Au-delà des photos de famille, tout sourires dehors, et des déclarations de principe sur l’unité et le destin commun, il est fort à parier que le «style MBS» et ses faits accomplis ne peuvent pas faire que des satisfaits dans les rangs des Etats membres.
La 32e session du sommet de la Ligue des Etats arabes, tenu en Arabie Saoudite, s’est clôturée en fin de journée d’avant-hier par l’adoption de la «Déclaration de Djeddah». Un document comportant 32 points renouvelant globalement les principes de l’action de l’organisation et s’inscrivant dans la suite des principes arrêtés lors de la 31e session tenue le 1er novembre 2022 à Alger.
On gardera du sommet cette «entorse» faite au strict protocole d’usage et à l’esprit de l’organisation, par l’admission d’un chef d’Etat étranger à l’ensemble géopolitique, qui plus est en guerre clivante à l'échelle de la planète, à prendre la parole à l’ouverture de ses travaux.
La tenue de la plénière a dû être retardée d’une heure et demie, selon des échos sur place, pour permettre à Volodymyr Zelensky d’arriver et de s’adresser aux présents. Fidèle à son port vestimentaire suggérant bien le contexte guerrier en Ukraine, le président ukrainien a donc été convié par le pays hôte du sommet à plaider en substance moins de neutralité des pays arabes sur le conflit qui l’oppose à la Russie.
Ce qu’il a fait devant des participants qui se sont abstenus de toute réaction et de tout commentaire. Le lendemain, il reprend l’avion sur Hiroshima, au Japon, ville dont le nom a une résonance particulière dans le contexte mondial actuel, pour assister au sommet du G7, groupement, quant à lui, qui s’est naturellement et franchement positionné contre la Russie.
Zelensky devra rencontrer quelques représentants de pays «non alignés» invités (Inde, Brésil…) pour tenter de les convaincre de la nécessité d’une implication plus directe au côté de son pays. Vendredi, au moment de sa présence à Djeddah, la Maison-Blanche a donné le ton, en accordant le feu vert à la livraison d’avions F-16 à Kiev.
Ce à quoi Moscou a vite répondu par une menace à l’adresse des pays occidentaux en évoquant des «risques colossaux» s’ils mettaient à disposition de l’armée ukrainienne les redoutables machines de combat. Ce n’est donc pas tout fait dans un climat des plus favorables à des initiatives de paix que l’invité surprise de MBS a fait son crochet à Djeddah.
Les analyses les plus courues liaient encore une fois, hier, l’initiative du prince héritier saoudien à ses propres priorités et agendas. «Un objectif majeur des dirigeants saoudiens est de présenter le prince héritier comme une figure essentielle dans le paysage géopolitique en évolution», développe Kristian Ulrichsen, chercheur à l'Institut Baker de l'université américaine Rice, cité par l’AFP.
Donner un gage aux Occidentaux, à leur tête les Américains, sur l’absence de toute volonté de rapprochement stratégique avec la Russie serait l’autre motivation qui a inspiré MBS et son staff, laisse entendre, pour sa part, Kristine Diwan, de l'Institut des Etats arabes du Golfe à Washington, citée également par la même agence.
Cette lecture suggère que les récentes audaces diplomatiques de l’Arabie Saoudite commencent à faire des vagues à la Maison-Blanche et que celle-ci le fait bien savoir.
Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, observateur assidu de l’action de l’Arabie Saoudite sous la houlette de MBS, parie, pour sa part, sur la forte tentation chez le prince héritier, désormais président en exercice du Conseil de la Ligue arabe, d’user de ce nouveau statut pour conforter ses ambitions de leadership diplomatique, au Moyen-Orient et au-delà.
Toutes les lectures s’accordent en tout cas sur le «cavalier seul» fait par la nouvelle présidence en exercice de la Ligue des Etats arabes en ce 32e sommet de Djeddah.
Au-delà des photos de famille, tous sourires dehors, et des déclarations de principe sur l’unité et le destin commun, il est fort à parier que le «style MBS» et ses faits accomplis ne peuvent pas faire que des satisfaits, encore moins des admirateurs, au sein des Etats membres. Le temps en dira plus.