Un atelier de poésie lui est dédié à Ouacifs : Ahmed Lemseyyeh ressuscité par les siens

08/10/2024 mis à jour: 20:12
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L'association culturelle Tanekra du village Agouni Fourrou, dans la région des Ouacifs, vient de lancer un atelier de poésie dédié à Ahmed Lemseyyeh, un des illustres poètes, issu du village voisin de Tizi Mellal. Un chantier dont la naissance a été actée, vendredi dernier, lors du lancement du premier numéro à l'occasion de laquelle la famille du défunt poète, des poètes de la région et de nombreux citoyens, dont notamment des femmes étaient de la partie.

Cette rencontre conviviale a permis de cerner un peu plus le parcours de cet illustre poète. Car, fait paradoxal comme l'a, d'ailleurs, souligné Hocine Houali, un féru de l'illustre poète qui s'est mis, depuis des années, à la récolte de ses poèmes,  «alors que certains de ses vers et de ses isefra sont érigés en maximes, dont on se sert de nos jours pour aussi bien agrémenter les discussions que dénouer bien d'inextricables situations et que d'autres ont été attribuées à d'autres poètes, Lemseyyeh a été longtemps confiné dans l'oubli, comme nombre de ses semblables». 

Certes, a enchaîné Madjid Loualiche, un autre poète de la région, une association culturelle baptisée de son nom a lancé un festival également portant son nom au milieu des années 90, mais les deux initiatives tomberont à l'eau quelque temps après et le nom de cet aède n'est revenu au-devant de la scène que l'année dernière avec un ouvrage que lui a consacré Mohand Ouramdane Larab. Pour sa part, Mohamed-Arab Bentayeb, un des fondateurs de l'association culturelle Ahmed Lemseyyeh, et du festival éponyme, a eu à retracer succinctement le parcours de cet aède né vers 1877 à Ath Ouahmed, un des hameaux du village de Tizi Mellal, en contrebas du mont de Kouriet.

De son vrai nom Ahmed Ghezlane, Lemseyyeh n'a pas cessé de pérégriner et de voyager, d'où, d'ailleurs, le sobriquet qu'il s'est, précise son arrière bru,  «lui-même  attribué peu après comme pour devancer ses détracteurs». Bentayeb qui dit se fier à ce que lui a confié le défunt Mohamed Kerfes dit Bouchachiw, du village voisin d'Agouni-Fourrou avec qui l'illustre poète  a partagé le logis près de vingt durant quand ils étaient ensemble employés chez le constructeur français, Citroën, Lemseyyeh était un «homme de parole qui n'avait pas froid aux yeux tant il disait ce qu'il pensait, ce qu'il voyait et il lui arrivait même de tomber à bras raccourcis sur des amis à lui qui commettaient des fautes ou des écarts.

Il ne déclinait jamais d'invitation et répondait à toutes les sollicitations pour dénouer des conflits ou intercéder entre des personnes en mésentente». A ce sujet, une femme raconte que son défunt père lui a parlé d'un fait qui a regroupé Lemseyyeh et Ahmed Oumeri. «En 1947, raconte-elle, l'illustre bandit d'honneur délesta les voyageurs d'un autocar desservant Ouacifs de leur argent et cracha même dans la bouche de l'un d'eux. Scène face à laquelle l'illustre poète ne resta pas de marbre puisque, il ne mâchera pas ses mots à l'égard d'Ouméri.»

«Le virus de l'errance»

Lemseyyeh avait, par ailleurs, «une démarche bien singulière, puisque en marchant, il ne cessait de regarder de tous les côtés comme s'il était en perpétuelle quête de quelque chose et quand il parlait, il balançait sa tête comme s'il tamisait ses propos», rapporte encore son arrière-bru sur la foi de ce qui lui a été raconté à son tour. 

Après avoir  partagé avec les siens les difficultés et les vicissitudes de la vie d'antan, Lemseyyah «ne tardera pas à attraper le virus de l'errance, précise Bentayeb, puisqu'il s'installera d'abord à Bouira où il ouvrit  un  commerce, tout en exerçant comme marchand ambulant, se rendant régulièrement à Sidi Aïssa, Aïn Ouessara, Collo, Bou Saâda, Souk Ahras et atterrira même à Tunis». Las d'exercer ce métier difficile, il rejoindra l'Hexagone où, près de 20 ans durant, il travaillera chez le constructeur automobile Citroën en compagnie de nombre de ses compatriotes.

Un exil qui prendra fin au crépuscule de la vie du poète qui rejoindra sa chère Tizi Mellal où il décédera le 25 décembre 1951 des suites d'une longue maladie. On raconte qu'ayant ressenti des douleurs atroces aux pieds des mois durant, il «guérira le lendemain même de son imploration du Tout Puissant à coup d'une composition poétique que l'on cherche encore», précise Bentayeb, qui soutient avoir tout «récemment mis la main sur trois des poèmes du poète». «Nous ne regrettons pas trop de n'avoir pas édité de recueil du poète car son répertoire est loi d'être exhaustif», dit-il.

Un avis que ne partage pas l'assistance, dont notamment l'auteure Louisa Kaneb, qui se propose «d'accompagner le projet en éditant l'oeuvre de l'illustre poète avec ce qu'il y a de disponible et penser à des rééditions enrichies au grès des nouvelles prises de poèmes». Ce qui constitue, d'ailleurs, «un de nos objectifs à travers cet atelier», précise, pour sa part, Hocine Laoues, poète et un des instigateurs de ce chantier qui court également «d'autres objectifs consistant à encourager et accompagner les poètes dans l'édition de leurs répertoires et de les convier cycliquement pour des récitals lors de rencontres conviviales».

Comme celle, donc, de ce vendredi lors de laquelle   une dizaine de poètes et de poétesses ont eu à déclamer certaines de leurs oeuvres, à l'image de Dahbia Kennane, Ferroudja Mahroug, Mansour Hechiche, Belkacem Kara, Rabah Hamma, Hocine Aït Belkacem, Hacène Kashi, Mohamed-Arab Bentayeb, Rachid Izerkhef, Akli Begriche ou encore Hocine Laoues et Madjid Loualiche. Des déclamations entrecoupées de témoignages sur l'illustre poète et d'échanges sur la meilleure manière de mener ce projet d'atelier qui lui est dédié. M. K.

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