Dans un contexte marqué par la recrudescence de la contre-bande aux frontières, les forces de l’Armée nationale populaire (ANP) ont intensifié leur lutte contre un fléau dévastateur : le trafic de tabac.
Durant les trois premiers mois de l’année en cours et en associant les différents bilans opérationnels fournis dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et en continuité des efforts soutenus visant à contrecarrer ce fléau dans notre pays, plus de 50 tonnes de tabac de contrebande ont été saisies, illustrant l’ampleur d’un phénomène qui mine à la fois l’économie nationale et la santé publique, notamment celle de la jeunesse.
Selon les données communiquées régulièrement par le ministère de la Défense nationale, les quantités saisies entre le 1er janvier et la fin mars s’élèvent à 504 quintaux, destinés à l’alimentation du marché parallèle. Le mois de mars, coïncidant avec le mois de Ramadhan, a enregistré le pic des saisies avec plus de 300 quintaux interceptés, dont 140 durant la deuxième semaine.
Cette hausse spectaculaire s’explique notamment par l’attrait croissant pour les produits de contrebande, bien moins chers que ceux du marché réglementé. En effet, les augmentations de prix survenues depuis le début de l’année, entre 30 et 40 DA par paquet, ont amplifié la demande sur le marché parallèle, où le tabac échappe aux taxes et réglementations sanitaires.
Cette situation met en péril l’équilibre économique, en privant l’Etat de ressources fiscales précieuses, mais elle soulève également des inquiétudes en matière de santé publique. Le tabac de contrebande, souvent non conforme aux normes de fabrication, expose particulièrement les jeunes à des risques accrus. Face à cette menace multiforme, l’engagement des autorités demeure sans relâche. La vigilance et la réactivité des unités de l’armée aux frontières témoignent de la détermination de l’Etat à protéger ses citoyens et à assainir le marché national. Une lutte qui se veut autant sécuritaire qu’éducative, dans le but de préserver les générations futures des dangers de ce fléau insidieux.
En poussant plus loin l’analyse de l’évolution de la quantité de quintaux par période (janvier - avril), il en ressort que cette évolution se caractérise par des fluctuations importantes, «traduisant des phases bien distinctes de l'activité». La première semaine de janvier (1er au 7) se distingue par une quantité relativement élevée de 65 quintaux. Cependant, cette dynamique ne se maintient pas, car les deux semaines suivantes (8 au 21 janvier) enregistrent une chute marquée, avec seulement 8 quintaux, puis 0 quintal.
Cette baisse brutale pourrait s'expliquer par un ralentissement de l’activité en début d’année, des contraintes logistiques ou des conditions défavorables. A partir du 22 janvier, une reprise modérée est observée. La production passe à 17 puis 22 quintaux au début de février. Malgré un léger creux à 7 quintaux dans la semaine du 5 au 12 février, la tendance repart à la hausse avec 21 puis 57 quintaux à la fin février. Cette phase suggère un redémarrage progressif de l'activité, possiblement dû à l’amélioration des conditions ou à la montée en puissance de la saison.
La semaine du 5 au 11 mars marque un pic spectaculaire avec 140 quintaux, soit la valeur la plus élevée sur toute la période. Ce bond soudain peut correspondre à une période de récolte intense, de forte demande ou à une opération logistique majeure. Après ce sommet, la quantité diminue progressivement : 87 quintaux, puis 45 et enfin 28 quintaux sur les trois semaines suivantes. Cette baisse graduelle pourrait indiquer une fin de cycle, une diminution des stocks disponibles, ou un retour à un rythme de production normal.
Vente à l’unité : une tendance croissante
Conscient de l'importance de ce défi, l'Etat a renforcé ses efforts pour éradiquer ce phénomène. La lutte contre les réseaux de contrebande dépasse les simples interventions occasionnelles. Elle repose sur une collaboration étroite entre les différentes unités des forces de l'ordre, l'amélioration des outils technologiques dédiés à la surveillance des frontières, ainsi que le durcissement des lois existantes afin de décourager ces pratiques illicites. Les profils des personnes qui participent au commerce illicite de tabac ont des caractéristiques communes : ils sont généralement dans une situation économique précaire et le bénéfice qu’ils tirent de la vente du tabac constitue soit un complément de revenu, soit leur seul revenu, ils sont au chômage ou ont des emplois peu rémunérateurs et majoritairement sont fumeurs.
Les vendeurs à la sauvette ont pour la plupart entre 16 et 30 ans. Pourtant, la loi n°04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, dans son article 14, «interdit à toute personne d’exercer des activités commerciales sans qu’elle ait la qualité définie par les lois en vigueur». Selon une étude réalisée au niveau des réseaux de distribution de tabac du pays, «plus de la moitié des trafiquants ne sont pas conscients de l’impact négatif de ce qui est illégal sur leur activité, tandis que plus d’un quart de ceux qui exercent l’activité de distribution et les grossistes des produits du tabac ignorent les sanctions prévues par la législation algérienne».
Au-delà de la vente à la sauvette, une tendance semble s’être développée en même temps qu’augmentait le prix du tabac : il n’est désormais plus rare de trouver des cigarettes vendues à l’unité dans de petites épiceries. Kamel Benelkadi