Rrévisionnisme historique : A Toul, le tortionnaire Bigeard aura-t-il sa statue ?

01/04/2024 mis à jour: 00:35
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Un collectif «Histoire et mémoire dans le respect des droits humains» a été mis sur pied en France, à Toul (Meurthe et Moselle), pour protester contre l’érection, le 18 juin 2024, d’une statue du général Marcel Bigeard. Le 26 mars dernier, une centaine de Toulois, communistes, insoumis, militants de la Ligue des droits de l’homme ou d’associations antiracistes, ont assisté à une conférence et manifesté pour la énième fois contre cette décision. 

Le quotidien communiste L’Humanité, parti enquêter sur les lieux, rapporte dans un article publié le 30 mars que «l’initiateur du collectif, Philippe Champouillon, 88 ans, lui-même vétéran d’Algérie, s’est longtemps battu seul contre la mairie : «Cette statue glorifierait un passé qui salit la France, et ternirait le patrimoine culturel de Toul. La mettre à côté d’un monument aux morts, c’est une honte !» Par ailleurs, pour la Ligue des droits de l’homme, «le général Bigeard symbolise les guerres coloniales», la LDH «dénonce les pires méthodes d’interrogatoires des prisonniers vietnamiens et algériens. 

S’il reconnaît les mérites du Bigeard courageux et résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, il ne peut en aucun cas servir de modèle pour la jeunesse, à cause des actes de torture commis durant la Guerre d’Algérie». La statue en bronze, de plus de deux mètres de haut, est déjà prête. Il s’agit, en 2018, d’un don de la Fondation Général-Bigeard. La délibération soumise au vote du conseil municipal de Toul fut acceptée par deux fois, en 2018 puis en 2023. La particularité dans l’histoire, c’est que la municipalité n’est pas classée à droite ni à l’extrême-droite, mais à gauche… 

Par ailleurs, au journaliste de L’Humanité, le maire, ex-socialiste, tempère : «C’est quelqu’un d’important pour Toul, il y est né, il y est mort (…) ce n’est pas à la collectivité de juger. Nous recevons autant de courriers de gens pour la statue que de gens contre.» La statue doit être inaugurée le 18 juin, pour l’anniversaire de la mort du général Bigeard, date qui est aussi celle de l’appel de Charles de Gaulle à continuer le combat en 1940 contre… les envahisseurs allemands. Curieux paradoxe de l’histoire !
 

UN «FICHIER DES ARRESTATIONS»  OPÉRÉES à ALGER EN FEVRIER-MARS ET AVRIL 1957

 

L’association Histoire coloniale et postcoloniale, animée notamment par Fabrice Riceputi et Alain Ruccio, est montée au créneau dès le 10 mars dernier sur son blog. S’il n’évoque pas les tortures en Indochine, le texte synthétise l’action meurtrière de Bigeard durant la «Bataille d’Alger». «Il existe dans les archives françaises un «fichier des arrestations»  opérées à Alger en février-mars et avril 1957. Les régiments de la 10e division parachutiste, commandés par le général Massu, y indiquèrent les noms, dates d’arrestation et situation du détenu au moment de la constitution du fichier. Celui qui déclara le plus grand nombre de détenus «abattus lors d’une tentative de fuite» ou encore de «suicides», voire simplement de «DCD», est celui que commandait Marcel Bigeard. Tous ceux qui ont étudié cette guerre savent ce que dissimulaient ces mentions : des morts sous la torture ou des exécutions sommaires, dont des milliers d’Algériennes et d’Algériens furent victimes en 1957, et bien plus encore par la suite».

 De plus, souligne Histoire coloniale et postcoloniale, Marcel Bigeard  est «l’auteur d’un Manuel de contre-guérilla paru en 1957 à Alger qui justifie et prône l’emploi de la torture. L’usage de celle-ci fut bel et bien enseigné à certains officiers au camp Jeanne-d’Arc de Philippeville (Skikda), dans un centre de formation à la guerre «anti-subversive» surnommé «école Bigeardville» car il le dirigeait».  Alain Ruccio, dans un entretien à France 3 Est (23/03/2024), évoque «l’usage de la torture, les «crevettes Bigeard» (jetés en mer depuis un hélicoptère, les pieds coulés dans le ciment),  tous ces faits sont avérés et référencés dans beaucoup d’études historiques.» Quant au rédacteur de L’Humanité, il souligne que déjà à Toul, «le militaire a une avenue à son nom (…) inaugurée de son vivant, en 1979, en présence de Valéry Giscard d’Estaing qui l’avait nommé au gouvernement». 


«UN GUEULETON NOSTALGIQUE, Où ON MANGE DU COUSCOUS ‘‘COMME LA-BàS’’»

De même, écrit le journal, dans le village de Lucey, chaque 1er mai, «des petits groupes de retraités, anciens d’Algérie, crapahutent dans la campagne lors du traditionnel «rallye Bigeard». Une promenade au vert, prétexte à un gueuleton nostalgique, où on mange du couscous «comme là-bas». Il fut un temps où le général Bigeard y participait lui-même. En 2022, sa fille en était l’invitée d’honneur». Déjà Le gouvernement français, par la voix de son ministre de la Défense, Gérard Longuet, avait tenté de lancer discrètement l’opération Transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides. 

Avant que le ministre de la Défense, Gérard Longuet, dont la trajectoire à l’extrême-droite est connue, décide de surseoir au projet. Ce nouvel épisode de négationnisme de l’horreur de la répression en Algérie intervient alors que le 4 mars dernier, plusieurs ONG et associations, notamment d’anciens combattants, ont demandé «la reconnaissance par l’Etat français de sa‘‘responsabilité’’ dans le recours à la torture durant la Guerre d’Algérie (1954-1962)».

 

France
de notre correspondant  Walid Mebarek

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