La bravoure de la BAT a épargné à la Tunisie un carnage similaire à celui du 11 avril 2002 et ses 19 morts à la même synagogue de la Ghriba, ou celui de Sousse le 26 juin 2015 et ses 39 morts.
Les forces sécuritaires tunisiennes ont donc acquis l’expérience requise pour faire face à un terroriste, bien armé, muni d’un gilet pare-balles et qui essayait de les prendre par surprise, puisqu’il appartenait au corps de la Garde nationale. Il y a eu certes des pertes collatérales. Mais, le terroriste n’a pas atteint ses objectifs.
Les services tunisiens de sécurité ont la maîtrise de la situation.
Preuve en est la dernière attaque terroriste d’envergure remontant à novembre 2015. Les forces de l’ordre tunisiennes demeurent sur le qui-vive, et c’est tant mieux. Le terrorisme n’a plus besoin de colonnes d’éléments pour faire mal, comme ce fut le cas avant-hier à Djerba.
Il a suffi d’un garde national déréglé, ayant glissé entre les mailles du filet du contrôle antiterroriste lors des recrutements, pour rappeler aux autorités tunisiennes le besoin de faire un nouveau passage au peigne fin de ses forces de l’ordre. Le dérèglement pourrait, certes, survenir en cours de route. Les lavages de cerveaux sont monnaie courante.
Il est donc impératif de revoir régulièrement l’état mental des effectifs sécuritaires. La mission est d’autant plus importante que les islamistes se sont emparés directement du ministère tunisien de l’Intérieur en 2012/13, avant de le diriger par personnes interposées jusqu’en 2019.
Seul Lotfi Brahem, en poste entre septembre 2017 et juin 2018, a essayé de remuer certains dossiers, comme celui des recrutements, pour s’assurer de la loyauté des agents. Et ce n’est pas un hasard si le leader islamiste aux arrêts en ce moment, Rached Ghannouchi, a toujours regretté le fait que «l’armée et la police ne sont pas sûres».
L’opération d’avant-hier montre clairement la nécessité d’un examen psychique régulier des agents pour éviter pareils écarts aux conséquences très lourdes. Les expressions de solidarité se sont multipliées depuis avant-hier, aussi bien au niveau local qu’international.
Ainsi, la puissante centrale syndicale UGTT, quoiqu’en conflit avec le pouvoir, a fermement condamné l’opération terroriste de Djerba. Elle a appelé à établir une stratégie claire pour aspirer l’impact de cette opération terroriste et ses répercussions économiques. L’UGTT a déploré que «certains médias étrangers exploitent la situation pour déverser des mensonges concernant le prétendu antisémitisme des Tunisiens».
Pour leur part, les fédérations professionnelles des hôtels et des agences de voyages ont condamné cet abominable acte terroriste, en considérant que «c’est un acte isolé». Les professionnels du tourisme ont peur pour la suite de cette saison, qui s’annonce sous de bons auspices. Pour sa part, l’Ordre des médecins a condamné, lui-aussi, cet «acte barbare».
Tout le monde a adressé un vibrant hommage aux forces de sécurité qui sont parvenues à éviter un carnage. Côté étranger, les Etats-Unis ont condamné avec vigueur l’attaque perpétrée près de la synagogue de la Ghriba. «Les Etats-Unis déplorent l’attaque perpétrée en Tunisie, qui coïncide avec le pèlerinage juif annuel attirant à la synagogue de la Ghriba des fidèles du monde entier. Nous exprimons nos condoléances au peuple tunisien et saluons l’action rapide des forces de sécurité tunisiennes», a réagi sur Twitter Matthew Miller, le porte-parole du département d’Etat américain.
Même réaction du côté français. «L’attaque contre la synagogue de la Ghriba nous bouleverse. Nous pensons avec douleur aux victimes, au peuple tunisien, nos amis», a déclaré hier, en milieu de journée, le président français, Emmanuel Macron, sur ses réseaux sociaux. Il a eu une pensée pour le Marseillais d’origine tunisienne, père de famille de 42 ans, l’une des deux victimes civiles. L’autre victime civile étant son cousin, originaires tous les deux de l’île de Djerba. «Nous sommes aux côtés de la famille de notre compatriote assassiné. Toujours, sans relâche, nous lutterons contre la haine antisémite», a ajouté le président français.
Il est à souligner que cette attaque terroriste a visé la synagogue de la Ghriba, sur l’île de Djerba, qui a accueilli 7000 visiteurs venus de différents pays du monde, afin de commémorer la saison annuelle du pèlerinage juif, qui a débuté vendredi 5 mai et pris fin mardi 9 mai. La synagogue de la Ghriba est l’une des plus anciennes synagogues juives du monde, dont la construction remonterait à environ 2500 ans.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami
Les faits : Le gendarme a égorgé son collègue…
Le terroriste, agent de la Garde nationale, était en poste à Aghir, à l’entrée du bac naval sur la rive de Djerba. Il a égorgé son collègue, lui a subtilisé sa Kalechnikov et six chargeurs, ainsi que son gilet pare-balles. Le terroriste a ensuite utilisé un Quad pour aller d’Aguir aux abords de la synagogue de la Ghriba, située à près de 20 kilomètres. Il a laissé son Quad un peu loin de la synagogue et s’en est approché à pied de la partie arrière du site religieux, du côté du parking. Les éléments de la 1re ceinture de sécurité de la brigade antiterroriste (BAT) ont douté de l’intrus, malgré sa tenue de garde national. Il ne portait pas le badge de la mission. Ils l’ont sommé de s’arrêter. Il a commencé à tirer. Les éléments de la BAT ont riposté.
Le terroriste, muni d’un gilet pare-balles, continuait à tirer alors qu’il était à terre, blessé par les premières balles l’ayant touché aux jambes. Il a fallu attendre que le terroriste soit touché à sa tête pour qu’il périsse. Les agents de l’ordre ont déploré un martyr, deux blessés graves ayant perdu la vie à l’hôpital et quatre blessés ayant subi des interventions chirurgicales. Deux jeunes cousins djerbiens, présents au parking, ont succombé lors de cet échange nourri de coups de feu. L’un d’eux, vivant à Nice, a la nationalité française. Il est venu passer quelques jours en Tunisie. Selon René Trabelsi, l’ex-ministre de Tourisme en Tunisie et principal promoteur touristique de la visite de la Ghriba, une vingtaine de bus avait déjà quitté les lieux 15 minutes avant l’attaque.
«Mais des centaines de personnes étaient encore à la synagogue et c’est l’action des forces de l’ordre qui a permis d’éviter un véritable carnage, puisqu’elles ont fait face au terroriste et l’ont abattu», a affirmé M. Trabelsi, qui a remercié les forces de la BAT pour leur intervention efficace, malgré les pertes subies. «Les pertes dans les rangs de la BAT seraient dues aux recommandations de tirer dans les jambes après les premières alertes ; et comme le terroriste est muni d’un gilet pare-balles, ses premières blessures lui permettaient de continuer à tirer, alors qu’il était à terre. C’est le coût humain de quelques secondes en confrontation frontale. Gloire à nos martyrs», a déclaré à Radio Shems le général à la retraite Mokhtar Ben Nasr. M. Sellami