Transport en commun à Constantine : La source de toute forme de cinétose

27/03/2023 mis à jour: 03:57
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Les horaires de circulation n’ont jamais été respectés

C’était une journée ensoleillée du mois de mars. Il faisait 24°C à l’ombre. Nous sommes déjà dans le bus qui mène du centre-ville de Constantine vers la cité de Daksi Abdessalem. Il est stationné depuis 10 minutes à la gare Les Frères Zaamouche à Bab El Kantara

Le chauffeur refuse de démarrer, car le bus «n’est pas encore plein». Dehors, le receveur criait à tue-tête, en abordant les gens dans la station : «Daksi ! Daksi ! Vous  cherchez le bus de Daksi ?» «Il était une fois, le transport collectif urbain était public en Algérie, avant sa privatisation catastrophique», lance un homme âgé dans le bus presque plein et la température commence à augmenter à l’intérieur. 

Les passagers décident d’ouvrir les fenêtres pour aérer «la boite à sardine». Heureusement ce n’est pas l’été. «Quand le bus démarre, tu fermes la fenêtre s’il te plait. Je suis malade et je ne supporte pas la circulation violente d’air quand il roule», demande une quinquagénaire à une jeune fille assise devant la fenêtre.

Les conditions de ce moyen de transport «très usé» sont déplorables. Saleté, bruit, chaises abîmées, odeurs nauséabondes, des gens collés l’un à l’autre favorisant harcèlement ou vol à la tire. Ce sont les scènes courantes que vivent les passagers. Toutes les composantes de ce tableau ne sont pas réglementaires, mais elles sont quand même imposées aux citoyens au vu et au su de toutes les autorités.

 En cas de réclamation, le receveur ou le chauffeur heurte les insurgés avec sa fameuse expression : «Vous n’avez qu’à prendre un taxi. C’est ça le bus, vous êtes en Algérie, le tiers monde !» Une affligeante publicité pour une ville qui veut promouvoir son tourisme. Le chauffeur, en réalité, n’a pas tort. 

Dans tous les pays qui se respectent, avec un tourisme émergeant, le transport commun est public. Ce n’est pas tout. A Constantine, les conducteurs ou les propriétaires des bus ont franchi le rubicond avec leurs dépassements. Certains stationnent dans les ronds-points ou à l’entrée des trémies et d’autres font la course sur la route ou dévient carrément l’itinéraire indiqué. 

C’est le cas d’un chauffeur de bus assurant la ligne El Khroub-Boussouf. «Le chauffeur nous a abandonné en fin de journée à l’arrêt de la cité Kouhil Lakhdar (Djenan Zitoune), nous demandons de prendre un autre moyen de transport. Et il a fait ça à plusieurs reprises. J’ai alerté, il y a quelques mois, les services de la direction des transports, mais en vain. 

Il a fallu écrire dans la presse, pour que ces derniers bougent», a témoigné un habitant d’El Khroub. Pourtant, le changement du parcours est interdit par la loi, et le bus sera mis en fourrière pendant 45 jours par la commission de contrôle compétente. Une jeune femme habitant la cité Daksi ajoute que la direction concernée doit intervenir pour les bus assurant la ligne Daksi-Ali Mendjeli.

 Le véhicule est tombé en panne, laissant une quarantaine de passagers en rade sur la route. En plus de l’état catastrophique de ces moyens de transport privé, les témoignages recueillis quotidiennement sont accablants. Même les bus publics ont disparu de la scène, en se contentant d’assurer quelques lignes seulement. 


Le lobby des transports privés  

S’agit-il d’un lobby qui défend ses intérêts, en voulant casser le secteur public au détriment du bien-être collectif ? «S’il y avait une réelle intervention sur terrain suivie d’une lourde sanction, il n’y aura plus de récidive». Tel est le constat des citoyens empruntant le transport en commun. 

Citons à titre d’exemple les horaires de circulation qui n’ont jamais été respectés. Une source du secteur nous confirme qu’il est mentionné dans la carte des horaires que le chauffeur doit démarrer à 5h30 et terminer à 21h. Il doit également assurer le déplacement durant les week-ends et les jours fériés. Pis encore, le conducteur ne doit pas rester dans une station ou un arrêt plus de 5 minutes. Malheureusement, la décision finale revient au chauffeur qui conduit un bus roulant depuis 20 ans et n’assure aucune permanence les week-ends surtout pour certaines zones. 

La population est à la merci de ce dernier. «Certains bus datent des années 1990 et manquent des moindres conditions de sécurité technique mettant la vie des passagers en danger permanent», avait souligné Mohamed Mechati président de la commission des transports de l’APW de Constantine, lors de la troisième session tenue l’année dernière. Et de poursuivre que la cause de graves accidents de la route est liée à la négligence et l’absence du contrôle technique cyclique et régulier des bus. 

Pourtant, indique-t-il, la réglementation est claire. «La loi en vigueur impose pour les nouvelles lignes à ce que l’âge du bus ne doit pas dépasser 10 ans et 6 ans pour certains», a indiqué M. Mechati, qui a fait le tour de la problématique. Mais les mesures sur terrain demeurent toujours insignifiantes. 

Pour certains endroits, les citoyens font recours aux conducteurs clandestins. L’élu de l’APW affirme également que de nombreux conducteurs ont obtenu l’autorisation pour certaines lignes, mais ils n’ont jamais exercé. Pourtant, les chiffres de la direction des transports que nous avons pu obtenir sont importants. 

Le réseau du transport urbain compte 68 lignes exploitées par 867 opérateurs. Les lignes sont assurées par un total de 1 152 bus avec une capacité de 60 941 sièges. Le parc urbain a été renforcé par 85 bus supplémentaires en 2022 et environ 100 bus vétustes ont été remplacés par d’autres.

 La circonscription administrative de Ali Mendjeli a été également renforcée par 50 bus, encore privés, et la ville de Constantine dotée de 15 bus appartenant à l’Etablissement public de transport urbain et suburbain (ETC). Pour les infractions, notre source soutient que leur nombre a dépassé les 40 transgressions des normes en ce mois de mars, et ce sont toujours les mêmes pratiques.                                                                      

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