artistes parlent avec lyrisme du lieu. 

«Ce qui m’a attiré, c’est la lumière, l’espace, le néant et le calme. Je pense que c’est l’endroit idéal pour créer», assure la photographe américaine Heidi Lender, qui vit à Pueblo Garzon, petit village de 200 âmes à 35 km de José Ignacio. Elle y dirige l’association Campo qui accueille des résidences d’artistes du monde entier. Mais certains, comme le collectionneur d’art autrichien Robert Kofler, craignent que les promoteurs ne finissent par ruiner leur coin de paradis. Il est le propriétaire d’un hôtel qui abrite une installation artistique qui, selon lui, a contribué à mettre José Ignacio «sur la carte du monde». 

Il a convaincu l’artiste américain James Turrell d’amener au village l’un de ses Skyspaces, un dôme de marbre blanc à travers lequel les visiteurs observent le ciel au crépuscule, tandis que la lumière artificielle déforme la perception de ses couleurs. «Qu’est-ce qui pousse les gens à faire 12 ou 14 heures de vol pour venir ici ? C’est la beauté, l’énergie, le calme et la lenteur. C’est s’éloigner de ce que l’on connaît à Saint-Tropez, Monaco ou Malibu. C’est pourquoi il est si important de préserver cela», estime-t-il. 
 

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