Sommet des dirigeants de l’APEC : Rencontre aujourd’hui entre les présidents américain et chinois

15/11/2023 mis à jour: 16:08
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L’entrevue de San Francisco intervient alors que les relations entre les deux pays se sont encore dégradées

Le président américain Joe Biden et son homologue chinois Xi Jinping se rencontreront aujourd’hui, en marge du 30e Sommet des dirigeants des 21 pays membres du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) qui s’ouvre ce même jour à San Francisco aux Etats-Unis.  

Cette rencontre entre les dirigeants des deux superpuissances est la deuxième depuis l’élection de Joe Biden et la septième conversation depuis cette date. La première rencontre a eu lieu en novembre 2022 à Bali (Indonésie). Xi Jinping ne s’est plus rendu aux États-Unis depuis 2017 où il a rencontré le président de l’époque, Donald Trump.
 

L’entrevue de San Francisco intervient alors que les relations entre les deux pays se sont encore dégradées, après que les Etats-Unis ont abattu, en début d’année, un ballon chinois accusé par Washington d’être un aéronef espion. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a alors reporté sa visite en Chine. En juin, J. Biden a déclaré que Xi Jinping appartient à la catégorie des «dictateurs». Le président américain réclame par, ailleurs, au Congrès 7,4 milliards supplémentaires pour tenir tête à la Chine, sur le plan militaire et économique.

 En outre, Washington a mis en place, ces dernières années, plusieurs mesures pour restreindre l’accès des entreprises chinoises à certaines technologies américaines ou compliquer leur fabrication de semi-conducteurs de pointe. 

Le 15 mai 2019, l’administration américaine a décidé de placer le groupe Huawei sur la liste noire du département du commerce. En conséquence, les entreprises qui ont des relations commerciales avec ce géant chinois des télécoms peuvent faire l’objet de sanctions américaines, si bien qu’un grand nombre d’entre elles ont annoncé, les unes après les autres, leur intention de geler leurs relations commerciales avec Huawei. 
 

Néanmoins, les deux premières puissances économiques mondiales ont multiplié, ces derniers mois, les contacts pour créer un climat d’apaisement, à l’effet de gérer leurs différends. Dans cet esprit, de hauts responsables américains ont effectué des visites à Pékin, dont le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen. Lors de sa visite, en juin dernier en Chine, A. Blinken a indiqué qu’il n’est pas dans l’«intérêt» de son pays «de fournir à la Chine des technologies qui pourraient être utilisées contre nous». «Alors qu’elle développe de manière très opaque son programme d’armes nucléaires, qu’elle produit des missiles hypersoniques, qu’elle utilise la technologie à des fins répressives, en quoi est-il dans notre intérêt de fournir ces technologies spécifiques à la Chine?» s’est-interrogé. 

A l’occasion de son déplacement en Chine, en juillet, Mme Yellen a déclaré que les Etats-Unis vont continuer de mener «des actions ciblées», motivées par de simples considérations de «sécurité nationale». «Nous ne les utilisons pas pour obtenir un avantage économique».

De son côté, la Chine a annoncé, le 31 mars dernier, l’ouverture d’une enquête contre le groupe américain Micron, quatrième fabricant mondial de semi-conducteurs, pour des raisons de sécurité nationale. Pékin a indiqué ne plus vouloir de ses produits chez les opérateurs d’infrastructures dites «sensibles» en Chine. 

En mai, Pékin a appelé les entreprises chinoises traitant des données sensibles à arrêter d’acheter des puces mémoires dudit groupe. Dans une déclaration officielle, l’administration chinoise chargée de la cybersécurité a estimé que les produits de Micron «présentent des problèmes potentiels pour la sécurité des réseaux relativement sérieux, ce qui pose un problème majeur à la sécurité des chaînes d’approvisionnement (…) et affecte la sécurité nationale de la Chine».

 

A la recherche de zones d’influence

Le pays de la Grande Muraille a imposé, depuis le 1er août dernier, des restrictions aux exportations de deux métaux indispensables aux semi-conducteurs et dont elle est le principal producteur. Selon une directive du ministère du Commerce, les exportateurs chinois de gallium et de germanium doivent obtenir une licence. Ils devront fournir des informations sur le destinataire final et en notifier l’utilisation, précise ce document de juillet. La Chine, qui cherche à devenir autonome dans la conception de semi-conducteurs, estime que les mesures de Washington visent à maintenir la suprématie des Etats-Unis dans ce domaine. 

En parallèle, les deux pays sont engagés dans la quête de zones d’influence. Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, malgré les prétentions rivales de ses voisins, comme les Philippines et le Vietnam. L’Empire du Milieu a rejeté le verdict de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye en 2016, qui a estimé que Pékin n’a pas de «droits historiques» sur la majorité des eaux stratégiques de la mer de Chine méridionale et donné raison aux Philippines. Washington prône un règlement multilatéral et pacifique de ces conflits et a déclaré «illégales» les revendications territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale. 

Aussi, les deux puissances convoitent  les îles du Pacifique.  Le président chinois s’est rendu aux îles Fidji en 2018. 

Le Vanuatu, les îles Samoa et îles Salomon ont intégré les «Nouvelles routes de la soie». En 2019, les îles Salomon qui, jusque-là, ne reconnaissaient pas Taïwan, ont rompu leurs relations avec Taipei et établi des liens diplomatiques avec Pékin. Le 27 mai 2022, la Chine et l’île Kiribati ont signé des documents de coopération, afin de construire des infrastructures et de lutter contre le changement climatique.  Pékin devrait réhabiliter une ancienne piste de l’armée américaine sur l’île de Kanton. 
 

De son côté, le 12 juillet 2022, la vice-présidente américaine, Kamala Harris, a annoncé aux Etats du Forum des îles du Pacifique (FIP) la nomination d’un premier «envoyé spécial américain», dans le cadre d’une toute nouvelle «stratégie nationale sur les îles du Pacifique». 
 

En septembre dernier, la Maison-Blanche a annoncé un nouveau fonds de 810 millions de dollars d’aide pour les îles du Pacifique-Sud. En février dernier, les Etats-Unis ont rouvert leur ambassade aux îles Salomon, fermée en 1993. La Papouasie-Nouvelle Guinée a signé, en mai dernier, un pacte de sécurité avec Washington qui donne aux forces américaines l’accès aux ports et aéroports de ce pays. Fin septembre, Washington a accueilli le Forum Etats-Unis - îles du Pacifique. A cette occasion, le président américain a annoncé la reconnaissance officielle comme «Etats souverains et indépendants» de deux territoires, les îles Cook et Niue. 
 

Le cas Taïwan

Taïwan est le grand sujet de discorde entre Pékin et Washington. La Chine multiplie, depuis ces derniers mois,  des manoeuvres militaires autour de l’île qu’elle considère comme une province devant nécessairement être rattachée au continent, par la force si nécessaire. A quatre reprises, Joe Biden a publiquement assuré qu’en cas de tentative d’invasion militaire de Taïwan par l’armée chinoise, les États-Unis défendraient l’ancienne Formose. 
 

La visite à Taipei, en août 2022, de Nancy Pelosi, à l’époque présidente de la Chambre des représentants, a été jugée comme une provocation à Pékin, marquant le début d’une période de gel dans les relations déjà détériorées entre la Chine et les États-Unis. En réponse, Pékin a rompu ses communications militaires avec les États-Unis. Ainsi, le premier objectif de la rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden sera le rétablissement des canaux de communication entre les armées américaine et chinoise, a annoncé la Maison-Blanche. 
 

Cela permettrait d’éviter une plus grande dégradation des relations entre les deux grandes puissances, alors que Taïwan doit tenir des élections dans deux mois. La Chine a souligné qu’elle ne fera aucune concession sur les sujets cruciaux pour elle, notamment Taïwan, île qu’elle considère comme une province qu’elle n’a pas encore réussi à reconquérir depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
 

Lors de leur réunion de deux jours au Japon, la semaine dernière, les ministres des Affaires étrangères du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne , Canada, France et Italie) ont réaffirmé leur unité face à la «coercition économique» et aux menaces de la Chine contre Taïwan. «Nous allons aussi continuer à faire face à la Chine et ses actions en mer de Chine du Sud et en mer de Chine orientale», a déclaré A. Blinken au terme de cette réunion.

L’autre question à évoquer lors de  la rencontre d’aujourd’hui est la guerre commerciale que se livrent les deux premières économies mondiales. Mme Janet Yellen a relevé, vendredi, l’importance de rétablir des relations économiques sino-américaines «saines», tout en évoquant des sujets de tension comme des ventes supposées d’équipements à la Russie par des entreprises chinoises. Mme Janet Yellen s’est entretenue jeudi et vendredi avec le vice-Premier ministre chinois He Lifeng à San Francisco. 

Elle a déclaré que son pays ne cherche pas à «se dissocier» économiquement de la Chine, «ce qui serait préjudiciable» aux deux pays, et «déstabiliserait le monde». Mais «pour que les relations économiques soient saines, il faut que les travailleurs et les entreprises américains soient traités de façon juste»,a-t-elle observé. L’administration Biden s’est, par ailleurs, déclarée «préoccupée par le fait que des équipements essentiels à l’effort militaire de la Russie échappent aux sanctions (américaines) et sont livrés à la Russie», a indiqué Mme Yellen. 

«Nous avons des preuves que certaines entreprises chinoises, et je ne dis certainement pas que le gouvernement chinois est au courant, pourraient contribuer à l’acheminement de ces équipements et de ce matériel vers la Russie et que certaines institutions financières pourraient être impliquées dans la facilitation de cet acheminement», a-t-elle noté. Faute d’actions de la part de Pékin, a-t-elle ajouté, les Etats-Unis sont prêts «à mettre en place de nouvelles sanctions». 

La Chine entretient des relations très proches avec la Russie. Elle n’a pas condamné publiquement l’intervention militaire russe sur le territoire ukrainien, mais appelle à prendre en compte les préoccupations de Moscou en matière de sécurité et a également exhorté au respect de l’intégrité territoriale de tous les pays, sous-entendu l’Ukraine comprise. Xi Jinping a célébré  avec son homologue russe Vladimir Poutine une coopération 
«sans limites» entre leurs deux pays. Joe Biden devrait ainsi exhorter Xi Jinping à sévir contre les entreprises chinoises qui vendent du matériel sensible à la Russie pour soutenir sa guerre contre l’Ukraine.

 

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