Théâtre : El khotba, une hasardée algérianisation d’une pièce de Tchékhov

07/05/2024 mis à jour: 18:46
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Pour sa première production théâtrale, présentée à Témouchent dans une étape de sa tournée nationale, la coopérative culturelle Branès d’Oran s’est colletée à une sérieuse gageure en algérianisant Une demande en mariage de Tchékhov.

En premier lieu, il s’agissait, pour Halim Zedam, l’adaptateur-metteur en scène, de tirer de cette courte pièce un spectacle de 50 mn, sachant qu’elle n’est constituée que d’un acte et que, telle qu’elle, elle ne peut durer que 20 mn. 

En second lieu, et difficulté des non moindres, cette pièce repose sur un comique de caractère plus malaisément développable qu’une pièce de comique de situation.

En effet, ce dernier prend appui plus avantageusement sur une intrigue fonctionnant sur le malentendu et le quiproquo plutôt qu’une peinture de caractères qui, elle, ne peut se coupler qu’à d’autres comiques (de gestes, de mots, d’exagération, etc.) qui ne peuvent être sollicités qu’avec une extrême sagacité de façon à ne pas basculer dans les rets d’une épaisse farce, charriant une mécanique comique lourde et redondante.

El khotba suit Saci, un jeune propriétaire terrien, dans ses rapports avec Chakhchoukha, le père de Souad chez lequel il s’est présenté pour demander la main de cette dernière. Sauf que lui, tout autant que ses hôtes, est d’une susceptibilité maladive. Il s’ensuit un conflit aigu sur des questions accessoires qui n’ont aucun rapport avec l’objet de sa visite. Tous s’emportent sans l’avoir abordé. On s’invective copieusement.

Le comique, dans la pièce de Tchékhov, nait précisément de l’impossibilité pour les personnages de se maîtriser, la jeune fille, son prétendant et son père étant des querelleurs impénitents.

Eviter de fourvoyer le spectacle dans une verbosité injustifiée au plan dramaturgique, par un développement de la durée du spectacle par l’élongation des dialogues, constitue un impératif de manière à ne pas nuire au rythme des interactions devant être obligatoirement rapides comme il sied dans le théâtre comique.

De cette faiblesse, l’équipe théâtrale s’est rendu compte au fil de ce début de rodage du spectacle. Halim Zedam est sur l’ajout d’une dixième scène, dont l’amorce clôt la neuvième. Il y a là la promesse que soient contrés le fâcheux verbiage et le sur-jeu chez les comédiens, les deux bâts qui alourdissent la représentation. 

Dans l’incarnation de leurs personnages par les comédiens, Reda Takherist, dans l’équivalent du rôle de Stépane Stépanovitch Tchéboukof, un veuf gentilhomme campagnard chez Tchékhov, a fait la preuve de son métier en tirant son épingle du jeu. C’est que Reda, avec Hamdane Boumad, a été l’une des figures saillantes de la scène théâtrale à Miliana, lorsque les journées théâtrales de cette ville avaient détrôné le festival de théâtre amateur de Mostaganem dans les années 1990.

Fatiha Ouarad, en fille de Chakhchoukha, est inégale dans le modèle de Natalia Stépanovna, se révélant à certains moments en phase avec la vérité de son personnage. Elle fait la démonstration de ses talents de comédienne, particulièrement lorsqu’elle est face à Réda. Mais elle perd pied plutôt en présence d’Ahmed Beghalia, dans le personnage de Saci, le pendant d’Ivan Vassiliévich Lomof.

C’est dire si le spectacle est perfectible au fur et à mesure d’une entreprise qui a la particularité d’être innovante dans la production des coopératives théâtrales pour avoir réuni des artistes d’horizons géographiques très éloignés (Oran, Milana, Bordj Bou Arréridj et Béjaïa).

En effet, avec l’esprit troupe qui devrait naître de cette aventure entre ses partenaires, et la complicité qu’il entraîne entre les uns et les autres de la distribution, nul doute que cette expérience risque de faire avantageusement tache d’huile chez les coopératives comme cela existe dans les castings qu’opèrent les théâtres d’État dans le montage de leurs spectacles.

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