L’Italie, Invité d’honneur du Salon international du livre d’Alger, se déroulant du 24 mars au 1er avril 2022, présente un programme divers et riche. Ainsi, une rencontre-débat a été animée, dimanche matin, au sein de l’espace «Made in Italy».
Le thème portait sur le soutien, la solidarité du peuple italien pour la cause algérienne, le combat anticolonial français et le recouvrement de son indépendance. Les historiens Bruna Bagnato, ayant publié L’Italia e la guerra d’Algeria aux éditions Rubbettino et L’Italie et la guerre d’Algérie aux éditions Dahlab, Andrea Brazzoduro, auteur de Soldati senza causa, memorie della guerra d’Algeria aux éditions Laterza (Soldats sans cause, mémoire de la guerre d’Algérie), Caterina Roggero ayant signé Storia dell’Algeria indipendente aux éditions Bompiani (Histoire de l’Algérie Indépendante) et Massimiliano Tarantino, directeur Fondazione Feltrinelli témoignant à propos de la contribution de la Fondation Feltrinelli dans le soutien de la cause de l’Indépendance algérienne ont été complémentaires dans leurs différentes interventions sous l’œil averti du modérateur Abdallah Cheghnane des éditions Dahlab.
Interviews de Ferhat Abbas en italien
L’historienne Bruna Bagnato rapportera à l’assistance, toujours aussi nombreuse, cette solidarité historique, ce soutien des Italiens pour l’Algérie, son peuple et surtout sa révolution anticoloniale française : «Je remercie Abdallah Cheghnane pour être mon éditeur algérien… L’Italie entre 1850 et 1962, changeait. Cela va conditionner le jeu politique. Changer la politique étrangère. Pourquoi cette attitude de l’Italie face à l’Algérie. L’Italie avait opté pour un choix anticolonial. Ne pas mettre en péril les relations avec la France.
Et en même temps soutenir l’indépendance des peuples et être contre le colonialisme. La politique italienne n’est pas facile. Une politique officielle et officieuse. La politique de sympathie se manifestait à travers la presse, la télévision, Il y avait plusieurs interviews de Ferhat Abbas - leader nationaliste et homme d’Etat algérien - en italien.
Des manifestations avaient été organisées alors devant l’ambassade de France en soutien à la cause algérienne. En 1960, il y eut des initiatives en faveur du peuple algérien. Le Parlement italien avait tenu une séance très dramatique lors des manifestations gigantesques le 11 décembre 1960, pour le recouvrement de l’indépendance de l’Algérie.
Taieb Boulahrouf - grande figure de la révolution algérienne et militant de la première heure - animera un colloque où Ahmed Boumendjel, était présent à Florence, pour parler de la révolution algérienne. Une preuve que l’Italie soutenait l’indépendance de l’Algérie…». Docteur en histoire des relations internationales, Bruna Bagnato a étudié longtemps en France (Grenoble, Reims, Paris) grâce à des bourses d’études du gouvernement français et du CNR.
Depuis 1998, elle est professeure d’histoire des relations internationales à la Faculté de sciences politiques de Florence, où elle tient aussi les cours d’histoire sur la politique étrangère italienne et d’histoire de la colonisation et de la décolonisation. Elle est coordinatrice du Master pour la préparation à la carrière diplomatique et coordinatrice du doctorat de recherche en histoire des relations internationales.
Elle a publié plusieurs ouvrages sur la politique étrangère de l’Italie dans les années cinquante et soixante, concernant en particulier la politique méditerranéenne, les relations avec la France et la politique envers l’Union soviétique dans les années de Khrouchtchev. Caterina Roggero est professeure à l’Université de Milan, titulaire d’un doctorat en histoire internationale, ses recherches portent sur l’histoire contemporaine de l’Afrique du Nord et les relations euro-méditerranéennes. Elle est l’auteure de L’Algérie au Maghreb. La guerre de libération et l’unité régionale (Mimesis-France, Paris 2013). Caterina Roggero, ayant édité Storia dell’Algeria indipendente (Histoire de l’Algérie Indépendante) aux éditions Bompiani, détaillera la genèse de son essai : «Ma recherche portait sur la lutte unitaire révolutionnaire au Maghreb.
On évoquait la possibilité de l’extension du conflit anticolonialiste au Maghreb… Je parle aussi de ce médecin italien Silvio Pampellionni, coopérant à El Baydah, après l’indépendance, ayant mené une enquête sur les effets, les séquelles et les dommages collatéraux de la torture commis par l’armée française sur les détenus politiques et révolutionnaires algériens…» Massimiliano Tarantino, directeur de la Fondation «Fondazione Feltrinelli», à propos de la contribution de la Fondation Feltrinelli à travers un soutien indéfectible pour l’Indépendance algérienne, dira : «Giangiacomo Feltrinelli, était une grande figure, un intellectuel, un éditeur et un libraire. Il utilisait les livres pour éclairer les Italiens sur la cause algérienne. Il voulait faire basculer l’opinion italienne pour la révolution algérienne. Il avait une vision. Il utilisait le livre comme instrument politique. Il ira même a éditer un ouvrage en France bien qu’il soit interdit. Il savait que cela était risqué. Il a réussi à regrouper tous les intellectuels de Milan pour la cause algérienne. Il publiait des tribunes dans la presse avec ses propres fonds. Il soutenait le peuple algérien. Il utilisait les librairies à des fins politiques où il recevait les dons, des médicaments à destination des révolutionnaires algériens…» Le SILA, est une occasion pour stimuler les gens vers la lecture, vers un futur meilleur.
La révolution, leur rappelait leur « Guerra »
Andrea Brazzoduro abondera dans le même sens : «La gauche italienne était contre la guerre d’Algérie. La politique était prudente en Italie. Après, elle changera. Un nouveau cours officiel et officieux. L’Italie est attachée à l’OTAN et l’Europe. Et puis, cette sympathie grandissante pour la guerre d’Algérie. Leur rappelant leur «guerra».
Alors on commence à écrire. Par exemple, le livre La Question d’Henry Alleg, interdit en France, paraît en Italie, la même année, en 1958. On s’aperçoit que les courants de gauche et marxiste ont vulgarisé la cause algérienne. Comme Giovanni Pirelli entrant dans le réseau Jeanson soutenant le FLN pendant la guerre d’Algérie et prendra fait et causes pour l’Algérie… Il écrira un livre, un pavé, sur la guerre d’Algérie. Un prix sera décerné à Henry Alleg, auteur de La Question, Sartre, Frantz Fanon... Des échanges épistolaires sur la cause algérienne existent toujours.
Des écrits plein de fraternité et d’humanité. La Bataille d’Alger, le film de Gillo Pentecorvo a marqué la conscience du peuple italien…