Train mythique : L’Orient-Express bientôt de retour sur les rails

21/11/2023 mis à jour: 23:12
AFP
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Depuis 1883, L’Orient-Express est l’incarnation du voyage de luxe

A la fin du XIXe siècle, l’Europe se couvre d’un réseau de voies ferrées de plus en plus dense. Au même moment, l’ingénieur belge, Georges Nagelmackers, qui a découvert aux États-Unis les wagons Pullman permettant aux voyageurs de dormir à bord, crée la Compagnie internationale des wagons-lits, dont l’Orient-Express va devenir le fleuron. Les Européens fortunés ont soif de luxe et d’aventure.

 Le train qui relie Paris à Constantinople (l’ancien nom d’Istanbul) propose une expérience où le frisson de la découverte, et parfois du danger, se conjugue au confort de somptueuses couchettes et aux plaisirs de la haute gastronomie. Entre son voyage inaugural en 1883 et les Années folles, l’Orient-Express incarne une certaine idée du voyage, avant de connaître un lent déclin, jusqu’à son arrêt en 1977. 

Il renaît quelques années plus tard sous forme d’une très onéreuse offre touristique. La redécouverte fortuite de 17 wagons disparus depuis dix ans fait un peu plus revivre la magie. Les voitures, qui sommeillaient dans une gare de triage en Pologne, sont dans un état de conservation miraculeux. Leur rénovation est confiée à l’architecte et décorateur, Maxime d’Angeac, qui a pour mission de penser l’Orient-Express de demain, tout en conservant l’esthétique et l’esprit du train original. Les nouvelles rames seront présentées à l’occasion des JO de Paris, en 2024, avant de repartir pour de nouvelles destinations.
 

UNE AVENTURE EUROPÉENNE

Quand le premier Orient-Express quitte la gare de Strasbourg (actuelle gare de l’Est) à Paris le 5 juin 1883, les principales villes d’Europe sont déjà reliées entre elles par voie ferrée, mais les voyages sont peu confortables. Ce palace roulant vend du rêve en même temps qu’un réel progrès : joindre Istanbul en bateau prend deux semaines. L’Orient-Express ne met que trois jours en desservant Munich, Vienne, Budapest et Bucarest. Il faut ensuite traverser le Danube à Giurgiu, prendre un autre train jusqu’au port de Varna et embarquer sur un navire vapeur pour arriver à destination. Après la Première Guerre mondiale et le creusement du tunnel du Simplon entre la Suisse et l’Italie, l’Orient-Express change d’itinéraire. Les perdants allemands sont privés de train, qui passe désormais par Venise et les Balkans. Depuis Istanbul, on peut monter à bord d’autres voitures de la compagnie pour s’aventurer dans le véritable orient : Baghdad, Beyrouth, Le Caire…
 

Dans le palace roulant, c’est une débauche de luxe pour satisfaire des passagers souvent plus intéressés par la vie à bord que par les paysages pourtant grandioses qu’ils traversent. Bois rares et verreries signées Lalique décorent les wagons-lits, le wagon-bar et le wagon-restaurant. Les draps sont changés chaque jour, ce qui oblige la compagnie à créer un réseau de blanchisserie à travers toute l’Europe.
 

Chaque soir, des dîners fins sont servis aux convives en smoking et robe de soirée, par des serveurs aguerris qui doivent composer avec les cahots de la voie ferrée. Les victuailles sont chargées avant le départ, mais les cuisiniers, qui réalisent des prouesses dans une cuisine d’à peine six mètres carrés, se réapprovisionnent en chemin : le menu s’adapte aux produits locaux au gré des changements de pays. Au bar, où l’on sert les meilleurs alcools et les liqueurs les plus fines, un pianiste se charge de mettre l’ambiance lors de soirées chics mais passablement arrosées. Le confort s’améliore avec les avancées au fil des ans.
 

Malgré les relatifs périls que courent les passagers – ou en raison de ceux-ci –, l’Orient-Express est un lieu où il fait bon être vu. S’y pressent mondains, écrivains, mais aussi hommes d’affaires et diplomates qui viennent conclure des accords commerciaux ou négocier des traités. Léopold II de Belgique est l’un de ses plus fervents ambassadeurs, et on le voit souvent à bord, de même qu’Edouard VII d’Angleterre, François-Joseph Ier d’Autriche et Ferdinand Ier de Bulgarie, qui adore conduire la locomotive. Lawrence d’Arabie, Mata Hari, Nijinski, Marlène Dietrich, Maria Callas, Grace Kelly ont à des époques différentes fait sa réputation mondaine.
 

DES WAGONS D’UN LUXE INOUÏ

Elles ne sont pas toujours très calmes, les contrées traversées à ses débuts par l’Orient-Express. On aurait même demandé aux passagers du voyage inaugural de s’équiper d’une arme pour se protéger des brigands.
À l’aube du XXe siècle, traverser la poudrière des Balkans, où la guerre éclate en 1912 entre l’Empire ottoman et les jeunes nations qui ont fait sécession en 1878 (Serbie, Grèce, Monténégro, Bulgarie), n’est pas sans danger. Des nationalistes bulgares attaquent même le train. La Première Guerre mondiale obligera la liaison à s’interrompre pendant quatre ans. La nature peut aussi s’avérer hostile. Le convoi est bloqué à plusieurs reprises par la neige. Les passagers dorment tout habillés pour lutter contre le froid pendant que le personnel affronte les bourrasques pour aller chercher des vivres.
 

L’Orient-Express a connu deux âges d’or : la période héroïque jusqu’en 1914 et l’ère fastueuse à partir de 1919.
Son activité cesse pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle reprend après-guerre, mais le déclin est inexorable. Concurrencé par l’avion, l’Orient-Express devient soudain très lent, et les douaniers tatillons des pays de l’Est transforment chaque passage de frontière en une interminable épreuve. Avec le temps, des wagons «normaux» viennent s’intercaler entre les voitures de luxe.
 

La ligne ferme en 1977. La marque est reprise dans les années 1980 sur les lignes Paris-Venise avec le Venice Simplon-Orient-Express, et Zurich-Istanbul : le Nostalgie-Istanbul-Orient-Express devient une attraction de luxe que les plus fortunés peuvent louer, comme Michael Jackson en 1992 lors de sa tournée européenne. Il cesse après quelques années d’exploitation et disparaît avant d’être miraculeusement retrouvé.
 

SOURCE D’INSPIRATION POUR LES ÉCRIVAINS ET CINÉASTES

Avec Le Crime de l’Orient-Express, Agatha Christie signe un des plus célèbres polars, adapté plusieurs fois au cinéma. L’Orient-Express sert également de décor à une scène fameuse de Bons baisers de Russie, le deuxième volet des James Bond au cinéma où Sean Connery doit se défaire d’un ennemi dans un compartiment. Le train a inspiré beaucoup d’écrivains, à commencer par Guillaume Apollinaire, qui y situe une partie de l’intrigue de son roman érotique Les Onze Mille Verges – il imagine une partie fine dans un wagon. Stamboul Train (traduit en français par Orient-Express) a lancé la carrière de l’auteur britannique Graham Greene. L’Américain John Dos Passos a consacré un long récit à son voyage à bord – lui aussi intitulé Orient Express –, de même que Paul Morand dans Ouvert la nuit. 

Quant à Joseph Kessel, il écrit dans Wagon-Lit : «Je regardais à peine le paysage. (…) Le miracle était à l’intérieur, dans cette boîte close vernie et capitonnée, et dans les battements de mon coeur fondus aux halètements de la bête métallique qui m’emportait.»
 

Source : Ça m’intéresse

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