Grâce aux fonds débloqués par l’Allemagne depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le rapport est moins alarmiste que les autres années, car «les choses bougent enfin», après plusieurs décennies de sous-investissements.
Il y a des désormais suffisamment de casques pour les soldats, mais les casernes sont délabrées et les troupes vieillissantes : l’armée allemande «a toujours trop peu de tout» pour être à la hauteur de ses ambitions, selon un rapport publié hier.
«Beaucoup d’améliorations ont été apportées et beaucoup de choses ont été réalisées», a résumé la commissaire à la Défense du Parlement Eva Högl, citée par l’AFP, devant la presse. «Mais nous ne touchons toujours pas au but et il y a encore beaucoup à faire», a-t-elle ajouté alors que le futur chancelier Friedrich Merz a promis d’augmenter massivement les dépenses militaires face à la multiplication des menaces pour la sécurité de l’Allemagne et de l’Europe.
Le besoin d’une armée «pleinement opérationnelle» est «plus important que jamais» dans un contexte international dominé par les conflits en Ukraine et au Proche-Orient, mais aussi par la politique «inquiétante» menée par «l’allié» américain, a souligné Eva Högl lors de la présentation de son rapport annuel. Ce sera l’une des priorités du nouveau gouvernement que les conservateurs de M. Merz, vainqueurs des élections du 23 février, tentent actuellement de former avec les sociaux-démocrates du chancelier sortant Olaf Scholz.
Grâce aux fonds débloqués par l’Allemagne depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le rapport est moins alarmiste que les autres années car «les choses bougent enfin», après plusieurs décennies de sous-investissements. Ainsi, gilets, casques et autres équipements de base sont «enfin disponibles en nombre suffisant». Mais les points faibles de la Bundeswehr sont toujours les mêmes : pénurie de personnel, d'équipements modernes et infrastructures, comme les casernes, «pour une grande part délabrées».
La commissaire regrette également «une bureaucratie débordante» et une numérisation qui «ne progresse pas». Sur les 100 milliards d’euros du fonds spécial pour la défense mis sur pied par le gouvernement d’Olaf Scholz, 82% ont déjà été utilisés, souligne le rapport. Les conservateurs de Friedrich Merz et les sociaux-démocrates ont annoncé vouloir muscler les investissements de défense dans une ampleur sans précédent, en s’affranchissant des règles de discipline budgétaire.
Conscription = surcharge
L’objectif serait d’atteindre au moins 100 milliards d’euros par an de dépenses budgétaires pour la défense, soit deux fois plus que ce qui est prévu actuellement. Cela rapprocherait l’Allemagne du seuil annuel de 3% du PIB consacrés à la défense, correspondant au nouvel objectif que pourraient bientôt se fixer les pays de l’Otan.
Grâce au fonds spécial de 100 milliards d’euros, l’Allemagne a pu atteindre l’an dernier la barre des 2% du PIB octroyés aux dépenses militaires. «Un budget de défense suffisant, indépendant d’un fonds spécial, reste indispensable», pour l’armée allemande, estime Eva Högl. «Cet argent doit être investi dans les technologies du futur, dans les drones, dans les satellites, dans l’intelligence artificielle, plus de défense aérienne et de numérisation», a-t-elle souligné.
Quant aux besoins en investissement, ils s’élevaient, selon elle, à 67 milliards d’euros fin 2024, notamment pour rénover les casernes. L’armée manque aussi de matériel lourd en état de marche et de pièces de rechange, notamment en raison «de l’importante livraison de matériel à l’Ukraine» dont l’Allemagne est l’un des principaux fournisseurs, écrit Mme Högl. Les effectifs restent largement insuffisants : la Bundeswehr «n’a pas réussi à se rapprocher de l’objectif de 203 000 soldats d’ici 2031», déplore la commissaire.
Fin 2024, on comptait 181 174 soldats actifs, soit 340 de moins que l’année précédente. Et l’âge moyen est passé de 32,4 ans en 2019 à 34 ans : l’armée «rétrécit et vieillit», une tendance à «enrayer et renverser d’urgence». Dans ce contexte, la commissaire émet des réserves sur la relance d’une forme de service militaire obligatoire, la conscription ayant été abandonnée en 2011.
Les conservateurs sont de longue date en faveur d’une réintroduction d’un service obligatoire, incluant aussi les jeunes femmes, avec possibilité d’accomplir un service d’intérêt général. Ils ont relancé le débat ces derniers jours. A ce stade, la conscription «surchargerait l’armée», a estimé Mme Högl, faute de chambrées, d’équipements et de formateurs en nombre suffisant.