De nombreux chefs de gouvernement et ministres sont attendus à l'occasion de ce sommet du bloc fondé par la Russie et la Chine pour renforcer les liens avec les Etats d'Asie centrale qui se déroulera sur deux jours, mardi et mercredi.
Routes bloquées, patrouilles et jours fériés : les autorités pakistanaises se préparaient hier à boucler la capitale avant un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) sous haute tension, alors que les dernières semaines ont été émaillées de manifestations de l'opposition et d'attentats contre des ressortissants étrangers. De nombreux chefs de gouvernement et ministres sont attendus à l'occasion de ce sommet du bloc fondé par la Russie et la Chine pour renforcer les liens avec les Etats d'Asie centrale qui se déroulera sur deux jours, mardi et mercredi. Parmi eux, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, le Premier ministre russe, Mikhaïl Michoustine, ou encore le Premier ministre chinois, Li Qiang.
Mais une attaque perpétrée la semaine dernière contre un convoi d'ingénieurs chinois dans la mégalopole portuaire de Karachi par des militants séparatistes accusant Pékin d'accaparer les richesses sans les partager avec la population locale a avivé les craintes sécuritaires. Islamabad, à court d'argent, est particulièrement soucieux de protéger les ressortissants chinois, car Pékin est pour lui un partenaire économique essentiel, fournissant fonds et personnel pour des projets d'infrastructures de plusieurs millions de dollars. Lors d'une conférence de presse donnée dimanche devant des médias étrangers, le ministre de l'Information, Attaullah Tarar, a assuré que «des dispositions sécuritaires sans précédent» avaient été mises en place spécifiquement pour protéger les invités venus de Pékin.
Le Pakistan subit aussi une recrudescence d'attaques des talibans pakistanais - qui ont déjà visé des intérêts chinois par le passé - depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan voisin, où Islamabad affirme que les assaillants se réfugient désormais, ce que Kaboul réfute. Pour tenter de répondre à cette menace, Islamabad a autorisé le déploiement de patrouilles militaires dans les rues pendant la durée du sommet. «L'armée protégera l'ensemble de l'itinéraire et la 'zone rouge'» qui accueille le sommet et agira «en renfort de la police», a souligné M. Tarar. «Le Pakistan s'ouvre au monde (...) Islamabad est l'une des villes les plus sûres que nous ayons», a-t-il poursuivi. Imtiaz Gul, du Centre pour la recherche et les études sur la sécurité basé à Islamabad, assure auprès de l'AFP que le sommet revêt un enjeu capital dans un pays peu habitué à accueillir des événements de cette ampleur et «qui n'est pas considéré comme sûr». Le gouvernement «doit s'assurer que l'événement se déroule pacifiquement, sans incident», estime-t-il.
Risque de troubles civils
Mais ce sont également les peurs de troubles internes qui dominent les coulisses du sommet, selon les experts, alors que le pays traverse une crise politique depuis les dernières élections législatives. Ces dernières semaines, les autorités pakistanaises ont sévèrement réprimé la dissidence, introduisant une nouvelle loi pour encadrer les manifestations dans la capitale et arrêtant des centaines de partisans de l'ex-Premier ministre pakistanais incarcéré Imran Khan.
Le parti de M. Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), a menacé d'organiser des manifestations pendant le sommet, une semaine après que ses partisans ont bloqué la capitale pendant trois jours. Le gouvernement avait, pour tenter de limiter ces rassemblements, coupé le réseau téléphonique et bloqué les points d'entrée et de sortie de la capitale à l'aide d'imposants conteneurs. «Le PTI ne veut pas montrer le côté positif du Pakistan au monde», a accusé Ahsan Iqbal Chaudhary, ministre pakistanaise de la Planification, lors d'une conférence de presse samedi. «A la place, ils cherchent à donner l'image d'un pays secoué par des troubles et envahi de gaz lacrymogènes», a-t-elle ajouté.
Les autorités ont déclaré trois jours fériés à Islamabad et dans la ville voisine de Rawalpindi à partir de lundi, et fermé plusieurs routes pour réduire les déplacements autour de la capitale. Le quartier gouvernemental de la «red zone» (zone rouge) qui accueille le sommet a été réaménagé, ses pelouses entourées de barbelés. L'OCS a pour membres la Chine, l'Inde, la Russie, le Pakistan, l'Iran, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Belarus. Seize autres pays y sont affiliés en tant qu'observateurs ou «partenaires de dialogue».
Tous les pays membres qui y participent devraient envoyer des chefs de gouvernement, à l'exception de l'Inde, grand rival du Pakistan, qui dépêchera son ministre des Affaires étrangères lors de cette rare visite à son voisin. L'OCS est parfois présentée comme une alternative à l'alliance militaire de l'OTAN, dominée par l'Occident. La Chine voit dans cette organisation un outil pour étendre son influence régionale, alors que ses revendications sur Taïwan et ses positions sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie l'ont opposée aux Etats-Unis et à l'Europe. Si le groupe a pour objectif de discuter de la sécurité mutuelle et de la coopération politique et militaire entre ses pays membres, le sommet d'Islamabad devrait se concentrer sur les questions économiques, humanitaires et culturelles.