Proches décédés, villes en ruines, nouvelle vie sous des tentes : un mois plus tard, des millions de Turcs subissent les conséquences du désastre.
Quels bilans humain et matériel ?
La secousse de magnitude 7,8, suivie d’une autre neuf heures plus tard de magnitude 7,6, a causé la mort de près de 46 000 personnes et fait 105 000 blessés en Turquie, selon des bilans non définitifs. Elle a également détruit ou condamné 214 000 bâtiments, hauts parfois de plus de 10 étages, dans 11 des 81 provinces turques. Près de 6000 personnes ont aussi perdu la vie en Syrie, selon les autorités.
Des villes turques, dans les provinces de Kahramanmaras – près de l’épicentre – et de Hatay, à la frontière syrienne, ont été dévastées, obligeant les autorités à enterrer à la hâte des milliers de personnes dans des cimetières improvisés, creusés dans des champs et en forêt. Les autorités turques estiment que 14 millions de personnes ont été affectées par le séisme, soit un sixième de la population. Parmi elles, 3,3 millions ont dû quitter les zones sinistrées, selon le président Recep Tayyip Erdogan. Près de deux millions de personnes vivent actuellement sous des tentes ou dans des conteneurs. Plus de 13 000 répliques ont été enregistrées en un mois, entretenant la panique dans le pays, situé sur l’une des zones sismiques les plus actives au monde.
Quelle(s) responsabilité(s) ?
Dans les zones affectées, la colère reste vive contre l’Etat, qui a mis jusqu’à 50 heures pour déployer des secours, alors que des dizaines de milliers de personnes en vie étaient prisonnières des décombres. Le président Erdogan a reconnu des retards, imputés à «l’effet dévastateur des secousses et du mauvais temps», et demandé pardon aux rescapés. Des enquêtes d’opinion montrent toutefois que ce sont les promoteurs et entrepreneurs dont les immeubles se sont effondrés comme des châteaux de carte qui sont considérés comme les premiers responsables du très lourd bilan. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre 997 personnes impliquées dans la construction de ces immeubles. 247 ont été arrêtées, dont plusieurs alors qu’elles tentaient de fuir le pays. Mais aucun responsable n’a démissionné ni n’a été démis de ses fonctions. Seul le maire AKP (le parti présidentiel) d’une petite ville a été placé en détention.
L’économie turque, qui traversait déjà une période de turbulences liée à l’effondrement de sa monnaie, doit désormais encaisser les conséquences du séisme. La secousse dévastatrice et ses répliques ont provoqué des dégâts d’une valeur dépassant les 34 milliards de dollars (32 milliards d’euros), soit 4% du PIB turc, a estimé fin février la Banque mondiale. Cette estimation ne prend pas en compte les coûts de reconstruction, «potentiellement deux fois plus élevés», selon elle, ni les conséquences sur la croissance turque à venir. M. Erdogan a promis de bâtir «d’ici un an» plus de 450 000 logements aux normes antisismiques et annoncé le versement de 100 000 livres turques (5000 euros environ) aux proches de personnes décédées. Près d’un million de personnes affectées par le séisme ont déjà perçu une aide de 10 000 livres, soit un demi-milliard d’euros au total, a annoncé mercredi dernier le chef de l’Etat. Des aides spécifiques à la réinstallation, d’un montant de 15 000 livres turques (750 euros), sont également promises. «Les travaux de reconstruction pourraient largement compenser l’impact négatif (du séisme) sur l’activité économique», a estimé la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd).
Quelles conséquences politiques ?
M. Erdogan a mis fin mercredi aux spéculations en confirmant la tenue des élections présidentielle et législatives à la date prévue du 14 mai. Au pouvoir depuis 20 ans et candidat à sa succession, il fait de la reconstruction des zones dévastées sa ligne directrice. Le scrutin du 14 mai s’annonce cependant pour lui comme le plus périlleux depuis 2003. L’opposition, qui a tenté de s’unir au sein d’une Alliance nationale de six partis, devait investir son candidat commun hier. Mais le choix de Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, la principale formation de l’opposition, a fissuré vendredi la coalition.