Souvenirs / Hédi Hamel raconte la CAN

14/01/2024 mis à jour: 04:06
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Journaliste émérite et grand spécialiste du football, membre actif de la FIFA pendant des années en tant qu’instructeur, chef de presse et membre de diverses commissions (médias, Task Force…), conseiller en sports pour l’OMS, conseiller du président de la CAF, auteur de plusieurs livres et ouvrages de référence sur le football, et actuellement président et CEO du groupe Sandris-TV Media Sport, Hédi Hamel nous livre ici en exclusivité ses souvenirs de la Coupe d’Afrique des nations. Retour sur un «joyau historique unique» vu d’hier à aujourd’hui.

Du plus profond de mes souvenirs, j’extrais très fréquemment des instantanés vécus sur le continent depuis près d’un demi-siècle, sans que m’échappent le moindre détail, le moindre signe, le moindre symbole d’une histoire foisonnante, tourbillonnante, souvent majestueuse, parfois tendre, et aussi mélancolique à certains moments. Le sport avec un grand «S» m’a fait vivre ces instantanés féconds, d’une richesse sociétale unique, inoubliable. 

Il m’a embarqué pendant plus de cinq décennies à travers des pays, tous les pays de cette Afrique, terre antique à la civilisation insoupçonnée, ensorcelante, follement vivante, survivante, déchaînée par ses désirs fous de multiples conquêtes, renversante par la profondeur de ses politiques si versatiles, si empreintes de leurs astres de croyances, si austères de leurs enfermements, et si volubiles lorsque la raison harcèle le bon sens. 

Une Afrique qui affiche une identité incomparable et un sens exceptionnel de l’humanisme, dans une permanente ferveur teintée de délire enthousiaste, de joie éclatante, de soif de connaître, d’aspirer au meilleur, de viser les cieux, de s’y accrocher, de vénérer des dieux mystiques, de rechercher un mieux vivre continuel, et de nouer des liens avec des hommes de tous horizons, toutes religions, toutes philosophies ; des hommes de toutes races, croyances et convictions.
 

Cameroun Superstar

De Guinée-Conakry dès le début des années 1970, Guinée alors plongée dans un bain de sang alors que nous venions y célébrer le football avec l’incomparable Coupe Amilcar Cabral, jusqu’à l’inoubliable édition de la fameuse CAN-2022 qui réveilla les souvenirs d’un Roger Milla, Thomas Nkono, François Omam-Biyik malmenant l’Italie, la Colombie puis l’Angleterre en 1990 en Italie et en Coupe du monde… Je me souviens. L’ombre de la «Perle noire» Samuel Eto’o, sillonnant le Camp Nou de Barcelone de part en part, s’élevait aussi dans les nuages surplombant les savanes et forêts camerounaises. Eto’o, actuel président de la Fecafoot (Fédération camerounaise de football), est un monument de la planète football. 

Son palmarès est interminable et sa stature éternelle. Si je parle du Cameroun avec autant d’insistance, c’est qu’il reste et restera l’un des principaux animateurs du football africain pour avoir remporté le célèbre trophée cinq fois, talonnant l’Égypte qui caracole au firmament avec sept victoires en CAN – record absolu, imbattu à ce jour. 

Le Cameroun, qui nous a également offert un légendaire président de la Confédération africaine de football, dont le règne inégalé a duré de 1988 à 2017. 

Au cours de son mandat, Issa Hayatou, issu d’un sultanat coutumier du Nord, a réalisé de très importantes transformations au sein de la CAF, fournissant un véritable siège à l’organisation dans la ville du Caire, multipliant par dix les revenus issus du marketing, des droits télévision et du sponsoring, et faisant passer le nombre de pays participants à la CAN de 8 à 12, puis 16 en 1996, avant de laisser à son successeur – le Malgache Ahmad Ahmad –, l’honneur de piloter le passage à 24 nations lors de l’édition 2019 de la prestigieuse compétition, tenue en Égypte. Sous la conduite d’Issa Hayatou, la CAF a également créé de nouveaux tournois. 

Le CHAN (Championnat d’Afrique des nations, réservé exclusivement aux joueurs locaux), dont la première édition (2009) à Abidjan fut royalement remportée par la République démocratique du Congo face au Ghana. Mais aussi la Ligue des Champions des clubs, la CAN des moins de 20 ans, celle des moins de 17 ans, la CAN féminine, la Super Coupe de la CAF ou Super Coupe d’Afrique (liste non exhaustive)… Sans oublier l’introduction de nombreuses nouveautés comme le beach soccer ou le foot en salle, l’intensification des sessions de formation d’arbitres, dirigeants et entraîneurs, ainsi que la relocalisation de l’administration centrale au Caire.
 

La CAN, miroir de son temps et d’une Afrique en marche

C’est encore sous la houlette de Hayatou que la FIFA céda à l’Afrique, lors d’assises mémorables tenues à New York, trois places supplémentaires en phase finale de Coupe du monde, à l’issue d’une historique confrontation avec le très autoritaire président Joao Havelange. 

Au fil des ans, à mesure que le continent africain se développait et s’imposait sur la scène internationale et au sein de plusieurs institutions politiques, la CAN menait une ascension fulgurante, et les plus grandes stars africaines délaissaient enfin leurs clubs pour jouer avec leurs sélections nationales. Je me souviens notamment en 1986, au stade international du Caire rugissant de 100 000 spectateurs, d’un extraordinaire match d’ouverture entre l’Égypte, réputée invincible chez elle, et un Sénégal renforcé par le feu-follet Jules-François Bocandé – meilleur buteur du Championnat de France – Roger Mendy, Thierno Youm et tant d’autres perles. Un missile de Youm sur l’aile gauche imposa subitement un silence de cimetière dans cette arène rugissante. Et le Sénégal tint ce score de 1-0 jusqu’à la victoire. 

Les instantanés historiques de la CAN à travers les décennies sont pléthores. Ainsi, comment oublier la vision bouleversante d’un Nelson Mandela portant le célèbre maillot jaune et vert des Bafana Bafana et dansant cinq, dix, quinze… vingt fois dans un stade en transe près de Soweto, célébrant ainsi, par la grâce de sa ferveur communicative, le retour de l’Afrique du Sud dans la grande famille du football africain après… 47 années d’absence pour cause d’Apartheid ? 

Pourtant, la Nation arc-en-ciel était bien présente à Lisbonne en 1956, lorsque les pays européens réunis en congrès de l’UEFA incitèrent les représentants africains, alors au nombre de quatre (Soudan, Égypte, Éthiopie et Afrique du Sud) à créer la Confédération africaine de football et lancer la première CAN en 1957 à Khartoum (Soudan). 

Une édition inaugurale au cours de laquelle, cependant, seuls l’Égypte, l’Éthiopie et le pays organisateur s’affrontèrent, les Sud-Africains se trouvant de facto exclus pour leur entêtement à présenter une équipe nationale composée uniquement de joueurs blancs. 

Cette image de Mandela arborant son irrésistible sourire, portant à bout de bras le célèbre trophée Nkrumah et entraînant dans sa liesse plus de 90 000 spectateurs ivres de délire et d’extase, restera pour moi l’une des plus fortes de toute l’histoire de la CAN – cela même si d’autres présidents ou chefs d’État ont aussi connu joie et gloire en accueillant leur équipe nationale triomphante. 

«L’image de Mandela arborant son irrésistible sourire, portant à bout de bras le célèbre trophée N’krumah et entraînant dans sa liesse plus 90 000 spectateurs ivres de délire et d’extase, restera pour moi l’une des plus fortes de toute l’histoire de la CAN.» 
(à suivre) 
 

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