Service de néphrologie de l’hôpital Mustapha : De nombreuses prestations au service du patient

06/05/2024 mis à jour: 20:14
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Les activités de consultation, de dépistage et de prévention ont aussi été développées - Photo : Sami K.

Depuis son ouverture en 2015, le service de néphrologie de l’hôpital Mustapha Pacha a mis un point d’honneur à ne pas se limiter à la seule hémodialyse. Diverses activités de consultation, de dépistage, de prévention, de néphrologie clinique (hospitalisation, développement de la biopsie rénale) ont alors été développées au CHU.

Je suis sous dialyse depuis 25 ans. Cela est dû à la maladie du lupus qui m’a été diagnostiquée à l’âge de 18 ans. Mon état de santé s’est beaucoup dégradé. J’en suis arrivée à ne me déplacer qu’en fauteuil roulant», confie Mme Fatiha, une patiente atteinte d’insuffisance rénale chronique qui suit ses séances d’hémodialyse au CHU Mustapha. «Mais depuis quelques semaines, je commence petit à petit à retrouver l’usage de mes jambes.

Je ne sais pas si le renouvellement des machines a eu un impact, mais ce qui est certain, c’est que j’ai constaté une nette amélioration», poursuit-elle. «Je pense que la station d’eau y est pour beaucoup également. En fait, lorsque l’eau est bien filtrée, on le ressent et notre dialyse se passe très bien.

On arrive même à s’endormir», ajoute-t-elle. Mme Fatiha n’est pas un cas isolé. Nombreux sont les patients qui ressentent exactement les mêmes effets. Effectivement, pour faire de l’hémodialyse, il faut traiter l’eau de ville qui est chargée en calcium, en magnésium, en calcaire et en diverses particules. Il faut savoir que l’eau qui arrive dans les services de dialyse est la même que celle qui arrive dans toutes les habitations.

Cette eau doit donc subir un traitement spécial, avant d’arriver aux générateurs d’hémodialyse. Et c’est justement ce qui se fait au niveau de la station d’eau de l’hôpital Mustapha. «Il faut tout de même souligner qu’au niveau du CHU Mustapha Pacha, seul 1% est en hémodialyse chronique», affirme le Professeur Farid Haddoum, chef de service de néphrologie au sein de l’hôpital.

La raison : «Grâce au développement de nombreuses activités dans le service, nous avons pu arriver à ce résultat. Nous n’avons pas fermé pour autant l’unité d’hémodialyse. Au contraire, nous l’avons développé», assure-t-il.

Dialyse péritonéale

C’est en 2015 que le «service néphrologie» de l’hôpital Mustapha a ouvert ses portes. Créé par un arrêté interministériel en 2014, le professeur Haddoum et son équipe ont donc œuvré ces huit dernières années afin d’imposer le label néphrologie complet. «Il faut savoir que la néphrologie a été introduite dans le monde comme spécialité en 1960 et en Algérie en 1989.

Celle-ci est devenue une spécialité à enseigner en 1990. Et donc avant 1990, la néphrologie se résumait à de l’hémodialyse», affirme-t-il. «Nous avons travaillé dur pour développer différentes activités au sein de notre service afin de ne pas ramener la néphrologie à l’hémodialyse qui constitue l’échec de la néphrologie», poursuit-il.

En premier lieu, «nous avons développé des techniques de dialyse, notamment la dialyse péritonéale», affirme le Pr. Haddoum. Cette dernière permet de purifier le sang en utilisant le péritoine, membrane entourant l’abdomen, l’intestin et d’autres organes internes, comme filtre. «Cette dialyse se fait à la maison avec des poches de dialyse péritonéale.

Les échanges se font à la maison et le malade est complètement autonome», explique M. Haddoum. Assurant que la dialyse péritonéale est celle «que nous développons, nous conseillons et favorisons le plus à l’hôptal Mustapha, et ce, pour plusieurs raisons», assure M. Haddoum.

La première est le coût. En effet, la dialyse péritonéale est, selon le Pr Haddoum, économique (50% moins chère que l’hémodialyse). La deuxième raison est qu’elle se fait tous les jours à la maison. Et enfin, les soins se font à domicile et le malade se trouve dans une autonomie complète. «De plus, pour la majorité des malades, elle se fait uniquement la nuit pendant qu’ils dorment», poursuit M. Haddoum.

A contrario, l’hémodialyse au centre contraint les malades à venir 3 fois par semaine à raison de 4 heures à chaque séance pendant toute leur vie, avec un coût extrêmement élevé. Finalement, grâce au développement de cette technique, 80% des malades de l’hôpital Mustapha Pacha sont désormais sous dialyse péritonéale. «Cette offre a permis de passer d’une dialyse chronique routinière à une dialyse péritonéale qui peut se faire à la maison ou toujours au centre, mais dans de petits centres de proximité dans de grands centres privés», affirme M. Haddoum.

Selon lui, Alger, à elle seule, compte pas moins de 40 centres privés. D’ailleurs, les malades souhaitant rester en hémodialyse ont progressivement été accompagnés vers des centres de proximité, qu’ils soient publics (s’ils ne sont pas assurés) ou privés (s’ils le sont). «Nous avons renouvelé le parc des machines et désormais, elles sont dédiées à la demande des dialyses d’urgence», explique le Pr Haddoum.

Autrement dit, l’unité d’hémodialyse s’est orientée vers les missions du CHU et l’offre de soins de ce dernier car il doit tout de même répondre aux besoins des services spécialisés, que ce soit de l’adulte, de l’enfant en termes médical ou chirurgical. «Il faut savoir que l’hôpital Mustapha compte une trentaine de services de médecine et de chirurgie (adultes et enfants). Si auparavant, le service était tout le temps complet, il peut désormais répondre aux besoins de dialyse d’urgence qui peuvent atteindre 10 à 12 par jour, en plus des urgences», explique M. Haddoum.

Dépistage 

D’autres activités ont également été développées, dès 2016, au sein du service. «Nous avons pu avoir, grâce à tous les efforts conjugués du ministère de la Santé, mais aussi de l’administration de l’hôpital, à sa tête le directeur général, Khaled Dahia, une consultation externe qui est au Télemly et une consultation à l’intérieur de l’hôpital Mustapha, mais pas dans les locaux du service», a assuré M. Haddoum.

Les activités de consultation, de dépistage et de prévention ont aussi été développées. «Dépister, diagnostiquer voire prévenir la maladie est une priorité absolue en néphrologie. C’est ce qu’on appelle médecine pré-hospitalière. Ce sont des activités ambulatoires que nous développons en dehors de l’hôpital», explique M. Haddoum, assurant au passage que la maladie rénale est silencieuse, pernicieuse et sournoise.

Selon le professeur, le patient n’a pas de maux ni aucun symptôme : «C’est la biologie dans le sang, la biologie dans les urines et une échographie des reins qui déterminent s’il y a maladie ou pas. Sans cela, on passe à côté». Les reins peuvent donc être détruits à 80% sans aucun signe apparent. C’est pourquoi, il est important, selon M. Haddoum, de dépister la maladie rénale ou alors de prendre en charge le patient au tout début de la maladie.

Concernant le dépistage, M. Haddoum explique qu’il est impossible de dépister tout le monde : «C’est coûteux et peu rentable. On va plutôt dans des zones poissonneuses. Autrement dit, dépister les hypertendus, les diabétiques, les cardiaques, les malades chroniques et tous ceux qui prennent plus de deux médicaments par jour». 

Autre activité nouvelle développée au sein du service : la néphrologie dite clinique. Il s’agit de l’hospitalisation des malades pour des explorations de haut niveau. «Nous avons introduit une technique qui s’appelle la biopsie rénale. Elle consiste à prélever des petits bouts de reins que nous analysons en laboratoire.

D’ailleurs, le laboratoire d’anatomie pathologique du CHU Mustapha Pacha fait désormais la lecture des biopsies du rein», a-t-il révélé. D’autres thérapies, à l’exemple de la plasmaphérèse, ont également été développées. Il s’agit d’une méthode de purification sanguine extracorporelle qui permet de soustraire des macromolécules nocives du sang. «Il y a aussi les abords vasculaires que nous avons développés», ajoute M. Haddoum.

Les malades de tout le pays viennent se faire insérer des cathéters pour qu’ils puissent être hémodialysés. «On souhaite aussi développer encore plus la prévention et le dépistage. On estime important de traiter les malades pour éviter qu’ils aillent en dialyse car elle constitue l’échec de la néphrologie», soutient-il.

Transplantations

En ce qui concerne les transplantations rénales, M. Haddoum assure que seuls 19% des malades sont transplantés. «Malheureusement, nous ne faisons pas suffisamment de transplantation. Seules 150 transplantations ont été réalisées depuis 2016. Or, nous souhaitions faire 50 à 60 par an», se désole-t-il.

La raison : il y a beaucoup de couples prêts et peu de malades opérés. A cet effet, il explique : «Pour réaliser des transplantations rénales, il faut réunir, durant la même journée et pendant 4 heures, des médecins anesthésistes, des chirurgiens, des pharmaciens, des immunologues... Et cela reste très difficile. Finalement, c’est la chirurgie de greffe qui ralentit le programme». Il faut savoir qu’il y a tout un processus avant d’arriver à l’étape de la transplantation.

Il y a d’abord une consultation pré-greffe pour préparer les couples (donneur/receveur). «Nous avons d’ailleurs une unité de transplantation médicale qui n’existait pas et que nous avons créée en 2016. Avec un sas d’entrée qui est la consultation pré-transplantation où les malades insuffisants rénaux (avant dialyse ou pendant la dialyse), viennent avec des donneurs», confie M. Haddoum. 

Les couples sont ensuite sélectionnés, avec identification du donneur et du receveur, et c’est seulement lorsque tout est prêt sur le plan médical que les couples sont proposés à la chirurgie de la greffe. «Malheureusement, le facteur limitant est la chirurgie de greffe car les activités chirurgicales entrent en compétition avec les activités du service, que ce soit en chirurgie cardiaque, en chirurgie générale, en urologie…», affirme-t-il. Côté logistique, le chef de service assure que ça coince aussi.

Selon lui, réaliser une transplantation nécessite deux blocs opératoires disponibles le même jour, deux équipes d’anesthésie-réanimation disponibles aussi le même jour, deux équipes d’infirmiers d’anesthésie et idem pour les chirurgiens. «L’immunologue doit aussi nous faire les bilans la veille pour s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indications.

Le centre de transfusion doit préparer tout ce qu’il faut. La pharmacie hospitalière également. La biochimie, la micro-bio, la virologie…», énumère-t-il. La difficulté réside donc dans tous ces détails. «Nous opérons nos malades à Mustapha Pacha, à chaque fois que c’est possible. Mais les couples qui sont prêts vont aussi se faire opérer ailleurs.

Nous les adressons à des équipes dans des centres hospitaliers qui ont plus de possibilités chirurgicales et moins de couples que nous. Ils font l’acte chirurgical et ils reviennent», assure M. Haddoum.

D’ailleurs, il existe aussi une unité hospitalisation-transplantation pour les transplantés récents qui viennent d’être opérés et pour les transplantés anciens qui, de temps en temps, ont des soucis (infectieux, métabolique ou autre). «Finalement, en développant toutes ces activités, nous essayons d’orienter la néphrologie vers ce qui est rationnel», conclut M. Haddoum.
 

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