Dans le froid hivernal, les sauveteurs ont continué à extirper des personnes vivantes, dont des enfants, des décombres cinq jours après la catastrophe. Mais l’armée autrichienne a annoncé la suspension de ses opérations de sauvetage dans les zones turques affectées, invoquant «la situation sécuritaire» sur place. «Il y a eu des agressions entre des groupes», a déclaré à l’AFP un porte-parole à Vienne, sans donner plus de détails sur ces incidents. Les 82 militaires autrichiens se sont mis à l’abri dans un camp de base de la province d’Hatay «avec d’autres organisations internationales, dans l’attente d’instructions», a-t-il ajouté.
Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, est quant à lui arrivé dans la ville syrienne d’Alep, durement frappée par le séisme, pour visiter plusieurs hôpitaux et centres d’hébergement avec des autorités syriennes, a indiqué l’agence officielle Sana. D’après les derniers bilans officiels, le tremblement de terre d’une magnitude de 7,8 a fait au moins 24 490 morts : 20 937 en Turquie et 3553 en Syrie. L’OMS estime que 23 millions de personnes dans les deux pays sont «potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables» et redoute une crise sanitaire majeure qui causerait plus de dommages que le séisme. Les organisations humanitaires s’inquiètent particulièrement de la propagation du choléra, qui est réapparu en Syrie. Le gouvernement syrien a autorisé vendredi «l’acheminement des aides humanitaires à l’ensemble» du pays – y compris les zones tenues par les rebelles – où 5,3 millions de personnes risquent de se retrouver sans abri, selon l’ONU. En Turquie, une fillette de deux ans, Asya, a pu être sauvée dans la province de Hatay (sud), selon des médias turcs, mais sa famille n’a pas encore été retrouvée.
«Le monde est-il là?»
Des sauveteurs ont également retiré vivante des décombres une femme de 70 ans, Mnekse Tabak, dans la province turque de Kahramanmaras, au milieu «des applaudissements» et des cris «Allah est grand», selon une vidéo diffusée par la chaîne publique TRT Haber. «Le monde est-il là ?» a-t-elle demandé en revenant au jour. L’agence de presse Anadolu a elle mentionné le sauvetage d’une mère de 35 ans, Ozlem Yilmaz, et de sa fille de six ans, Hatice, dans un immeuble effondré de la province d’Adiyaman. Un médecin américain leur a apporté les premiers soins avant leur transfert vers un hôpital. Une ONG allemande a annoncé le décès des suites de ses blessures d’une femme de 40 ans retrouvée en vie à Kirikhan (sud de la Turquie) après plus de 100 heures sous les décombres. Dans le sud du pays, il a fallu avoir recours à des morgues improvisées sur les parkings, dans les stades ou les gymnases, où des familles angoissées cherchent leurs morts. «Que Dieu fasse que je la trouve», soupire Tuba Yolcu, sans nouvelles de sa tante, dans un complexe sportif de Kahramanmaras où sont déposés les corps. Selon l’agence turque chargée des catastrophes naturelles, près de 32 000 personnes sont mobilisées pour les opérations de recherche et de secours, ainsi que plus de 8000 secouristes étrangers. Plus de 25 000 militaires turcs se trouvent également dans les régions sinistrées, selon le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar.
Si l’aide humanitaire de l’étranger afflue en Turquie, l’accès à la Syrie en guerre, dont le régime est sous le coup de sanctions internationales, s’avère plus compliqué. «Le Conseil des ministres a accepté l’acheminement des aides humanitaires à l’ensemble» du territoire syrien, «dont les zones hors du contrôle de l’Etat», a annoncé le gouvernement syrien. Damas a précisé que la distribution de l’aide devrait être «supervisée par le Comité international de la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge syrien», avec l’appui de l’ONU. Jusque-là, la quasi-totalité de l’aide fournie aux zones rebelles transitait au compte-gouttes, à partir de la Turquie par le point de passage de Bab Al Hawa, le seul actuellement garanti par les Nations unies. Sur la côté syrienne, Jableh, bastion du régime dans la province de Lattaquié (nord-ouest), a été relativement épargné par les hostilités, mais la violence du séisme a rendu la ville méconnaissable. «C’est la première catastrophe du genre à Jableh. J’ai 52 ans et je n’ai jamais rien vécu de tel», raconte Abdelhadi Al Ajji, un père de quatre enfants dont la maison fissurée surplombe un immeuble effondré.