L’ancienne combattante avait fait partie d’une bande de jeunes filles ayant décidé, en janvier 1957, de rejoindre le maquis pour servir dans les différentes unités de soins de l’Armée de libération nationale.
Jeudi 19 mai 2022. Les coins du célèbre lycée Mohamed Kerouani (ex-Eugène Albertini) de Sétif résonnent aux retrouvailles émouvantes, aux pleurs d’émotion, aux anecdotes et souvenirs du bon vieux temps.
Venus de partout, les anciens élèves répondent comme à l’accoutumée à l’invitation de leur association ne ménageant aucun effort pour préserver et entretenir l’amour qu’elle porte à cette citadelle de la connaissance, du savoir et du militantisme.
Le temps d’un extraordinaire hommage aux 46 élèves-martyrs, les anciens ont obligé les aiguilles de la montre à faire marche arrière. Les aléas du temps, le poids de l’âge et les mille et un bobos de santé n’ont pas dissuadé les anciens pensionnaires des lycées Mohamed Kerouani et Malika Gaïda à faire le déplacement, à retrouver des camarades perdus de vue depuis une éternité.
On ne peut décrire la joie et le bonheur des illustres lycéens. Fidèles au serment et à la parole, Toufik et Houria, Abdelmadjid et Djemila, Ahmed et Yamina, Messaoud, Malika et Meriem sont venus honorer les preux morts au champ d’honneur. Témoin de faits historiques incommensurables, Houria ne pouvait rater l’hommage rendu à de nombreux compagnons tombés les armes à la main. Fidaïa de la première heure, Houria Mostefai était là.
Du haut de ses 84 printemps, Houria la sœur d’armes de grandes chahidate telles Malika Kharchi, Meriem Bouatoura et des moudjahidate telles Fatima Bensamra et Yamina Cherrad, ses camarades de classe au lycée des jeunes filles (actuel Malika Gaïd) de Sétif, répond à l’appel.
Humble, l’ancienne combattante pour laquelle la transmission de la mémoire est un devoir sacré garde jalousement les traces (documents et photos) du passé glorieux. Sollicitée par les anciens pour un mot, une photo souvenir, Houria, respirant et humant l’air de la liberté chèrement payée, ne rechigne pas.
Avec son légendaire sourire, la moujahida au visage rayonnant et toujours juvénile a aimablement accepté de se confier à El Watan. «Houria qui s’est vouée durant notre glorieuse guerre de libération avec amour, dévouement et un engagement indéfectible est notre modèle à nous tous. Après des années au maquis, elle a continué à servir l’Algérie notre mère nourricière.
La deuxième partie de son combat elle l’a consacré à l’éducation et à la formation de plusieurs générations de lycéens à Jijel où elle réside. Houria incarne le combat de la lycéenne qui a sacrifié sa jeunesse et ses études pour que vive l’Algérie libre et indépendante», nous confie Toufik Gasmi, la cheville ouvrière de l’atypique association des anciens élèves du lycée luttant inlassablement contre l’oubli. Intransigeante sur tout ce qui concerne l’histoire Houria me confie des documents d’une valeur historique incommensurable.
Courage et bravoure des sœurs d’armes
Née le 3 novembre 1938 à Tébessa, Mme Benhassine fidèle à son éducation, à sa ligne de conduite et au serment, retrace avec la minutie d’une montre suisse, le parcours d’une bande de jeunes filles ayant décidé en janvier 1957, tout planquer et rejoindre le maquis. Plus d’un mois, Meriem Bouatoura, Malika Kharchi, Fatima Bensamra et Houria Mostefai sensibilisent les femmes des douars de Tachouda et Djebel El Halfa (Beni Aziz) à la cause nationale.
Elles invitent par la suite les commerçants à rallier la célèbre grève des huis jours. Après cet intermède, le quatuor rejoint la région de Jijel, plus précisément Zouitna où elles sont accueillies par la famille de Si Azzedine commandant de la région de Mila. Après un court repos, les nouvelles recrues prennent le chemin du commandement de la wilaya II à Djerrah près de Collo (Skikda).
Représenté par Ali Kafi, Lamine Khen, Allaoua Benbaâtouche, Rabah El Oumma et Dekhli Mokhtar dit «El Baraka», tout l’État major est à l’accueil. Médecin de la wilaya Dr Lamir Khen les initie aux soins médicaux (injections, pansements, prise de tension, etc.).
Accélérée, la formation est fructueuse. Mues par le devoir sacré, les nouvelles infirmières entrent dans le vif du sujet, rejoignent les différentes unités de soins de l’armée de libération nationale. En plus de la casquette d’infirmières, les anciennes lycéennes prennent part à plusieurs batailles.
N’oubliant jamais le sacrifice suprême de ses amies, ses sœurs, Houria relate en détail la disparition de Malika Kharchi, une héroïne morte les armes à la main à 21 ans. «Malika était infirmière et combattante puisqu’elle a pris part à plusieurs batailles dont la plus importante était celle de Ziabra (Collo).
Douée de culture, d’intelligence et d’un esprit d’observation exceptionnels, elle réussit à déjouer très souvent les raids des soldats, sauvant ainsi la vie à plusieurs malades et blessés. Un funeste jour de novembre 1960, on se trouvait sans un hôpital de la région de Beni Affer, en compagnie, d’un infirmier, Bounoua Abdelhalim dit Lahbieb, et de quelques blessés. Nous fûmes surpris par un grand ratissage avec onze mille soldats français d’après les renseignements de Chekfa (civils).
À quatre heures du matin, l’infirmerie est repérée par un avion d’observation qui survolait l’Oued de Béni Khattab. La soldatesque française oblige le staff paramédical à un repli avec armes et bagages ainsi que deux malades, Iliés Niboucha et Omar Ben Djaballah. Deux grands fracturés, ne pouvant faire partie de l’évasion, furent cachés dans une casemate proche. L’étau était tel qu’on ne pouvait le desserrer. Faisant preuve de son courage légendaire, Malika prend les choses en main, essaye de sortir le groupe du guet-apens.
En désespoir de cause, le septuor se scinde pour multiplier les chances de réussite. Malika et Ilies tombent dans une embuscade qui leur coûte la vie. Les autres après avoir tourné en, rond, plus de 4 jours, sans manger, ni boire, parviennent à s’en sortir. Ainsi périt une fine fleur de l’Algérie à l’âge de 21 ans, pour que vive l’idéal de l’Algérie Indépendante», tel est le récit d’une héroïne mettant à profit le retour aux sources pour vanter le courage et la bravoure de ses sœurs d’armes.