Université Salah Boubnider (Constantine 3) : La faculté arts et culture se cherche une portée

13/05/2023 mis à jour: 19:15
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Il s’agit de la première faculté universitaire à l’échelle nationale dédiée à l’art

Ouverte en 2014 afin de permettre de croiser l’art et les sciences dans une formation académique, la faculté arts et culture de l’université Salah Boubnider (Constantine 3) nécessite des décisions politiques courageuses pour bénéficier de ses résultats sur terrain. 

Il s’agit d’une première faculté universitaire à l’échelle nationale dédiée à l’art, selon Abdesslam Yakhlef, enseignant et chef de domaine dans cet établissement. 

L’infrastructure compte une soixantaine de salles, sept amphithéâtres et deux espaces théâtraux réservés à la pratique, dont un pour le théâtre expérimental et un autre pour les exercices. Neuf ans après son ouverture, cette faculté assure la formation uniquement pour trois spécialités, à savoir les arts plastiques, les arts dramatiques et les études cinématographiques. 

Cette dernière spécialité, et malgré son importance, est encore à sa deuxième année. Le comble de l’histoire réside dans le nombre des étudiants ainsi que les critères de leur orientation vers cette faculté. Les jeunes bacheliers sont insérés par les commissions du ministère, sans passer par un entretien. 

Qu’en est-il de la vocation et du talent dans le choix d’une filière si délicate  ? «Effectivement, les étudiants sont orientés par les commissions du ministère. Et c’est l’ordinateur qui fait le travail. Pourtant, j’avais déjà proposé certaines idées, lorsque j’étais membre de la commission en 2013, en posant des questions liées typiquement à la vocation et à l’art. 

Mais, rien n’a été appliqué», a répondu Abdesslam Yakhlef. D’ailleurs, un phénomène désolant est constaté dès les premières années où de nombreux étudiants finissent par quitter l’établissement en déjouant les mesures administratives. Précisément, ils n’ont pas le droit de déposer un transfert au cours de l’année. Donc, ils abandonnent carrément les études pour pouvoir s’inscrire l’année prochaine dans une autre faculté. Une année perdue pour un rien, car une majorité parmi eux se trouve déphasée par rapport à ce qui se passe dans ce domaine. 

De nombreux étudiants n’ont jamais vu un film, n’ont jamais fait un dessin et n’ont jamais assisté à une exposition. Comment peut-on obliger un jeune à devenir artiste malgré lui ? En outre, même le nombre des inscrits n’est pas si important. 

Selon Abdesslam Yakhlef, il varie dans toute la faculté entre 100 et 120 étudiants. «L’importance de cette faculté est considérable pas uniquement à l’échelle nationale, mais aussi en Afrique. Imaginons que même dans certains pays européens, il  y a des instituts indépendants, mais pas des facultés universitaires dédiées à l’art», a-t-il souligné. 

Et d’insister sur l’adoption d’un système de sélection des étudiants et l’ouverture sur d’autres spécialités. Plus explicite, il affirme que les titulaires d’un bac technique par exemple n’ont pas le droit de s’inscrire aux filières artistiques. Et s’il y a un artiste non dévoilé parmi ces jeunes ? «Nous avons demandé un entretien pour analyser leur profil et leur background : ce qu’ils ont ? Est-ce qu’ils ont vu des films ? Ont-ils des dessins et s’ils se sont investis dans ce sens ?»,  recommande notre interlocuteur, affirmant que cette faculté est en voie d’évolution. 

Manque d’encadrement  

Actuellement, des masters et des doctorats ont été ouverts dans cette faculté. Notons à titre d’exemple le master en publicité. Mais un déséquilibre entre le nombre d’étudiants et l’encadrement représente un véritable frein pour certaines filières. «Dans la spécialité études cinématographiques, nous avons des enseignants spécialisés diplômés.

Certains sont titulaires de doctorats, venant d’Oran ou de Mostaganem. Le problème se pose dans le nombre des étudiants», a expliqué M. Yakhlef. Le grand problème se pose dans la spécialité des arts plastiques, où on manque d’encadreurs en comparaison avec le nombre des étudiants. Tous les formateurs sollicités qui se trouvent à l’Ecole des beaux-arts n’ont pas un diplôme universitaire. 

Systématiquement, ils ne sont recrutés qu’en tant que vacataires avec une rémunération indigne estimée à 200 DA/heure. Ce qui ne couvre même pas les frais de transport.  Pourtant, ces mêmes enseignants sont titulaires de diplômes des Ecoles nationales des beaux-arts comme celles d’Alger. 

Le chef de domaine lance un appel au ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Culture pour trouver des modalités et un compromis afin d’assurer l’intégration de ces enseignants et leur permettre d’avoir des postes avec des salaires dignes. 

Dans la même perspective de recrutement, notre interlocuteur met en exergue l’avenir réservé aux étudiants après l’obtention du diplôme. On ne peut plus clair, c’est le chômage. «Je ne vois pas l’utilité d’un espace intellectuel et universitaire s’il n’est pas intégré dans son environnement et dans les médias. Ces universitaires ne trouvent pas de places dans les institutions culturelles. 

Auparavant il y avait des conventions avec l’éducation nationale pour insérer cette catégorie dans les collèges et les lycées. Le comble, aujourd’hui, c’est que ce système est verrouillé et des établissements scolaires crient au manque d’encadrement. 

Pourquoi ne pas intégrer ces spécialités culturelles et pas uniquement la musique dans les établissements scolaires, même au primaire ?», a-t-il regretté. Et de proposer d’inculquer l’idée de l’art en commençant par l’enfant, qui sera l’homme de demain. 

Robert Taylor disait : «Culture is what remains after disappearing everything», c’est-à-dire la culture est ce qui reste après la disparition de tout. Il s’agit d’une arme pour se défendre.                               

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