L’organisation et la tenue du Congrès de la Soummam en août 1956, au cœur des maquis de l’Armée de libération nationale (ALN), sous le nez et la barbe de l’armée coloniale, se sont déroulées dans un grand climat de sécurité et de sérénité, marqué par la mise en place d’un dispositif sécuritaire hors norme et que des moudjahidine ont qualifié de génial.
«Les hommes de gloire qui avaient organisé le congrès étaient des génies», ne cessait de répéter feu Djoudi Attoumi, ancien officier de l’ALN et auteur de plusieurs livres sur la Révolution et ses héros, saluant autant leur courage que leur clairvoyance. Il avait soutenu que «c’était un défi de l’organiser à une heure de marche d’un poste militaire colonial», paraphrasant Abane Ramdane qui soutenait, à son tour, qu’il fallait «être fou» pour organiser le congrès à Ifri. «C’était sans compter sur l’esprit, l’audace et la stratège du colonel Amirouche, qui avait tout pensé, planifié et organisé de sorte à ce que l’information ne fuite pas d’abord et, ensuite, à ce que les congressistes et le congrès lui-même n’en soient pas perturbés», abondera, dans ce sens, le directeur du Musée du moudjahid de Béjaïa, Hadi Redouane, un fort en thème, très prolixe du reste, sur cet épisode et la stratégie savamment élaborée pour ce faire. Afin de faire diversion et occuper les forces coloniales dans des endroits éloignés d’Ifri, les unités de l’ALN ont multiplié les embuscades et les accrochages en dehors de la zone. II y a eu en même temps la coupure de la ligne ferroviaire, entre Akbou et Ighzer Amokrane, une quinzaine de jours avant la tenue du Congrès, tandis qu’une interdiction de circuler dans ou en dehors de la zone a été décrétée. «C’était un couvre-feu quasi total où seuls les enterrements et les cas d’extrême urgence étaient tolérés et/ou autorisés», dont l’objectif était d’empêcher toute fuite, a expliqué le directeur du Musée, soulignant, au demeurant, que les personnes au courant de la tenue du Congrès se comptaient sur les doigts d’une main et se limitaient essentiellement aux responsables des délégations présentes et, accessoirement, aux responsables locaux.
Il relève que «même ceux à qui il a été échu des missions spéciales dans l’organisation n’étaient pas au fait de ce qui s’y préparait. Beaucoup de personnes savaient qu’il se passait quelque chose d’important mais rares étaient en état de deviner la nature de l’événement», ajoutera-t-il, notant le pourquoi de la difficulté à trouver des témoins vivant en état de rapporter plus de détails. «Le black-out a valu y compris pour les unités combattantes mobilisées pour la cause et tenues aussi dans un total secret», a-t-il encore souligné, révélant que même les personnes chargées de l’intendance et de la préparation des repas étaient tenues dans l’ignorance.
Ce qui n’était pas une mince affaire car, a-t-il encore expliqué, «outre Ifri et la maisonnette où se réunissaient les six chefs de la Révolution, le congrès a pris des allures ambulantes, tournant à travers les 14 villages d’Ouzelaguen, notamment celui de Tiouririne, associé intensément autant aux préparatifs qu’à l’organisation». La raison en est que la confiance avait régné et toute cette région, qui a donné 1500 martyrs parmi ses enfants, était totalement acquise à la Guerre de Libération. Si bien que Amirouche, qui avait son poste de commandement dans l’Akfadou voisin, et Krim Belkacem avaient toutes les garanties pour assurer à cette réunion décisive un total succès. L’endroit, situé en région montagneuse culminant à 1000 mètres d’altitude et faisant office de balcon sur toute la vallée de la Soummam, rassurait de par sa position naturelle et géographique, offrant, notamment en cas d’attaques aériennes, plusieurs possibilités de repli et de dégagement. Hamai Kaci, Abderrahmane Mira et Si H’mimi Oufadel, sous la houlette du colonel Amirouche, ont veillé rigoureusement au grain et se sont attachés à ne négliger aucun aspect lié à la sécurité.