Tension entre l’occident et la Russie sur l’Ukraine : Un émissaire chinois à Kiev pour parler règlement politique

18/05/2023 mis à jour: 02:13
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La Chine parviendra-t-elle a concaincre l’Ukraine et la Russie de mettre fin au conflit qui les oppose depuis plus d’une année ?

Un émissaire chinois envoyé par Pékin pour discuter d’un «règlement politique» du conflit est depuis hier à Kiev, rapporte l’AFP. Une visite attendue par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, fort de nouvelles promesses d’armes occidentales, pour voir la Chine user de son influence sur la Russie. 

Cet échange serait une première entre V. Zelensky, qui encourage Pékin à peser sur son homologue russe, Vladimir Poutine, et un haut responsable chinois, depuis le début de l’intervention russe le 24 février 2022.
Selon Pékin, Li Hui, représentant spécial pour les affaires eurasiatiques et ancien ambassadeur chinois à Moscou, est censé discuter du «règlement politique» du conflit ukrainien lors d’une tournée européenne qui doit le conduire aussi en Pologne, France, Allemagne et Russie.

La Chine n’a jamais condamné publiquement l’intervention russe. Pékin a proposé en février un plan en 12 points pour mettre fin à la guerre, vu avec scepticisme par les Occidentaux, et son président Xi Jinping s’est rendu à Moscou en mars, apportant un soutien symbolique à Vladimir Poutine face aux Occidentaux. «A la fin du mois, il (M. Hui) viendra chez nous», a déclaré mardi soir le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Andreï Roudenko, cité par l’agence de presse TASS. 

Cette visite à Kiev de Li Hui intervient juste après la tournée européenne de Volodymyr Zelensky lors de laquelle il a reçu la promesse de nouvelles livraisons d’armes nécessaires pour lancer une contre-offensive d’ampleur. Il a été entendu sur plusieurs points (missiles anti-aériens, drones d’attaque, blindés, entre autres) et a progressé vers la livraison d’avions de combat occidentaux, une requête de Kiev depuis près de 15 mois. 

Le président français Emmanuel Macron a annoncé à son tour que la France allait entamer prochainement la formation de pilotes ukrainiens et le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont dit ensemble, mardi soir, vouloir bâtir une «coalition internationale» pour fournir des chasseurs américains F-16 à l’armée ukrainienne. 

L’envoi à Kiev d’avions occidentaux, en plus des MiG soviétiques déjà fournis par la Pologne et la Slovaquie, serait une valeur ajoutée indéniable pour l’Ukraine. Interrogé sur les nouvelles livraisons occidentales, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dit hier «constater que le flux d’armes et de munitions vers l’Ukraine augmente et que le niveau d’armes tactiques et techniques fournies augmente également».
 

La question des F16

Un peu plus tard dans la journée, les ministres britannique et allemand de la Défense ont estimé, à Berlin, qu’il revient «à la Maison-Blanche» de décider d’une éventuelle livraison à Kiev d’avions de combat F-16. «Nous n’avons pas de F-16 et nous n’allons pas livrer de (avions) Typhoon, mais nous pouvons évidemment contribuer à la formation et au soutien, dans les limites du fait que nous n’avons pas de pilotes de F-16», a expliqué le ministre britannique Ben Wallace à Berlin lors d’une conférence de presse commune avec son homologue allemand Boris Pistorius. B.Wallace était interrogé sur la «coalition internationale» qu’a proposé de bâtir Londres pour livrer à l’Ukraine des avions de combat de technologie occidentale. 

Il a ajouté que cette coalition constitue un «soutien politique», un «signal à la Russie que nous n’avons pas d’objection de principe à fournir à l’Ukraine les capacités dont elle a besoin». «Nous ne pouvons pas jouer de rôle actif dans une telle alliance, dans une telle coalition, car nous n’avons ni les capacités d’entraînement, ni les compétences, ni les avions», a, de son côté, affirmé Boris Pistorius. «A ma connaissance, cela dépend de la Maison-Blanche de décider si les avions de chasse F-16 peuvent être livrés», a-t-il lui aussi relevé, avançant qu’il ne s’agit «pas d’une question qui sera réglée à Berlin». «Il n’y a aucune exigence à notre égard» à ce sujet des avions de combat, a déjà déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz hier lors du sommet du Conseil de l’Europe à Reykjavik. 

Le gouvernement allemand se concentre sur les chars, les munitions, la défense anti-aérienne ou encore la mise en place d’«un système de réparations», a précisé le dirigeant allemand. «L’Allemagne pourrait cependant mettre à disposition des aéroports militaires pour l’entraînement sur les avions de chasse F-16, effectués par des pilotes d’autres pays», a de son côté proposé Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente (FDP) de la commission de la défense au Bundestag.

Le non de la Hongrie

Plus tôt, la Hongrie a refusé le déblocage d’une nouvelle tranche de 500 millions d’euros de la Facilité européenne de paix pour rembourser les armes fournies par l’Union européenne (UE) à l’Ukraine, ont indiqué hier Budapest et plusieurs délégations à Bruxelles. Le gouvernement hongrois a confirmé ne pas avoir approuvé le déboursement de cette nouvelle enveloppe, car «il n’est pas d’accord pour que l’Union européenne, qui dispose d’autres instruments, utilise la Facilité européenne de soutien à la paix exclusivement pour l’Ukraine». «Il ne resterait alors plus de ressources suffisantes pour promouvoir les intérêts de l’UE dans d’autres régions (par exemple les Balkans, la région du Sahel, l’Afrique du Nord)», fait-il valoir. 

Budapest a maintenu cette objection au cours des rencontres organisées mardi et mercredi pour préparer la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE le 22 mai à Bruxelles, ont confirmé hier plusieurs délégations. La Hongrie ne bloque pas les livraisons d’armes et de munitions réclamées par les forces armées ukrainiennes. 

Mais elle empêche leur remboursement aux Etats membres, a-t-on précisé. L’unanimité est requise pour approuver l’utilisation des fonds de la Facilité européenne pour la paix (FEP) dont la dotation initiale de 5,7 milliards d’euros pour la période 2021-2027 a été augmentée de 2 milliards d’euros en mai. La Facilité est utilisée pour rembourser aux Etats membres 40% de la valeur des armements livrés à l’Ukraine et former les militaires ukrainiens. Elle est abondée par les contributions des Etats membres et 66% de ses financements sont fournis par l’Allemagne, la France l’Italie et l’Espagne.Depuis l’intervention russe en Ukraine en février 2022, les Etats membres ont débloqué 3,6 des 5,7 milliards d’euros de la dotation de la FEP pour leur soutien militaire à Kiev et ont ajouté 2 milliards pour fournir aux forces ukrainiennes au moins un million d’obus de 155 mm et reconstituer leurs stocks stratégiques de munitions. 

Un accord de principe est acquis pour allouer un nouveau financement de 3,5 milliards d’euros pour abonder la Facilité, ont précisé les diplomates. L’arrêt des remboursements risque de dissuader certains Etats membres de poursuivre leurs fournitures d’armes à l’Ukraine au moment où Kiev prépare une contre-offensive et réclame des armements plus modernes, notamment des avions de combat et des capacités de frappe de longue portée. La Hongrie n’avait jamais bloqué jusqu’à ce jour l’utilisation de la FEP à laquelle elle contribue financièrement, même si elle ne fournit ni armes ni munition à l’Ukraine, comme l’Autriche et l’Irlande. 

De son côté, le ministre finlandais des Affaires étrangères, Pekka Haavisto, a annoncé hier que la Russie a gelé les comptes bancaires de son ambassade à Moscou et de son consulat à Saint-Pétersbourg. «Les comptes des missions finlandaises en Russie sont gelés et ne peuvent être utilisés pour le moment», a affirmé P. Haavisto, lors d’une conférence de presse, ajoutant que la Finlande était en contact avec les autorités russes. «Une note sur cette question a été envoyée à la Russie», qui n’a «pas encore donné une explication officielle», a-t-il ajouté. La Finlande, devenue le plus récent membre de l’OTAN début avril, a précisé avoir été informée de ce gel des comptes bancaires le 27 avril.

Par ailleurs, les présidents iranien Ebrahim Raïssi et russe Vladimir Poutine ont supervisé hier la signature d’un accord pour accélérer la construction d’une route commerciale Nord-Sud visant à accroître les échanges en contournant le canal de Suez et les sanctions internationales. En discussion depuis plusieurs années, cet accord bilatéral porte sur la construction d’une ligne ferroviaire d’une longueur de 164 km dans le nord-est de l’Iran, entre les villes d’Astara, à la frontière avec l’Azerbaïdjan, sur la mer Caspienne, et Rasht. L’objectif des deux pays, soumis à d’importantes sanctions imposées par les pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis, est de finaliser le projet de corridor Nord-Sud, un réseau de routes maritimes, ferroviaires et terrestres devant permettre aux marchandises russes d’atteindre l’océan Indien sans passer par les voies maritimes de l’Ouest et le canal de Suez. 

«Cette artère de transport unique Nord-Sud, dont le chemin de fer Rasht-Astara fera partie, aidera à diversifier considérablement les flux de transport internationaux», a déclaré Vladimir Poutine, qui a participé par vidéoconférence à la signature de l’accord entre les ministres des Transports des deux pays à Téhéran. «Le transport des marchandises par le nouveau corridor aura un avantage concurrentiel considérable. Ainsi, la livraison de marchandises de Saint-Pétersbourg (Russie) à Bombay (Inde) prendra environ 10 jours. 

A titre de comparaison, le trajet via les routes commerciales traditionnelles prend jusqu’à 30-45 jours», a-t-il ajouté.Le président iranien Raïssi, présent à la cérémonie, a indiqué que l’accord constitue «une étape stratégique importante dans la coopération entre la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie». Le «potentiel» entre les deux pays «est immense», a-t-il ajouté.

Téhéran et Moscou ont accéléré leur rapprochement dans les domaines économique, énergétique et militaire depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022 et l’imposition de sanctions contre la Russie par les pays occidentaux. A Washington, un porte-parole de la Maison-Blanche a déclaré mardi que l’Iran et la Russie sont «en train d’amplifier leur coopération militaire sans précédent». 

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a cité en particulier la volonté de Moscou d’acquérir des drones iraniens plus sophistiqués après s’être fait livrer depuis le mois d’août plus de 400 drones, principalement de type Shahed. Téhéran a, à plusieurs reprises, jugé «sans fondement» les accusations de fournitures d’armes à la Russie, en affirmant ne pas être partie prenante dans ce conflit.

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