La principale mission des équipes psychiatriques est d’accueillir les patients et leur proposer des thérapies d’urgence, mais aussi soulager, atténuer et amoindrir leurs souffrances.
Organisée par la direction de la santé de la wilaya de Biskra, une session de formation destinée aux médecins généralistes, aux psychologues et aux psychiatres s’est déroulée, jeudi dernier, à l’établissement hospitalier spécialisé en psychiatrie Colonel Si El Haoues de M’Chouneche, commune située à 35 km au nord-est du chef-lieu.
Durant cette rencontre scientifique, les praticiens de la santé du privé et du public ont étudié la principale mission des équipes psychiatriques consistant à accueillir les patients et leur proposer des thérapies d’urgence, offrir une possibilité d’hospitalisation de courte durée afin d’engager un traitement en gérant la crise en collaboration avec la famille du malade et son médecin traitant, soulager, atténuer et amoindrir les souffrances psychiques des sujets et enfin la nécessité d’informer, soutenir, comprendre et orienter les personnes et les familles en fonction de leurs demandes et des diagnostics médicaux.
Les thèmes de l’organisation des soins en psychiatrie d’urgence, les modalités d’hospitalisation des personnes atteintes de troubles psychologiques et mentaux, tous les aspects médico-légaux des urgences psychiatriques, les relations avec les services de sécurité et les autorités judiciaires ainsi que les dispositions déontologiques garantissant le secret médical et les conduites à adopter devant les états d’agitation, suicidaires ou psychotiques des malades reçus en consultation ont émaillé cette manifestation constituée d’excellentes communications étayées par des chiffres et des statistiques et des cas cliniques illustratifs des pathologies mentales menaçant les personnes et la communauté dans son ensemble.
Des débats à bâtons rompus ont ponctué les interventions des spécialistes en psychiatrie, qui ont animé de fort belle manière cette session de formation médicale qualifiée «de haute facture» par des jeunes médecins généralistes, lesquels ont avoué être souvent confrontés à des situations délicates en recevant un malade à l’esprit perturbé.
En Algérie, les atteintes psychologiques et mentales les plus fréquentes sont les dépressions nerveuses plus ou moins sévères, des formes de schizophrénie latentes ou apparentes, la paranoïa notamment chez des sujets adolescents et les troubles du comportement induits par des addictions, à des pratiques alimentaires inappropriées et par des violences telles qu’un viol, la maltraitance, le harcèlement moral et des abus perpétrés dans la sphère familiale, professionnelle ou publique.
Les phénomènes les plus prégnants et inquiétants mettant en péril la santé mentale, à laquelle les médecins sont confrontés au quotidien sont l’augmentation de la consommation des substances psychoactives provoquant une addiction qui est, selon la définition consacrée, «la rencontre entre un individu, un environnement et un produit» et la multiplication des tentatives de suicide constituant de 25 à 30% des cas traités. Par an, on comptabilise quelque 200 000 tentatives de suicide dont 50% ne sont pas prises en charge par une équipe de médecins-psychiatres et de paramédicaux formés pour répondre à la demande, a-t-on appris.
MANQUE D’INFIRMIERS SPÉCIALISÉS
«Cette session de formation entre dans le cadre d’un plan national tracé par le ministère de la Santé visant le développement des structures des urgences psychiatriques et la mise en place d’un réseau efficient de prise en charge des personnes atteintes de troubles psychologiques. J’ai axé mon intervention sur les devoirs du médecin, ses obligations réglementaires et déontologiques, les réquisitions des instances judiciaires et les droits du malade et du secret médical.
Je remercie tous les médecins généralistes qui ont répondu à l’invitation et qui ont ressenti le besoin de se doter des connaissances idoines afin de maîtriser les procédures médico-légales régissant la prise en charge des personnes en situation de précarité et de vulnérabilité psychologique.», a souligné Otmane Tolba, médecin-psychiatre et président du Conseil médical de l’hôpital psychiatrique de M’Chouneche.
«Depuis 1962, de grands progrès ont été réalisés dans la prise en charge des malades mentaux. Il ne faut pas oublier que le peuple algérien est sorti d’une terrible nuit coloniale et d’une guerre atroce qui ont eu des répercussions négatives sur la santé et l’état psychologique et mental des individus dont des centaines erraient dans les rues à la recherche d’un gite. Puis, les séismes d’El Asnam (Chlef) et de Boumerdès et l’horrible décennie noire ont fait vaciller les esprits les plus résilients.
Nous avons une culture de la résistance aux difficultés et aux aléas de la vie, une inébranlable foi en Dieu et au destin et une force intrinsèque, mais nous sommes aussi humain et les atteintes psychologiques nous guettent comme tout un chacun à travers le monde. À l’image de ce centre psychiatrique de M’Chouneche, beaucoup d’infrastructures ont été réalisées pour mettre en place un réseau national de prise ne charge des malades mentaux.
Seulement, il faut relever que les ambitions de mieux traiter ces patients risquent de se heurter à la problématique question du manque de médecins psychiatres et d’équipes paramédicales spécialisées. Rien n’est fait pour encourager et inciter les jeunes médecins à venir s’établir dans les régions du sud. Beaucoup restent dans les villes côtières ou s’exilent à l’étranger ce qui est du pain béni pour les pays hôtes et des pertes immenses pour l’Algérie formant au demeurant d’excellents médecins», a confié Yacine Bouguermouh, professeur en psychiatrie hospitalo-universitaire à la faculté de Blida.
Fort d’une longue expérience, celui-ci exhorte les autorités nationales à réfléchir à une politique de santé publique consacrant la contractualisation des soins médicaux et à abandonner graduellement la gratuité des consultations et des actes thérapeutiques tout en débloquant des moyens conséquents afin de prendre en charge les malades et aussi retenir au pays les spécialistes en psychiatrie «formés à coup de millions de dinars et à qui il faut offrir des salaires et un cadre de vie conformes à leur statut pour les garder», a signalé notre interlocuteur.