Un projet de loi sera bientôt soumis au parlement français : Durcissement des conditions d’immigration en France

02/04/2023 mis à jour: 00:23
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Le projet de loi «immigration» contient au moins une mesure qui apparaît intéressante : permettre aux travailleurs sans-papiers présents sur le territoire depuis au moins trois ans d’obtenir un titre de séjour «métiers en tension», valide un an. 

A condition qu’ils y aient exercé au moins huit mois sur les deux dernières années de leur présence sur le territoire. Cela concerne une liste de métiers que les autorités actualiseraient annuellement.
Pour la Cimade, organisation qui assiste les migrants, notamment dans les centres de rétention, le compte n’y est pas dans cet article 3 de la future nouvelle loi qui pourrait du reste évoluer en décrets, devant la difficulté à obtenir une majorité parlementaire.

 

«UNE VISION UTILITARISTE DE LA MAIN-D’ŒUVRE ETRANGERE»

La Cimade insiste d’abord qu’il s’agit d’un «dispositif à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2026». Et elle note que «l’activité ne serait pas prise en compte si elle a été accomplie sous couvert de certains statuts (demande d’asile, titre étudiant, carte recherche d’emploi ou création d’entreprise)». Toutefois, «à l’issue de sa validité, la personne titulaire d’un CDI dans un métier en tension pourrait, à la discrétion de l’administration, obtenir une carte pluriannuelle salarié».
 

Cela est bien attirant, surtout pour les employeurs qui le demandent depuis des mois mais la Cimade relève que «la liste des métiers en tension peine à coller aux réalités du terrain, parce qu’elle est établie sur la base de données incomplètes et parce que l’emploi de personnes sans-papiers comble de nombreux besoins de main d’œuvre», «la plupart sont à ce jour presque absents de la liste des métiers en tension (bâtiment, restauration, ménage, aides à la personne…)». Les migrants y resteront illégaux et précaires : «Le texte perpétue et même renforce la fabrique de personnes sans-papiers par les lois françaises.»
 

Plus ennuyeux pour la Cimade, «l’approche métiers en tension perpétue une vision utilitariste de la main- d’œuvre étrangère, perçue comme une variable d’ajustement face aux pénuries de main-d’œuvre, tout en étant en décalage avec les réalités de terrain».
 

«REFORMER LE SYSTÈME D’ASILE»

Pour le reste, la loi complique les conditions d’immigration et de résidence sur le sol français. Le texte présenté par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, le ministre de la Justice et le ministre du Travail annonce «contrôler l’immigration et améliorer l’intégration». 

Il est composé de 27 articles dont l’objet est, selon les propres termes des autorités, de «lutter contre l’immigration clandestine et éloigner les étrangers dont la présence est une menace pour l’ordre public» ; «réduire considérablement les délais d’examen des demandes d’asile, en engageant une réforme structurelle de notre système de l’asile, et simplifier le contentieux des étrangers.»
 

Le projet durcit l’obtention de titres de séjour ou de renouvellement en imposant l’obligation d’un niveau de maîtrise de la langue française «puisque l’étranger devra être en mesure de justifier d’un niveau effectif qui sera défini par décret».

Légère amélioration pour certains demandeurs d’asile, pour qui la nouvelle loi permettrait «un accès plus rapide au marché du travail, sans attendre les six mois actuellement prévus. Seraient concernés les demandeurs d’asile relevant de pays dont le taux de protection est très élevé, de sorte que la probabilité d’obtenir l’asile en France est importante».
 

La future loi vise aussi les délinquants étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation pour des crimes et délits punis de 10 ans d’emprisonnement ou de 5 ans en réitération. Des mesures d’éloignement seront prononcées, même s’ils sont «en situation régulière, même présents depuis longtemps sur le territoire ou y ayant des attaches personnelles et familiales». 

Enfin, le projet de loi «conditionne à l’engagement de respecter les principes de la République la délivrance ou le renouvellement de tous les titres de séjour. 

L’étranger qui manifesterait un rejet de ces principes verrait son titre lui être refusé ou retiré et pourrait, ensuite, faire l’objet d’une mesure d’éloignement».
 

Les quelques mots d’introduction du projet de loi indiquent d’autre part qu’il est aussi proposé «de rendre possible le retrait et le non-renouvellement des cartes de résident en cas de menace grave à l’ordre public».
 

Dans une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, dès le projet connu en novembre dernier, plusieurs associations s’étaient inquiétées «en trente ans, plus de vingt textes se sont succédé (le dernier ne datant que de 2018), allant dans le sens continu d’une détérioration des conditions d’accueil et des droits des personnes exilées».

 

De notre correspondant en France  Walid Mebarek

 

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