Un deuxième Tour de France tend les bras à Jonas Vingegaard à Paris après une 110e édition d’abord rythmée par son duel acharné avec Tadej Pogacar, puis écrasée par la toute puissance du Danois. Jonas Vingegaard, nanti d’un avantage de 7 minutes et 29 secondes devant son dauphin Pogacar - plus large écart depuis 2014 - veillera seulement à rester sur son vélo pour arriver sain et sauf à Paris.
La manière autoritaire avec laquelle le leader de Jumbo-Visma a assommé le Tour 2023 tranche avec sa silhouette fluette et son caractère timide.
A 26 ans, l’ancien employé sur un marché de poisson s’est affirmé, mis en confiance par sa victoire de l’an dernier. Même s’il reste un homme et un coureur foncièrement discret qui fuit la lumière et les mondanités. Mais sur le bitume, le Danois a mis tout le monde d’accord dans un Tour de France extrêmement dur, tant par le profil du parcours que par la vitesse avec laquelle le peloton l’a avalé.
Les deux premières semaines ont été aussi passionnantes que trompeuses. Dès la première étape à Bilbao, les deux favoris se sont engagés dans un bras de fer qui a longtemps été tellement serré qu’on pensait à un moment qu’il allait se régler dans l’octogone des Champs-Elysées.
Feu, les inséparables
Les deux hommes se sont rendu coup pour coup. Vingegaard a remporté la première manche à Marie-Blanque. Pogacar la deuxième à Cauterets-Cambasque, suivis de quelques matches nuls mémorables, dans le Puy de Dôme, dans le Grand Colombier ou à Morzine, entre deux champions qu’on appelait alors «les inséparables».
Et puis non. Epuisé après une préparation tronquée à cause de sa fracture au poignet fin avril, Pogacar a rendu les armes en deux temps. Lors du chrono de Combloux mardi.
Puis le lendemain dans l’étape-reine vers Courchevel où le Slovène a connu la pire défaillance de sa vie, résumée par ces quelques mots: «I’m gone, I’m dead» («J’ai lâché, je suis mort»).
L’intensité du duel a alors laissé place au temps du soupçon lorsque Vingegaard a dû répondre tous les jours à des questions concernant le dopage, ressurgies sans aucun élément tangible mais inévitables dans un sport longtemps gangréné par les affaires. «Je ne prends rien que je ne donnerais pas à ma fille» de deux ans, a assuré le Danois, le patron de son équipe, Richard Plugge, ajoutant même que son coureur rechignait à prendre «du paracétamol».
*Pour expliquer la domination de son champion, Plugge a renvoyé à la fois aux supposées insuffisances de la concurrence, en l’occurrence les coureurs de l’équipe Groupama-FDJ qui boiraient «des grandes bières» pendant les journées de repos, ce que le manager français Marc Madiot a démenti avec véhémence.
«Les meilleurs en tout»
Mais aussi, en creux, la perfection de leurs propres méthodes, en matière de nutrition, d’entraînement, de matériel, etc. «Ils sont les meilleurs en tout» a assuré Tom Dumoulin, leur ex-champion devenu consultant. «Je ne suis pas beaucoup plus fort que l’an dernier mais j’ai continué à progresser et je n’ai connu, contrairement à 2022, aucun problème de santé pendant le printemps», a également insisté Vingegaard.
Son triomphe consacre la victoire d’une stratégie entièrement axée sur le Tour, avec de longs stages en altitude et le Critérium du Dauphiné comme unique tremplin, pendant que Pogacar ferraillait sur les fronts des classiques italiennes et belges.
«J’aime courir sur tous les terrains. Cela correspond à ce que je suis», a expliqué le Slovène, vainqueur notamment de Paris-Nice, du Tour des Flandres, de l’Amstel Gold Race cette saison et qui réfléchit à “de nouveaux défis” pour l’année prochaine.
Ce qui fait dire à Vingegaard en personne que «Pogacar est le meilleur coureur du monde, tellement complet». Mais dans le Tour, pas de doute : le meilleur, c’était bien le Danois.