Trésors de bronze, d'or, de jade et d'ivoire… : Les ruines du site énigmatique de Sanxingdui révèlent de nouveaux secrets en Chine

02/10/2024 mis à jour: 14:22
1990
Avec leur étrange apparence, leurs yeux télescopiques et leurs oreilles «elfiques», les masques de Sanxingdui demeurent uniques dans la production artistique de la Chine ancienne

Masques en or, jade, coquillages, têtes en bronze, vases, statues… Dans six fosses sacrificielles exhumées à Sanxingdui (province du Sichuan, sud-ouest de la Chine), «plus de 17 000 reliques culturelles ont été mises au jour», indiquait le directeur adjoint du musée du site archéologique lors de l'annonce de l'identification, en ces lieux, d'un incroyable atelier de jade en juillet 2024.


Les fouilles se poursuivent, et les découvertes s'enchaînent. Les dernières en date, détaillées dans la revue Sichuan Cultural Relics et relayées par le South China Morning Post le 28 septembre, font état de précieux objets en bronze, enterrés sous des centaines de défenses d'éléphants dans le but de les «dissimuler entièrement», selon l'article des archéologues.


Sanxingdui : une civilisation mystérieuse

Sanxingdui a radicalement transformé notre compréhension de la civilisation chinoise ancienne. Découvert pour la première fois en 1929, le site archéologique a révélé des artefacts datant de l'âge du bronze, plus précisément, de la période de la culture de Sanxingdui (environ 2800-1100 av. J.-C.). Or, ils ne correspondent pas aux vestiges typiques des dynasties Shang (1570-1045 av. J.-C.) ou Zhou (1046-256 av. J.-C.) qui dominent à l'époque le nord de la Chine.


Les chercheurs soupçonnent que la cité d'environ 3,6 km2 était autrefois, dans le bassin du Sichuan, au cœur du mystérieux royaume Shu, l'un des nombreux entourant alors les Shang dans la Chine centrale. Une civilisation distincte s'y serait même développée il y a 4500 ans. Aucune trace écrite n'a toutefois été trouvée pour expliquer d'où venaient ces anciens Shu, ou la signification des abondantes reliques qu'ils ont laissées derrière eux, enterrées. A partir des années 1980, Sanxingdui est plus largement fouillé et attire l'attention académique et médiatique après la découverte, dans une fosse, d'objets avancés en bronze, en or et en jade, suggérant un haut degré de prospérité économique et de compétences technologiques… et dans des styles jusqu'alors inconnus, donc. Au fil des années – et même des décennies – de recherches, davantage de fosses similaires ont été décrites par les spécialistes sur place.


Des fosses pleines de trésors anciensEn 2021, des scientifiques de l'Institut d'archéologie du Sichuan et de l'université de Shanghai déterrent environ 2700 artefacts dans l'une d'entre elles. Puis entre 2020 et 2022, sur la même rive et accompagnés d'experts de l'université de Pékin, ils décèlent une deuxième fosse, cachant d'autres "reliques culturelles précieuses" en bronze. Parmi elles, une figure agenouillée tenant un vase rituel sur la tête ; un autel, un arbre sacré ; un vase carré à bouche ronde…Il serait fastidieux de décrire une à une les nombreuses (et incroyables) trouvailles réalisées dans cette fosse funéraire, la plus grande parmi les huit pour le moment identifiées dans ladite «zone rituelle» de Sanxingdui. Mesurant 19 m2 et datée entre 1117 et 1015 av. J.-C., elle renfermait au total plus de 5000 artefacts en bronze (récipients, sculptures de têtes, figurines humaines et animales, ornements en forme d'œil, etc.) Et notamment des vases en bronze présentant des caractéristiques propres à la fin de la dynastie Shang.


Environ 420 artefacts fabriqués à partir de feuilles d'or ont aussi été mis au jour dans cet immense dépôt. 
La plupart, sous la pression de températures élevées, ont été retrouvés froissés et déformés. Mais les experts ont pu en identifier certains, comme d'anciens, ornements en forme de poisson ou d'oiseaux. D'autres constituaient jadis quatre masques cérémoniels en or dont l'un, mesurant 20 centimètres de large, était attaché à une tête en bronze. Il est soupçonné qu'à l'origine, les autres étaient fixés de la même manière.


Dans les enterrements, de l'ivoire protecteur ?

Plus récemment, les archéologues ont décrit la découverte, dans la plus grande fosse, de près de 400 pièces de défenses d'éléphant, atteignant pour près de la moitié les plus de 50 centimètres – la plus longue, 1,4 mètre. La majorité était intacte. Un plus petit nombre avait été coupé en segments plus courts. Certaines présentaient des marques de brûlure noirâtres. 

Dans la fosse voisine, cent pièces d'ivoire avaient été également déposées entières, certaines brûlées. D'après les spécialistes, la communauté ancienne de Sanxingdui suivait pour ses enterrements un schéma général, consistant à placer les objets en bronze plus grands en haut, tandis que les plus petits étaient placés plus bas. 


Le tout était dissimulé par les fameuses pièces d'ivoire. «Bien qu'ils soient positionnés sans ordre strict, les défenses sont généralement organisées au même niveau afin qu'aucune ne dépasse», écrivent-ils dans Sichuan Relics.

Parmi tous ces butins se trouvaient aussi 660 pièces de jade, des lames cérémonielles méticuleusement polies, des disques vert ou blanc… L'une d'entre elles, faite d'une seule gemme et de la taille d'une main, a été ornée de remarquables sculptures : le visage d'une bête, ressemblant étroitement à celui de bronzes identifiés dans l'une des premières fosses fouillées sur le site ; des phénix sur les côtés, accompagnés de leurs coquillages.


Peut-être provenait-elle de l'un des anciens ateliers de Sanxingdui ? Ou alors, s'agissait-il d'un échange culturel entre la ville et un autre territoire chinois de l'âge du bronze ? Les enquêtes se poursuivent dans les nombreuses fosses, restées fortuitement intactes depuis des millénaires.

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