Transcriptions : Du livre au film et du mot à l’image

19/11/2023 mis à jour: 15:39
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L’attentat, film tiré du roman de Yasmina Khadra qui plonge au cœur des villes palestiniennes, entre guerre et terrorisme. Une œuvre qui se détourne du roman selon l’écrivain, qui pousse à relire le livre pour comprendre la situation actuelle

Dans le monde, les adaptations de romans au cinéma sont très nombreuses, la majorité des scénarios de fiction étant tirés de livres, qu’en est-il de l’Algérie où le réalisateur est souvent le producteur et le scénariste, quand il n’est pas aussi acteur, perchman et costumier ? 

 

Depuis quelques années, les enseignants universitaires en littérature poussent les étudiants à faire leurs thèses de fin d’études sur les romans algériens contemporains, bousculant l’habitude de se pencher sur des auteurs mondiaux connus, souvent d’une autre époque. 

Au cinéma, par contre, qui manque de scénarios forts, il y a peu d’adaptations de livres, les producteurs préférant engager des scénaristes qui partent de zéro, quand ils n’écrivent pas eux-mêmes le scénario ou le confient à un réalisateur qui arrive avec son projet. Si aux USA, un scénario est payé environ 1 million de dollars, il faut compter pour l’Algérie entre 1 et 2 millions de dinars pour un long métrage, entre 500 000 et 800 000 pour un court, même si, en général, le cachet du scénariste est fonction du budget global et tout part à la baisse si le budget n’est pas entièrement là. 

Exemple, les films qui ont reçu le soutien de l’ex-FDATIC (aujourd’hui FNDATICPAL, soit 4 lettres en plus), ont reçu en moyenne 39 millions chacun environ (certains beaucoup plus, d’autres moins) sur une enveloppe globale de 470 millions de dinars à diviser par 12 longs métrages retenus, ce qui donnera environ 3% au scénariste, soit entre 1 million de dinars ou un peu plus, cachet unique comme pour un chanteur de raï qui n’a ensuite plus de regard sur l’exploitation du film et ses recettes, alors que dans le monde, le scénariste est généralement associé aux ventes (salles et dérivés) et gagne de l’argent si le film en gagne. 

Mais si le film est adapté d’un livre, l’auteur, qui n’est pas le scénariste, ne touchera environ que 1% du budget du film, soit 3 fois moins. Il faut donc écrire des livres pour en faire des scénarios pour en faire des films, même si la tendance veut que le réalisateur soit souvent le scénariste du film, qui s’inspire ou pas d’un livre. Voilà pour les chiffres et les dollars, mais quels sont ces films tirés de romans algériens ?

 De L’âne d’or, conte burlesque et métaphysique d’Apulée de Madaure (M’daourouch), considéré comme le premier roman de l’histoire, adapté au cinéma par Sergio Spina en 1970 à L’effacement, film librement adapté par Karim Moussaoui du roman éponyme de Samir Toumi, actuellement en cours de tournage, on peut citer La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo, adapté du livre de Yacef Saadi, coproducteur du film (Casbah Films, 1966), 

L’Opium et le bâton de Mouloud Mammeri, 1965, réalisé par Ali Rachedi en 1969 ou L’Honneur de la tribu de Mahmoud Zemmouri en 1993, tiré du roman de Rachid Mimouni. Sans oublier Ali Ghalem, qui tire un scénario de son propre roman, Une Femme pour mon fils, et le réalise en 1982, décrochant le prix de l’Union catholique de la Mostra de Venise 1983. Mais aujourd’hui, c’est incontestablement Yasmina Khadra qui est l’écrivain algérien le plus adapté, en Algérie ou ailleurs, avec Morituri (2004) de Okacha Touita, Ce que le jour doit à la nuit (2012), réalisé par Alexandre Arcady, L’attentat (2013), réalisé par Ziad Doueiri, ou Dhokha en Hindi de Pooja Bhat adapté du même roman en 2007, ou encore Les Hirondelles de Kaboul (2019), film d’animation de Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec. Et tout récemment, le célèbre auteur vient d’annoncer que A quoi rêvent les loups, roman paru en 1999, va être adapté au cinéma : «le réalisateur sera Algérien», espérant que «le film sera tourné en Algérie». 
 

L’adaptation est-elle trahison ? 

Les littérateurs sont formels, la traduction est trahison, des pans disparaissant entre une langue et une autre, mais tirer un film d’un livre est-il considéré comme un détournement ? Fin septembre dernier, le cinéaste Rachid Bouchareb et l’écrivain Yasmina Khadra, qui ont travaillé ensemble sur des scénarios, débattaient de l’adaptation des romans au cinéma lors du 6e Festival national de la littérature et du cinéma de la femme de Saïda (voir El Watan du 18 novembre). Si pour l’écrivain «c’est un honneur d’être adapté», il avoue n’avoir pas été d’accord avec Alexandre Arcady, Okacha Touita, Ziad Douéry et pas du tout avec Zabou Breitman, assénant au passage que «le cinéma est une dictature qui impose ses images et ses personnages, un monde fourbe où l’on détourne parfois les propos de l’auteur», le cinéaste Rachid Bouchareb avoue que «par obligation, j’ai écrit des scénarios, mais cela me handicape en tant que cinéaste», vantant le système américain et «la cohabitation entre l’écrivain qui écrit le scénario et le cinéaste, où la liberté est laissée aux cinéastes d’aller chercher les scénarios qui leur correspondent».
 

Les deux sont d’accord, on ne donne pas assez la possibilité à des écrivains algériens d’écrire des scénarios, ce qui est au fond une affaire d’écrivains. «Je souhaite que nos réalisateurs s’inspirent des écrivains algériens», rappelle encore Yasmina Khadra, «je me suis battu pour que les droits ne soient pas chers pour eux, je suis reconnaissant envers les gens qui ont adapté mes œuvres et doublement fier de voir un Algérien le faire». Beaucoup plus de films algériens, de films algériens tirés de romans algériens ou de romans algériens et de films algériens tout court ? La question est là, avec cette idée que l’adaptation d’un roman confère à l’écrivain un statut de «parent adoptif» comme l’a encore souligné Yasmina Khadra. 

Mais comme tout parent, si l’enfant s’avère un délinquant, il n’y a pas grand-chose à faire. A part le tabasser. 

 

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