Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a affirmé qu’il n’a pas encore reçu la «permission» de Washington et de Londres d’utiliser des missiles à longue portée contre la Russie, les Occidentaux craignant certainement la réaction de Moscou.
«Ni l’Amérique ni le Royaume-Uni ne nous ont donné la permission d’utiliser ces armes sur le territoire de la Russie, sur n’importe quelle cible et à n’importe quelle distance», et Kiev ne l’a donc pas fait, a-t-il dit vendredi soir à des médias, a rapporté hier l’AFP. Ses déclarations étaient placées sous embargo jusqu’à hier. «Je pense qu’ils ont peur de l’escalade», a-t-il ajouté.
L’Ukraine réclame l’autorisation de frapper le territoire russe avec des missiles à plus longue portée, mais les Occidentaux, notamment le président américain Joe Biden, redoutent la réaction de la Russie.
Le président russe, Vladimir Poutine, a prévenu qu’une telle décision signifierait que «les pays de l’Otan sont en guerre contre la Russie».
Volodymyr Zelensky a affirmé qu’une décision rapide est nécessaire, car la Russie «déplace» ses avions vers des bases plus lointaines.
Cette utilisation de missiles à longue portée fait partie du plan pour mettre fin à la guerre que V. Zelensky compte présenter à son homologue américain, Joe Biden, lors d’un déplacement aux Etats-Unis la semaine prochaine. Le dirigeant américain «peut encore renforcer l’Ukraine et prendre des décisions importantes» d’ici la fin de sa présidence, a assuré V. Zelensky. Le plan devrait également être présenté à Kamala Harris, candidate démocrate, et Donald Trump, candidat républicain. Il sera ensuite «ouvert à tous», a déclaré le président ukrainien, suggérant donc qu’il serait rendu public. Volodymyr Zelensky a affirmé qu’il profiterait de son déplacement aux Etats-Unis pour «parler au Congrès» américain, disant avoir besoin de son «soutien».
L’Ukraine dépend largement de l’aide occidentale, et notamment américaine. L’élection présidentielle aux Etats-Unis le 5 novembre est donc source d’inquiétude, car tout changement de politique pourrait avoir d’importantes conséquences. Volodymyr Zelensky a affirmé qu’il rencontrerait probablement Donald Trump le 26 ou 27 septembre. Ce dernier, président de 2017 à 2021, s’est montré très critique des milliards de dollars dépensés par Washington pour aider Kiev. Il a maintes fois prétendu qu’il réglerait la guerre entre la Russie et l’Ukraine «en 24 heures», sans jamais expliquer comment.
Retard
L’aide militaire s’est en tout cas «accélérée» début septembre, s'est félicité Volodymyr Zelensky, dont l'armée peine à freiner l'avancée des troupes russes dans l'est du pays. «Nous en sommes heureux. Nous le sentons», a-t-il dit, tout en jugeant que le rythme devrait être plus rapide.
Les retards de livraison de l’aide occidentale, dus à des divisions politiques, ont conduit son armée à une grave pénurie de munitions et d’armement en début d’année. Des responsables ukrainiens ont affirmé que cela a notamment permis à la Russie de s’emparer en février de la ville-forteresse d’Avdiïvka, dans l’Est. Depuis, les soldats russes continuent leur poussée et revendiquent presque quotidiennement la prise de nouveaux villages, principalement dans la région de Donetsk. Ils menacent désormais Pokrovsk, un important centre logistique. Longtemps considérée comme relativement sûre, la ville est désormais à une dizaine de kilomètres des positions russes.
L’armée ukrainienne moins bien armée est aussi moins nombreuse que celle de la Russie.
Toutes deux sont confrontées à des pertes importantes, dont l’étendue reste toutefois secrète. Volodymyr Zelensky a néanmoins rejeté vendredi le chiffre de 80 000 soldats ukrainiens morts depuis le début de la guerre, publié par le quotidien américain Wall Street Journal. «Le vrai chiffre est bien plus bas que celui publié», a-t-il assuré.
Le président ukrainien a également critiqué une initiative de paix, proposée dans un communiqué commun par la Chine et le Brésil au printemps. «Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un plan concret, car je ne vois pas d’actions ou d’étapes spécifiques» mais plutôt des généralités, a-t-il dit. «Une généralisation cache toujours quelque chose», a-t-il soutenu. La Chine et le Brésil ont affirmé soutenir «une conférence internationale de paix» avec une «discussion équitable de tous les plans de paix».
Le partenariat stratégique entre Moscou et Pékin s’est encore renforcé depuis l’intervention russe en février 2022. Volodymyr Zelensky a affirmé vendredi qu’il est opposé à la possibilité de mettre le conflit en pause, et qu’il faut une paix «stable». Sans cela, d’ici quelques années, «la guerre reviendra vers nous depuis la Russie, et avec encore plus de force», a-t-il assuré.
Un prêt de 35 milliards d’euros
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé, hier lors d’une visite à Kiev, que l’Union européenne (UE) prévoyait de prêter 35 milliards d’euros à l’Ukraine, qui s’apprête à affronter un hiver redouté, son système énergétique ayant été fortement endommagé par les frappes russes. «Je suis heureuse d’annoncer que la Commission a adopté les propositions qui vont permettre à l’Union européenne de prêter 35 milliards d’euros» à l’Ukraine, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse avec le président ukrainien, V. Zelensky. Ce prêt sera financé par les bénéfices dégagés par les avoirs russes gelés en Europe. Quelque 200 milliards d’euros d’avoirs russes ont été gelés dans l’UE après l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, dont environ 90% se trouvent en Belgique, siège de l’organisme international de dépôts de fonds Euroclear.
Les Vingt-Sept ont trouvé un accord en mai pour les utiliser.
Ursula von der Leyen a affirmé plus tôt s'être rendue à Kiev pour évoquer le «soutien» qu’apportera l’Europe à l’Ukraine à l’approche d’un hiver qui s’annonce difficile du fait de pénuries énergétiques provoquées par les bombardements russes d’infrastructures.
Par ailleurs, la Norvège compte accroître de 425 millions d’euros son aide civile consacrée à l’Ukraine cette année et prolonger jusqu’à 2030 son programme de soutien pluriannuel, le portant à 11,5 milliards d’euros, a annoncé le même jour le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Store.
S’ajoutant aux 22 milliards de couronnes déjà prévus en 2024 au titre de l’aide civile et militaire à l’Ukraine, ces 5 milliards (425 millions d’euros) supplémentaires seront destinés «aux besoins importants dans le civil», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.
Après une rencontre avec les dirigeants des différents groupes parlementaires, il a aussi annoncé l’extension du programme d’aide pluriannuelle civile et militaire au profit de l’Ukraine, qui prévoyait jusqu’à présent 75 milliards de couronnes sur la période 2023-2027.
Ce programme va désormais être prolongé jusqu’en 2030 et l’enveloppe totale portée à 135 milliards de couronnes (11,5 milliards d’euros), a indiqué le Premier ministre. «Nous vivons dans une situation géopolitique plus périlleuse en Europe», a-t-il constaté. Pour faire adopter sa proposition, le gouvernement de centre gauche, minoritaire au Parlement, aura besoin de l’appui de l’opposition, dont une grande partie réclamait l’augmentation de l’aide norvégienne.