Attribué il y a plus de deux ans sans la moindre commodité, que devient le site des 6000 Logements AADL à Retba, dans la commune de Didouche Mourad, wilaya de Constantine ? Il n’y a pas grand-chose à remarquer sur place, en dépit des multiples réclamations des habitants.
Ces derniers ont adressé récemment au chef de l’exécutif Abdelkhalek Sayouda un rapport noir sur l’état des immeubles occupés en décembre 2020. «Depuis, rien n’a changé et aucune volonté n’est perceptible pour la réhabilitation du site ou la levée des réserves émises par les bénéficiaires, sachant que les lieux manquent des moindres commodités, à l’instar des infrastructures d’utilité publique.
Pourtant, c’est le plus grand site du programme AADL 2 dans la wilaya de Constantine», ont souligné les résidants dans une correspondance adressée au wali et dont El Watan détient une copie. Les concernés ont tenu à rappeler que le premier îlot du site n’a pas été attribué jusqu’à présent, en dépit de toutes les promesses. Sur place et à première vue, tout semblait beau et propre, mais la réalité est toute autre.
Plusieurs défaillances sont signalées à commencer par l’insécurité. Les riverains affirment qu’ils sont victimes de vols, d’agressions physiques, verbales et autres. Cette situation date depuis leur installation. «Au début, notre site était la proie des fameux parkingueurs.
Ces derniers ont voulu imposer leur loi, nous obligeant à débourser des frais de stationnement. Nous étions terrorisés par les escarmouches et les menaces. C’était aux habitants de prendre les choses en main pour apaiser les esprits, et je ne dirai pas plus. Mais le problème de l’insécurité persiste toujours», a regretté un père de famille.
Un membre de l’association du pôle urbain Abderrezak Bouhara (6000 logements AADL Retba) ajoute que le siège de la sûreté urbaine réalisé au niveau du site n’est pas encore achevé. L’association a souligné dans sa lettre que cette zone en réalité fait partie du secteur de la gendarmerie nationale, où il n’y a pas de patrouille pour assurer la sécurité. Même en appelant le 1055, d’après eux, ils ne reçoivent pas de réponses.
Le transport, un calvaire
Pour le transport urbain, la situation n’est pas meilleure, pour ne pas la qualifier de désastreuse. Lors de notre présence sur les lieux, nous avons constaté que pour se rendre à Constantine le matin les habitants sont contraints de recourir aux services des fraudeurs.
C’était leur seule solution, après une longue attente dans un froid glacial. Aucun bus n’est passé par les lieux. Une dame a affirmé à El Watan qu’il faut prendre deux bus pour arriver à Constantine et parfois trois moyens de transport si le siège du travail se trouve dans la banlieue de la ville. «Il faut refaire notre trajet durant l’été pour sentir notre calvaire», a-t-elle déploré. Un véritable manque d’empathie de la part des autorités durant ces deux ans.
Même si le problème peut paraître banal, il faut prendre en considération qu’il s’agit d’un grand problème pour se rendre au travail. Faut-il toujours un rappel de la part des habitants, pour que les autorités daignent réagir? D’ailleurs, les représentants des citoyens ont réclamé une importante couverture en transport commun, ainsi que de nouvelles lignes, avec l’installation d’abris de bus, de plaques de signalisation et la désignation de stations de taxis.
Un endroit déconnecté du monde
«Ce que j’aime à Retba, c’est qu’en venant ici, je me déconnecte du monde et du brouhaha de la ville», ironise un père de famille. Ce dernier signale plusieurs anomalies dans les travaux de réalisation, soit à l’intérieur ou à l’extérieur des immeubles.
Des fissures sont apparues dans les escaliers des bâtiments livrés il y a deux ans. Même les trottoirs sont dans un état lamentable. Le site manque d’espaces verts, d’aires de jeu, de bennes à ordures, d’éclairage public surtout dans l’îlot 2. Des ascenseurs sont en panne depuis un bon moment. Il n’y a pas une polyclinique ou même une salle de soins. Pourtant, selon les normes en Algérie, une polyclinique doit être mise au service pour 25 000 habitants et une salle de soins pour 6000 habitants. Les riverains ont déploré un incident dans ce sens, lorsqu’un habitant avait eu un malaise la nuit. «Heureusement que son voisin avait un véhicule pour le transporter à l’hôpital le plus proche.
Si tu n’es pas véhiculé, tu appelles ton voisin ou tu crèves. Il n’y a pas d’autres choix», martèle un des concernés. Et de poursuivre que le site est devenu un grand dortoir, faute d’infrastructures culturelles, sportives et commerciales et surtout d’administrations publiques. Pourtant, soulignent les plaignants dans la requête adressée au wali, le site compte 18 000 habitants.
Ces derniers souffrent encore du sempiternel problème d’alimentation en eau potable à cause de la défectuosité du réseau réalisé. Les conduites ont éclaté à plusieurs reprises, a indiqué M. Soltane un des habitants interrogés, car le réseau n’a pas été réalisé selon les normes. «En été dernier, on a passé un mois sans eau.
La coupure la plus récente est survenue avant le mois de Ramadhan pour durer 15 jours. Cela, sans oublier les dépôts de calcaire qui ont abîmé les conduites. Même les travaux du réseau d’assainissement n’ont pas été achevés. Une catastrophe environnementale ou de santé peut survenir à n’importe quel moment», a fulminé M. Soltane.
Les habitants interpellent le wali
La longue liste des revendications reflète la persistance des anciennes pratiques du pouvoir. On organise de grandes opérations médiatiques pour attribuer des logements sans commodités au détriment du bien-être du bénéficiaire. «Notre déception était grande le jour de l’attribution des appartements, qui étaient dans un état affligeant. Ce n’était que du cinéma et du camouflage préparé, lors de la visite du ministre de l’Habitat en 2020. Notre déception était encore grande après le départ de la délégation officielle, en constatant qu’il n’y avait pas d’eau.
Pourtant, on a ouvert le robinet devant le ministre pour lui prouver l’alimentation en eau potable», raconte une mère de famille en colère. Suite à la remise de la lettre, le wali de Constantine a promis de régler certains problèmes par étape, mais les habitants veulent des interventions concrètes sur le terrain. «Il y a une dizaine de jours que nous avons saisi officiellement le wali. Jusqu’à présent rien n’a été fait. Même pas un bus de plus ou une plaque de signalisation.
Ce genre de choses devait avoir lieu avant la remise des clefs. On a peur de revivre un scénario similaire de celui l’année 2021 et 2022», a conclu un membre de l’association.