Le Ramadhan se distingue du reste de l’année par une production locale, une concurrence des chaînes et des pics d’audience. Les nouvelles productions reflètent davantage l’air du temps. Elles connaissent une concurrence intense entre drames sociaux et historiques d’une part, et des comédies, d’autre part, qui sont diffusés par les chaînes de télévision publiques et les chaînes privées Ennahar et Echorouk.
Les grandes fresques historiques à tonalité religieuse sont en recul et de moins en moins présentes sur le petit écran. Les feuilletons télévisés, divertissement populaire s’il en est, sont un bon moyen de doper l’audience. Cependant, il faut reconnaître que la télévision a perdu le monopole du divertissement à l’heure où presque tous les adolescents et jeunes adultes sont dotés d’un téléphone portable.
Les réseaux sociaux et les discussions en ligne sont souvent les distractions préférées au visionnage en famille de séries télévisées. Les pratiques sociales pendant le Ramadhan en sont profondément modifiées : une fois le repas de rupture du jeûne consommé, les jeunes, en général, s’isolent pour échanger sur les réseaux sociaux, ou ne suivent que d’un œil les séries entrecoupées d’innombrables publicités tout en discutant sur WhatsApp ou Instagram avec leurs amis.
Les feuilletons et séries reflètent une grande diversité compte tenu de la multiplicité des plateformes, ce qui permet d’obtenir une réelle concurrence et la présence de plus d’un genre de drame pour le téléspectateur.
Les spécialistes notent un grand développement, que ce soit au niveau des idées présentées dans les différentes séries, qu'au niveau du tournage, du montage et de l’utilisation de nouveaux angles de tournage qui suivent le rythme des développements mondiaux afin que le spectateur ne sente pas qu’il regarde de vieilles séries.
Parmi les feuilletons les plus regardés, on cite Bent El blad 3 sur Ennahar TV, El Dama sur l’EPTV et Harat El Chouhada sur l’EPTV. Les sitcoms sont également très appréciées, telles que Akhou Lbanat sur Echorouk TV, El khawa khawa sur Al Hayat TV, Inspecteur Kamel sur Ennahar TV, Dar Lfchouch et Ayla Shock sur Samira TV.
Suspens, émotions et ressorts dramatiques
Pour cette saison ramadanesque, les scénaristes ont multiplié les ressorts dramatiques. Suspens et émotions sont au rendez-vous. Il y a beaucoup plus d’audace dans les sujets traités, les stéréotypes et les tabous reculent. Les séries font la part belle au quotidien des Algériens. Reflet de la société et de ses préoccupations, toutes évoquent en arrière-fond les problèmes économiques que traverse le pays.
Les épisodes de la plupart des séries dramatiques ont révélé un point commun : le retour vers les quartiers populaires après des années où les séries étaient tournées dans des villas luxueuses. Elles plongent au plus profond de la société algérienne, incarnant ses problèmes. Le quartier populaire de Bab El Oued, par exemple, revient sur les écrans de télévision à travers la série El Dama avec son poids populaire et culturel et son imaginaire. Il met en scène la complexité et la dureté de la vie, le chômage, les gangs de quartier en action et la drogue.
Malheureusement, toutes les chaînes diffusent les feuilletons à succès en même temps, elles sont en concurrence frontale. Les gens préfèrent attendre jusqu’à ce que la chaîne diffuse le produit sur internet pour le voir tranquillement. Il y a aussi d’autres considérations, le temps est très court, les gens vont aux tarawih et n’ont pas vraiment le temps de tout visionner. Les annonceurs tentent de se faire une place au cœur de la bataille des audiences.
Le placement de produit est un type de publicité qui consiste à faire apparaître une marque ou un produit au sein d’un feuilleton, d’une série ou d’un clip musical. Le produit en question peut être visible en arrière-plan ou intégré au scénario. Il offre une visibilité garantie. Les rediffusions des programmes et les replays permettent également d’ancrer le placement du produit dans le temps et de renforcer son impact sur le long terme.
Il y a une sorte de tradition algérienne qui veut qu’il y ait augmentation de l’audience pendant le Ramadhan. La raison est qu’il y a davantage de disponibilité des téléspectateurs, davantage de contenu local et de divertissement, et aussi parce qu’il y a une écoute en famille. Comme à l’accoutumé, il y a beaucoup de productions audiovisuelles nationales, avec des qualités variables, des déceptions et des succès inattendus. Ces contenus suscitent toujours autant d’intérêts avec les mêmes débats sur ce qui est recevable en famille pendant le Ramadhan, et ce qui ne l’est pas. Des débats, critiques, émotions, indignation, encouragement, partagés sur les réseaux sociaux, éclipsent tous les autres sujets politique et économique, et cela jusqu’à tard dans la nuit.
Toutes les chaînes de TV proposent des plateaux dédiés invitant artistes et personnalités médiatiques et de nombreuses plateformes digitales discutent de ces sujets. On voit même émerger des journalistes spécialisés dans ce type d’information, culturelle et people.
Après deux années de forte consommation de la télévision en 2020 et 2021, liée essentiellement à la crise sanitaire de la Covid-19 qui faisait augmenter le temps passé à la maison, la durée d’écoute individuelle de la télévision s’établit selon les dernières études à 2h10, elle augmente de 30 minutes pendant le Ramadhan. Cette moyenne mesurée est assez faible si on la compare à d’autres pays, avec pourtant plus d’actifs et plus de pénétration digitale grande vitesse (très haut débit) et une plus grande offre de loisirs, la moyenne étant de 3h20 par exemple en France, mais de 2h chez les jeunes.
Mais c’est une moyenne, elle est bien entendu supérieure chez les femmes au foyer, les plus de 50 ans, les ruraux, et inférieure chez les jeunes urbains. L’Algérie n’échappe pas aux tendances mondiales avec une lente tendance baissière observée ces dix dernières années de la consommation TV. Aujourd’hui, les jeunes du monde entier ont des comportements très similaires lorsqu’il s’agit de consommation média. La tendance de la consommation des réseaux sociaux est à la hausse. Une grande partie des contenus visionnés sur les réseaux sociaux sont des contenus TV, reformatés, plus courts et verticaux. Aujourd’hui en Algérie, toutes cibles confondues, l’écoute TV est pratiquement égale à l’écoute des réseaux sociaux.
Cela veut dire que chez les plus jeunes, ce sont les réseaux sociaux qui dominent. La particularité en Algérie étant que les chaînes de TV distribuent gratuitement leurs contenus sur YouTube, elles n’ont étonnamment pas investi dans les applications «replay» qui leur permettraient de capter un peu des budgets de publicité digitaux et d’entrer dans «l’ère du marketing des datas».