La Journée mondiale du chardonneret élégant, alias «el maknine», célébrée le 1er mars de chaque année, a été tenue cette année au jardin d’Essai du Hamma à Alger. A cette occasion, Riadh Moulaï, président du Conseil scientifique du Jardin d’essais du Hamma, revient sur l’importance de protéger cette espèce menacée d’extinction.
Propos recueillis par Sofia Ouahib
-Quel était l’objectif de la journée ?
Le Jardin d’essais du Hamma à Alger, sous l’impulsion de la wilaya d’Alger, a initié, pour la première fois à l’échelle nationale et de façon solennelle et officielle, la commémoration de la Journée mondiale du chardonneret élégant, plus communément appelé «el maknine». Cette journée, organisée à la salle de conférences de l’école d’horticulture du Jardin d’essais a rassemblé un panel de spécialistes de l’ornithologie et du chardonneret en particulier, venant de différentes universités, à l’exemple de l’université de Guelma, Béjaïa ou encore de l’Ecole nationale supérieure vétérinaire, mais aussi l’Ecole nationale de formation des cadres de la jeunesse à Tixeraïne. Il y avait aussi des représentants de la Fédération nationale des ornithologistes algériens, de la Gendarmerie nationale et des Douanes algériennes. Ainsi, cette journée avait pour but principal de sensibiliser le grand public et les autorités compétentes sur la nécessité de protéger et de conserver les chardonnerets dans ses habitats naturels en Algérie, étant donné que cet oiseau est en voie de disparition.
-Pourquoi est-il si important de protéger le chardonneret ?
Il faut savoir que le chardonneret élégant, dont sa race «parva», présente en Afrique du Nord et au sud de l’Espagne, est victime de son succès auprès du grand public des oiseleurs et des amoureux de la gente ailée en Algérie. C’est un oiseau très apprécié pour ses couleurs chatoyantes et son chant au répertoire varié et mélodieux. Mais il s’agit surtout d’un oiseau qui s’adapte très bien aux conditions de captivité, y compris dans de petites cages bien aménagées vu son régime alimentaire granivore. On peut donc dire que le maknine est bien ancré dans la culture algérienne et c’est sans conteste le roi des oiseaux de cage chez nous.
La disparition du chardonneret à l’état sauvage en Algérie serait non seulement une perte pour la biodiversité nationale, mais aussi une perte d’une espèce à haute valeur patrimoniale et culturelle. Malheureusement, le chardonneret élégant a un statut de conservation très défavorable en Algérie en raison des captures intempestives et du braconnage. Je rappelle tout de même que le chardonneret élégant est protégé par la réglementation algérienne. Il figure dans le décret n°12-235 correspondant au 24 mai 2012, fixant la liste des animaux non domestiques protégés.
-Avons-nous des chiffres concernant cet oiseau ?
Selon les dernières données provenant de l’Union internationale de la conservation de la nature (IUCN, Redlist), les populations de maknine continuent de baisser de façon inquiétante en Afrique du Nord, où l’espèce a disparu de 50% de son territoire, sous la pression des captures. La situation est encore plus inquiétante en Algérie, où on arrive à voir très rarement des chardonnerets à l’état sauvage. Selon des données provenant de chercheurs de l’université de Guelma, la population de chardonneret en cage en Algérie est estimée à plus de 6 millions d’individus, alors que la population sauvage est très rare, surtout à l’est et au centre du pays.
Qu’a-t-il été convenu durant cette journée ?
Au terme de la journée, de nombreuses recommandations ont été listées. La première est qu’à défaut d’une liste rouge des espèces animales menacées, selon les recommandations de l’IUCN, et vu l’état des populations sauvages du makinine en Algérie, il est recommandé de mettre à jour l’ordonnance n°06-05 correspondant au 15 juillet 2006 relative à la protection et à la préservation de certaines espèces animales menacées de disparition et d’intégrer ainsi le chardonneret élégant à cette liste. Cette ordonnance, beaucoup plus répressive, prévoit des sanctions sévères avec éventuellement des peines d’emprisonnement et des amendes conséquentes. Pour diminuer la pression sur les populations sauvages, il est recommandé d’améliorer les conditions et les techniques d’élevages du chardonneret en captivité afin d’augmenter la productivité et le succès d’élevage de ces oiseaux.
Ces élevages sont à encourager et pourquoi pas à financer dans le cadre des associations d’oiseleurs, mais aussi dans le cadre de la sensibilité environnementale au niveau des maisons de jeunes à l’échelle nationale. A long terme, si la productivité est assez conséquente, on pourrait prévoir des opérations des lâchers en plein nature dans certaines aires protégées par exemple et cela à des fins de repeuplement.
Et enfin, il a été recommandé de mieux former les différents opérateurs aux postes de frontières et sur le territoire national, notamment les douaniers, les policiers et les gendarmes afin d’améliorer leurs compétences en termes de lutte contre le braconnage et le commerce illicite des animaux protégés.