Des organisations humanitaires indiquent que près de 2000 Palestiniens sont incarcérés sous le statut de «combattant illégal» et non comme prisonniers de guerre.
Les témoignages des détenus palestiniens à Sde Teiman, un centre de détention créé par Israël après le 7 octobre 2023, révélés par le journal La Croix dans son édition d’hier sont glaçants. «C’était comme Guantanamo», a ainsi confié le journaliste ghazaoui Diaa Alkahlout, ayant passé 33 jours dans cette base militaire israélienne, transformée en centre de détention pour prisonniers palestiniens. Arrêté le 7 décembre 2023 à Beit Lahiya avec une cinquantaine d’autres civils, Diaa décrit, dans cet l’article intitulé «La prison cachée de Sde Teiman», «des conditions de détention atroces et déshumanisantes».
Transportés dans des camions, les prisonniers étaient entassés dans des cages superposées, traités comme des animaux. «Nous étions les yeux bandés et les mains menottées, parqués dans des cages. Personne n’avait le droit de parler sans autorisation. Les soldats nous appelaient par des numéros en hébreu, le mien était 059889», se remémore-t-il. Les violences étaient fréquentes et gratuites.
Les détenus devaient parfois rester debout, les mains en l’air pendant plus de six heures, sous les rires et les moqueries des soldats, qui se divertissaient en filmant la scène pour TikTok. Les récits d’anciens détenus comme Diaa Alkahlout se sont multipliés, incitant quelques ONG israéliennes à agir. Des organisations comme le Comité public contre la torture en Israël (PCATI) indiquent que près de 2000 Palestiniens sont incarcérés sous le statut de «combattant illégal» et non comme prisonniers de guerre, les privant de procès et d’avocats pendant 45 jours.
Depuis le début de la guerre à Ghaza, pas moins de 35 Ghazaouis sont morts dans les centres de détention israéliens, dont Sde Teiman. Ces cas représentent la moitié des 70 enquêtes ouvertes sur des délits commis depuis le début de la guerre. Pourtant, aucun soldat israélien n’a encore été arrêté. L’enquête du journal La Croix révèle que le complexe de Sde Teiman comprend également un hôpital de campagne, où les conditions de détention des blessés sont tout aussi déplorables.
«Ils étaient nus…»
Un membre du personnel médical, sous le couvert de l’anonymat, a décrit des patients attachés par les mains et les pieds, les yeux bandés, vêtus seulement d’une couche et d’une couverture légère malgré le froid hivernal. «Ils étaient nus, traités sans dignité ni respect», déclare-t-il. Les récits provenant de Sde Teiman évoquent des images aussi terrifiantes que celles des tristement célèbres prisons d'Abou Ghraib en Irak ou de Guantanamo à Cuba.
Oneg Ben Dror, coordinatrice du projet prisons et centres de détention à l’ONG Physicians for Human Rights Israël (PHRI), rapporte des cas d’amputation sans anesthésie et d’os brisés. Ces centres sont, selon l’article en question, des boîtes noires, inaccessibles à la Croix-Rouge et aux ONG de défense des droits de l’homme.
Diaa Alkahlout raconte au journal français sa libération au 33e jour de sa détention. Déposés en bus au point de passage de Kerem Shalom, les détenus étaient pris en charge par l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens. «Lors de la première libération, le personnel de l’UNRWA n’a pas compris qui étaient ces gens, visiblement affamés, traumatisés et désorientés. Ils n’avaient aucune idée d’où ils étaient et si la guerre était toujours en cours», raconte un membre du personnel.
Les détenus portaient des survêtements gris avec des inscriptions en hébreu ou des chiffres dans le dos, souvent très sales. La plupart présentaient des signes de mauvais traitements : cicatrices aux poignets causées par des liens trop serrés, plaies infectées, morsures de chien, et parfois des os brisés.
L’UNRWA a collecté des centaines de témoignages spontanés décrivant des passages à tabac, des positions de contrainte prolongées, le refus ou la restriction de l’accès à la nourriture, à l’eau et aux toilettes, la privation de sommeil, l’humiliation, la violence, des cas de harcèlement sexuel, et des menaces contre les membres de la famille.
L’UNRWA a également réceptionné trois conteneurs remplis de corps emballés dans du plastique bleu à Kerem Shalom : une centaine en décembre 2023, 81 en janvier et 43 en mars, ainsi qu’un sac contenant des parties de corps. Ces transferts de corps, coordonnés avec le ministère de la Santé de Ghaza, seraient liés à des tests ADN effectués sur des corps récupérés à Ghaza.