Une trentaine de mandats d’arrêt internationaux lancés pour corruption

10/02/2022 mis à jour: 08:19
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Plus d’une trentaine d’anciens ministres, hauts cadres de l’Etat et officiers de l’armée poursuivis ou condamnés par la justice pour corruption, trouvent refuge dans des pays où l’extradition est souvent le fruit de négociations politiques. Aussi bien pour Chakib Khelil, Farid Bedjaoui ou encore Réda Hamech, Abdessalem Bouchouareb, Omar Habour ou le général Ghali Beleksir, le choix des pays d’asile n’est pas fortuit. Il répond à des garanties souvent assurées, par ces Etats aux criminels au col blanc.

Près d’une trentaine de mandats d’arrêt internationaux ont été émis par l’Algérie contre des personnes poursuivies ou condamnées pour corruption. Parmi celles-ci, d’anciens ministres, comme Abdessalem Bouchouareb et Chakib Khelil, ou des officiers de l’armée, à l’image du général Ghali Beleksir, ancien commandant de la Gendarmerie nationale, ou encore de simples cadres de l’Etat, comme cela est le cas pour Réda Hamech, l’ex-chef de cabinet l’ancien patron de Sonatrach (Mohamed Meziane), tous réfugiés dans des pays où les extraditions restent liées à des considérations plus politiques qu’aux accords bilatéraux d’entraide judiciaire et d’extradition.

L’Algérie, faut-il le préciser, est liée à 56 Etats par des accords judiciaires bilatéraux concernant l’entraide judiciaire et les extraditions, mais aussi en matière civile et commerciale. On dénombre 72 conventions judiciaires bilatérales. 72 accords judiciaires  ont été ratifiés, un accord judiciaire signé et 34 accords judiciaires paraphés, mais aussi finalisés.

Jusqu’au mois de juin dernier, le nombre de mandats d’arrêt internationaux émis dans le cadre de la lutte contre la corruption était de 21, alors qu’aujourd’hui, il a dépassé la barre de la trentaine, selon des sources judiciaires. Le choix de certains pays par les mis en cause n’est jamais fortuit. Les demandes d’extradition font souvent l’objet de négociations politiques, où les intérêts des Etats-refuges passent avant toute autre considération judiciaire.

C’est ainsi, par exemple, que le Liban, où s’est réfugié pendant longtemps Farid Bedjaoui – Franco-Libanais et Canadien, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui – et également conseiller de Chakib Khelil – visé par un mandat d’arrêt international lancé par le tribunal de Sidi M’hamed dans le cadre d’au moins deux affaires de justice liées à Sonatrach – avant qu’il ne soit rejoint par l’ancien ministre de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb – condamné par défaut à au moins, cinq peines de 20 ans de prison ferme, assorties d’autant de mandats d’arrêt internationaux dans le cadre des nombreux procès liés aux concessionnaires automobiles et aux oligarques qui gravitaient autour du défunt Président déchu et de son frère – a invité l’ambassadeur d’Algérie à Beyrouth pour «discuter» de la nécessité d’«un accord pénal entre les deux pays».

Se débarrasser des membres de Daech

Rendue publique par l’Agence nationale d’information (ANI), la rencontre entre l’ambassadeur et le ministre de la Justice, Henri Khoury, portait en réalité sur «un accord en préparation entre le Liban et l’Algérie et relatif à l’extradition des détenus».

En fait, Beyrouth veut accélérer la ratification de deux conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition, non pas pour faciliter la remise de Abdessalem Bouchouareb, qui vit sur son territoire, à la justice algérienne, mais plutôt pour se débarrasser de supposés algériens appartenant à Daech et arrêtés au Liban, après avoir fui la Syrie.

La présence de ces «mercenaires» dans les prisons libanaises devient de plus en plus problématique, et leur remise à leur pays d’origine encore plus compliquée, puisque les deux projets de convention avaient été finalisés en 2019 par les experts des deux pays, lors d’une rencontre à Alger, mais ils n’ont pas atteint l’étape de la ratification.

Pourtant, au mois de septembre 2017, l’ancien ministre de la Justice, alors Tayeb Louh, a invité l’ambassadeur du Liban à Alger, Ghassan El Maalem, avec lequel il a «discuté des moyens de coopération bilatérale, notamment dans les domaines juridique et judiciaire», lit-on dans le communiqué officiel. Il y a moins d’un mois, et après de longues négociations, le Liban a livré Habib Lalili, Algérien faisant partie de Daech (Syrie), condamné par la justice algérienne pour «mercenariat» et faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international.

Avec beaucoup de pays, révèlent nos sources, il est plus facile de faire extrader des terroristes ou des trafiquants de drogue, que ceux condamnés ou poursuivis pour corruption. C’est le cas des Etats-Unis, où résident Chakib Khelil, ancien ministre de l’Energie, son épouse et ses deux enfants, ainsi que l’homme d’affaires Omar Habour, tous faisant l’objet de mandats d’arrêt émis par la justice algérienne. Il en est de même pour la Suisse, où vit Réda Hamech, ou le Canada, où est installé Farid Bedjaoui, lui aussi objet d’un mandat d’arrêt international.

Plus pernicieux, ou mieux conseillé, l’ancien patron de la Gendarmerie nationale, le général Ghali Beleksir, condamné par le tribunal militaire de Blida (par contumace) à une peine de 20 ans de réclusion criminelle et lui aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt international, a acheté la nationalité du Vanuatu, île devenue le refuge des criminels au col blanc du monde entier, pour échapper à une éventuelle extradition et éviter ainsi d’être remis à la justice, comme l’a été l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, extradé des Emirats arabes unis dès son arrivée sur leur territoire sur la base d’un mandat d’arrêt international, lancé contre lui par le pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed, pour «corruption».

Si certains Etats sont plus réactifs, comme cela a été le cas des Emirats, de la Turquie, qui a livré Guermit Benouira, secrétaire particulier du défunt chef d’état-major de l’Anp, Gaïd Salah, ou encore l’Espagne, la Grande-Bretagne, avec l’extradition de Abdelmoumen Khalifa, pour d’autres Etats, il ne faut pas espérer récupérer les corrompus ayant échappé à la justice algérienne, surtout si l’argent volé a été investi sur leur territoire.

 


 

 

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