Au moins 110 personnes ont été arrêtées hier en Turquie dans le cadre d’une opération «anti-terroriste» visant le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et dénoncée comme une «tentative d’intimidation», rapporte l’AFP. L’opération menée simultanément par la police dans vingt et une provinces du pays, dont celle de Diyarbakir (sud-est) à majorité kurde, est inédite par son ampleur, selon l’Association du barreau de Diyarbakir.
L’Association estime que «le nombre total d’interpellations pourrait atteindre 150», dont au moins «une vingtaine d’avocats, cinq journalistes, trois acteurs de théâtre et un politicien», a-t-elle détaillé.
Les avocats sont interdits de tout contact avec leurs clients pendant 24 heures, a précisé l’Association. Reporters sans frontières pour sa part a dénombré «onze journalistes arrêtés», dont les responsables de l’agence de presse kurde Mésopotamia et ceux de plusieurs publications.
Le président de l’Association du barreau de Diyarbakir, Nahit Eren, a dénoncé, dans un communiqué, «une tentative d’intimidation des électeurs kurdes». «Nous ne pouvons pas dire qu’il s’agit d’une opération indépendante déconnectée de l’agenda politique du pays. L’opération semble être une intimidation des électeurs kurdes», a-t-il affirmé.
Selon la chaîne de télévision publique TRT, les personnes arrêtées sont suspectées d’avoir financé le PKK, classé par Ankara et ses alliés occidentaux comme organisation terroriste et interdit dans le pays, ou d’avoir recruté de nouveaux membres.
Des suspects auraient transféré de l’argent au PKK par l’intermédiaire de sociétés opérant depuis des municipalités gérées par le principal parti pro-kurde de Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP), affirme TRT. «Les domiciles de nombreuses personnes, dont des journalistes, des avocats et des dirigeants d’ONG, ont été perquisitionnés aux premières heures de la matinée», affirme pour sa part l’ONG de défense des libertés MLSA.
Le HDP, dont le candidat à la présidentielle de 2018 a terminé troisième avec 8,4% des suffrages exprimés, est considéré comme le faiseur de roi du scrutin du 14 mai qui s’annonce disputé.
Dans un communiqué, le parti a dénoncé «une opération de vol des urnes et de la volonté du peuple» et évoque la «panique» du gouvernement à l’approche du scrutin.
Les élections présidentielle et législatives qui se tiennent le mois prochain en Turquie seront décisives pour le maintien, ou non, du président Recep Tayyip Erdogan et de son parti AKP, au pouvoir depuis deux décennies.
L’opposition présente un front uni de six partis qui a désigné un candidat unique à la présidence, Kemal Kiliçdaroglu, auquel le HDP a apporté son soutien. Le HDP est la troisième force politique du pays et deuxième formation d’opposition au Parlement. Son co-président et principale figure, Selahattin Demirtas, est en prison depuis 2016 pour «propagande terroriste».
«Ils ne pourront empêcher l’avènement de la paix, de la prospérité et de la démocratie», a-t-il lancé depuis son compte Twitter. Le HDP est par ailleurs sous le coup d’une menace de fermeture, réclamée en janvier devant la Cour constitutionnelle turque par un procureur qui l’a accusé d’être lié «de façon organique» au PKK.