Ces sauvetages semblent inespérés, bien au-delà de la période cruciale des 72 heures après la catastrophe, comme cette femme et ce jeune garçon, sortis vivants des décombres après sept jours depuis le séisme dévastateur de lundi dernier. Mustafa, sept ans, a été secouru dans la province de Hatay, dans le sud-est de la Turquie, tandis que Nafize Yilmaz, 62 ans a été libérée à Nurdagi, également dans la province de Hatay, a rapporté l’agence de presse nationale Anadolu tôt hier. Tous deux étaient restés bloqués pendant 163 heures avant d’être secourus dimanche. Un membre d’une équipe de secouristes britanniques a publié une vidéo sur Twitter dimanche montrant un sauveteur emprunter un tunnel créé dans les ruines de cette même ville et en ressortir un homme turc, bloqué pendant cinq jours. Et dans la ville méridionale de Kahramanmaras, proche de l’épicentre du séisme, des excavateurs creusaient et fouillaient les ruines, pendant que des sinistrés, blottis autour d’un feu, attendaient des nouvelles de leurs proches. Le puissant séisme a aussi réduit en poussière d’importants lieux de culte. A Antioche, Havva Pamukcu, fidèle musulmane de la mosquée Habib-I Nejjar, n’en revient pas. «Cet endroit signifie beaucoup pour nous», souffle-t-elle. «Il était très précieux pour nous tous, Turcs et musulmans. Les gens avaient l’habitude de venir ici avant d’aller en pèlerinage à La Mecque.» L’église orthodoxe de la ville a connu le même destin, constate Sertac Paul Bozkurt, membre du conseil. «Malheureusement, notre église a été détruite après le séisme. Tous ses murs se sont écroulés et elle n’est pas en état d’abriter des prières», déplore-t-il. «Nous avons subi de grosses pertes. Nous avons perdu environ 30-35 personnes de notre communauté religieuse», dit-il.
«Ils se sentent abandonnés»
La situation est particulièrement complexe en Syrie, où Bab Al Hawa, dans le nord-ouest, reste le seul point de passage opérationnel depuis la Turquie vers les zones rebelles, ravagées elles aussi par le séisme. Des camions, avec à leur bord de quoi confectionner des abris d’urgence à l’aide de bâches en plastique, de couvertures, de matelas, des cordes ou encore des vis et des clous, ont franchi la frontière. Une aide insuffisante, a admis l’ONU. «Jusqu’à présent nous avons fait défaut aux gens du nord-ouest de la Syrie», a reconnu le chef de l’agence humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, sur Twitter. «Ils se sentent à juste titre abandonnés» et il faut «corriger cet échec au plus vite». Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a rencontré le président syrien Bachar Al Assad dimanche à Damas, assurant que ce dernier s’était montré prêt à envisager l’ouverture de nouveaux points de passage pour acheminer l’aide aux zones rebelles. Il a indiqué «être ouvert à l’idée d’envisager des points d’accès transfrontaliers pour cette urgence», a affirmé M. Tedros à des journalistes. «Les crises cumulées du conflit, du Covid, du choléra, du déclin économique et maintenant du tremblement de terre ont fait des ravages insupportables», a déclaré M. Tedros, qui s’était rendu la veille à Alep, lors d’une téléconférence de presse. Bachar Al Assad a également remercié dimanche les Emirats arabes unis pour leur «énorme aide humanitaire», alors qu’il recevait à Damas le chef de la diplomatie émiratie, Abdallah ben Zayed Al Nahyane. Selon un responsable du ministère syrien des Transports, Suleiman Khalil, 62 avions chargés d’aide ont jusqu’à présent atterri dans le pays et d’autres sont attendus dans les heures et jours à venir, en provenance notamment d’Arabie Saoudite. Le puissant mouvement libanais Hezbollah, allié du gouvernement syrien, a de son côté envoyé dimanche un convoi dans l’ouest de la Syrie, avec des vivres et des fournitures médicales.
Bilan mouvant
D’après les derniers bilans officiels, le tremblement de terre du 6 février, de magnitude 7,8, a fait au moins 33 186 morts : 29 605 en Turquie et 3581 en Syrie. «Il est difficile de donner un bilan précis, car nous devons passer sous les décombres, mais je suis sûr qu’il doublera, ou plus», a déclaré Martin Griffiths, en visite samedi dans la ville turque de Kahramanmaras. Sur le front diplomatico-humanitaire, la Turquie et la Grèce ont mis une sourdine à leur longue rivalité historique, avivée par des contentieux territoriaux, économiques et migratoires, au profit de la solidarité. Athènes avait été l’un des tout premiers pays à annoncer de l’aide à son voisin, et cette visite est la première d’un ministre européen en Turquie depuis le début de la catastrophe.
Turquie : 34 717 secouristes toujours à pied d’œuvre dans les zones sinistrées
Le vice-président turc, Fuat Oktay, a annoncé dimanche que 34 717 membres des services de recherche et de secours sont encore à pied d’œuvre dans les zones affectées par le tremblement de terre dans le sud du pays. Lors d’une conférence de presse, tenue au centre de coordination de la Direction de la gestion des catastrophes et des situations d’urgence (AFAD) pour évoquer les derniers développements dans la zone sinistrée. Oktay a déclaré que les équipes de recherche et de secours continuent de travailler à plein régime dans les dix provinces sinistrées, appelant la population à se tenir à l’écart des bâtiments présentant des dégâts importants. Le vice-président turc a indiqué que 24 navires, 70 avions, 112 hélicoptères et drones ont participé aux travaux en cours, en plus de 12 322 engins sur le terrain. Il a également annoncé le lancement des travaux d’installation d’un centre comprenant environ 5000 conteneurs d’habitation, ainsi que la construction de campements dans les zones sinistrées. A l’aube du 6 février, un séisme de magnitude 7,7 a frappé le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, suivi quelques heures plus tard d’un second de magnitude 7,6 et de centaines de violentes répliques, qui ont entraîné de lourdes pertes en vies humaines et des dégâts matériels considérables dans les deux pays. Le lendemain, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré l’état d’urgence pour une période de 3 mois dans les dix provinces sinistrées, à savoir Adana, Adyaman, Diyarbakir, Gaziantep, Hatay, Kahramanmaras, Kilis, Malatya, Osmaniye et Sanliurfa.
Le Qatar enverra 10 000 cabines mobiles du Mondial en Syrie et en Turquie
Le Qatar va envoyer en Turquie et en Syrie 10 000 cabines mobiles utilisées lors du Mondial de football pour loger des personnes ayant perdu leurs foyers dans le séisme qui a frappé les deux pays lundi dernier, ont indiqué des responsables qataris dimanche. «Compte tenu des besoins urgents en Turquie et en Syrie, nous avons pris la décision d’expédier nos bungalows de chantier et nos caravanes dans la région, apportant ainsi un soutien immédiat et indispensable aux populations de Turquie et de Syrie», ont déclaré ses responsables sous le couvert de l’anonymat. Un premier chargement partira lundi à destination de la Turquie. D’autres livraisons sont attendues dans les jours à venir, selon les mêmes sources. Les cabines ont été utilisées pendant quelques semaines en novembre et décembre pour héberger notamment les supporters lors de la Coupe du monde organisée au Qatar. Des responsables avaient déjà indiqué que ces abris allaient être offerts. Le bilan du séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie est monté dimanche à plus de 33 000 morts. L’annonce de l’aide qatarie coïncide avec la visite dimanche à Istanbul de l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, la première d’un dirigeant étranger en Turquie, où le séisme a fait plus de 29 000 morts.
L’OMS annonce un appel de fonds de 43 millions de dollars
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé dimanche, un premier appel de 43 millions de dollars pour soutenir la réponse au tremblement de terre en Syrie et en Turquie. Le montant devrait augmenter à mesure que l’ampleur de la catastrophe devient plus claire, a précisé le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, en annonçant la nouvelle lors d’une conférence de presse depuis la capitale syrienne, Damas. Selon les derniers chiffres, le nombre de morts suite aux séismes qui ont frappé la Turquie et la Syrie lundi dernier s’élève désormais à 33 000 et des millions de personnes se retrouvent sans abri. L’agence sanitaire onusienne intensifie également ses opérations dans tout le pays, y compris dans le nord-ouest. L’impact est le pire dans cette région où 4,1 millions de personnes dépendaient déjà de l’aide humanitaire avant le séisme. Plus de 4300 morts et 7600 blessés y ont depuis été signalés, selon le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Le chef de l’OMS a souligné la nécessité de faire passer la réponse «au niveau supérieur» pour atteindre tous les habitants qui ont besoin d’aide.