Réunion du Conseil de sécurité après les raids contre une école : Débat houleux révélateur du drame humanitaire à Ghaza

15/08/2024 mis à jour: 01:54
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Menées à l’aube de cette journée du 10 août 2024, les frappes israéliennes contre l’école Tabeen, à Ghaza, qui abrite des centaines de Palestiniens déplacés, ont choqué par leur intensité, le moment choisi pour leur exécution et les dégâts occasionnés. 

Convoquée à la demande de l’Algérie, avec le soutien de la Slovénie, une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU a été consacrée, mardi dernier, à la situation à Ghaza, et particulièrement à cet acte criminel qui a fait des dizaines de morts réduits en lambeaux de chair, majoritairement des femmes et des enfants. 

Pour la secrétaire générale adjointe onusienne aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, ces frappes sont «dévastatrices» et selon des «sources locales palestiniennes», a-t-elle souligné, elles ont fait «plusieurs dizaines de tués et de nombreux autres blessés, dont des femmes et des enfants».

 Après avoir évoqué la condamnation de cet acte, par le secrétaire général de l’ONU,  António Guterres, elle a précisé que «si Israël a indiqué que ses forces de défense ont ciblé un centre de commandement du Hamas dans une mosquée située à l’intérieur de l’école, je lui rappelle  que le droit international humanitaire, y compris les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, devait être respecté à tout moment et en tous lieux». 

La responsable onusienne a indiqué que «les hostilités s’éternisaient tout le long de la bande de Ghaza» et que «la situation demeurait catastrophique pour les populations, y compris dans le nord, autour de la ville de Ghaza ; au centre, à Khan Younès ; ainsi que dans et autour de Rafah, dans le sud de l’enclave, dans toute la bande de Ghaza où nul n’est en sécurité nulle part, et à l’intérieur de laquelle les civils continuent pourtant d’être forcés à l’évacuation vers des zones toujours plus restreintes». 

Pour sa part, DiCarlo a mis engarde contre «la menace d’une nouvelle escalade régionale, plus palpable et effrayante que jamais», en évoquant «des échanges de tirs quasi quotidiens de part et d’autre de la Ligne bleue au Sud-Liban ainsi que des frappes de drones». Elle n’a pas manqué de mettre en garde aussi sur la «détérioration de la situation et la violence continue en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est».  

Pour stopper «l’escalade et prévenir une éventuelle catastrophe régionale», elle a exhorté «les parties à s’abstenir de toute rhétorique et action incendiaire», avant de saluer «les efforts déployés par l’Égypte, le Qatar et les États-Unis pour amener les deux parties à conclure un accord visant à instaurer un cessez-le-feu, la libération des otages et l’aide humanitaire dont les Ghazaouis ont désespérément besoin». 

La responsable a estimé que  «le massacre, les destructions et les souffrances à Ghaza doivent cesser et les otages retrouver leurs familles». Directrice du financement et des partenariats au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha), Mme Liza Dughten  a entamé son intervention en disant : «Nous voici à nouveau réunis, au lendemain d’un autre épisode horrible de cette guerre dévastatrice à Ghaza (…) combien de temps une telle situation peut-elle durer ? Combien de tragédies comme celle de l’école Tabeen devront encore se produire, avant que des mesures ne soient prises ?» 


«110 kilos de lambeaux de chair enterrés comme des martyrs »

«Ce Conseil peut-il regarder les enfants, la population de Ghaza et toutes les personnes touchées par cette guerre dans les yeux -comme les travailleurs humanitaires doivent le faire chaque jour- et leur assurer qu’aucun effort n’a été épargné pour mettre fin à leurs souffrances?» Des questions qui ont sonné fort ? Pour elle, l’attaque contre l’école Tabeen constitue «un nouvel épisode terrible de la guerre dévastatrice se déroulant à Ghaza. Ce n’est pas un incident isolé puisqu’il s’agit de la vingt-et-unième frappe contre une école servant d’abri depuis le 4 juillet dernier». 

La responsable a rappelé, en outre, que près de 40 000 Palestiniens ont trouvé la mort, en raison de la violence incessante à Ghaza, tandis que 115 otages sont toujours captifs. La situation sanitaire demeure critique et le système de santé est à peine fonctionnel, près d’un quart de million de personnes ont été déplacées en deux semaines. Cette guerre détruit des vies, des rêves et des avenirs (…) Ce que nous voyons à Ghaza est le résultat d’une guerre menée au mépris du droit». 

A son tour, le représentant de l’Algérie, l’ambassadeur Amar Bendjama, ne met pas de gants pour décrire la situation à Ghaza et encore moins à pointer du doigt les responsables de la situation humanitaire désastreuse provoquée par la guerre génocidaire menée par les forces d’occupation israéliennes depuis plus de 10 mois. Indigné par les frappes contre l’école Tabeen, Bendjama a dénoncé la «généreuse assistance militaire et financière honteuse,  prêtée gratuitement à l’agresseur». 

L’ambassadeur a décrit l’horreur provoquée par les frappes du 10 août contre l’école Tabeen, en affirmant :   «110 kg de lambeaux de chair humaine ont été enterrés en tant que corps de martyrs. Cette effroyable boucherie sans précédent n’aurait jamais pas pu être commise sans le soutien généreux à l’occupant israélien. Une centaine d’innocentes âmes a été sacrifiée dont des femmes et des enfants, qu’il faut ajouter aux  40 000 Palestiniens morts en martyrs à ce jour. 

Ne sont-ils pas des humains qui ont des rêves et des espoirs comme nous tous ?» Le représentant de l’Algérie s’est demandé «si le rôle du Conseil de sécurité se limite à faire le décompte des victimes», avant de souligner : «La réponse est simple.  Il faut que le Conseil assume sa responsabilité maintenant et respecte ses engagements» qui, selon lui, est de « traiter la cause profonde de la question  palestinienne qui est l’occupation illégale des terres palestiniennes, de responsabiliser les forces d’occupation et de les poursuivre par tous les moyens juridiques». 

L’ambassadeur a par ailleurs «également rappelé  «nos engagements à réaliser la paix au Moyen-Orient et d’empêcher la grave escalade à cause des actes des forces d’occupation». Mais a-t-il ajouté, «celles-ci continuent à défier les résolutions que ce Conseil a votées dont celle du 27 juin dernier qui a imposé l’arrêt immédiat des actions militaires à Ghaza». L’ambassadeur a affirmé que «l’agression des forces d’occupation contre Ghaza constitue une grave menace contre cette résolution. 

 L’Algérie met en  garde contre la poursuite de cette menace qui pèse aussi sur les efforts déployés par les USA, l’Egypte et le Qatar, et soutenus par l’Algérie, pour arriver à un accord de cessez-le feu entre les parties. Il ne faut pas influencer ou compliquer plus les négociations en ajoutant de nouvelles conditions ou de nouvelles demandes». Lui emboitant le pas, le représentant de la Chine a évoqué Washington comme «premier fournisseur d’armes à Israël»,  en rappelant cette «influence considérable»  sur l’Etat hébreu aurait pu être utilisée pour «mettre fin à ses opérations militaires». 

Pour l’ambassadeur de la Russie, «la fréquence» des attaques israéliennes «suggère qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une politique délibérée de la part des dirigeants israéliens» mais a-t-il ajouté, «les États-Unis n’ont exercé aucune pression sur Israël à ce stade, appelant, au contraire, les États membres à se mobiliser pour faire plier le Hamas, comme s’il s’agissait de la seule partie au conflit». Les diplomates américains, ont eux aussi dénoncé les frappes contre l’école Tabeen, en rappelant toutefois, que «si Israel a le devoir de protéger les civils innocents, il a aussi celui de se défendre contre le Hamas qui continue d’opérer depuis des écoles ».  


«Israël ne se soucie pas de vos condamnations»

L’observateur permanent de la Palestine a été très direct. «Israël ne se soucie pas de vos condamnations.  Il rejette vos résolutions. Il n’écoute même pas vos délibérations», a-t-il déclaré en reprochant au Conseil «d’avoir échoué de mettre fin en temps voulu à l’impunité et à la perpétration d’un  génocide». Il a annoncé, en outre, que dans les prochains jours, «nous nous adresserons à l’Assemblée générale pour faire en sorte qu’elle assume les responsabilités qui lui incombent, en vertu de la Charte des Nations unies, et pour veiller à ce que les décisions de la plus haute juridiction internationale, la Cour internationale de Justice, se traduisent par une volonté et un élan politiques».  

Lui emboitant le pas, le représentant russe  a accusé le Conseil d’être un «observateur passif  avec 14 membres pris en otage par les États-Unis qui bloquent toute action pour un cessez-le-feu immédiat». Se sentant acculé par les accusations d’une  grande partie des intervenants, le représentant israélien a répondu de manière violente. D’abord au délégué palestinien auquel il s’est adressé en premier en exprimant son «regret» devant ce qu’il a décrit comme une «inversion des valeurs», avant de qualifier l’État de Palestine de «terroriste». «Je suis extrêmement fier de représenter mon pays ici, le plus moral du monde, le plus moral du monde. Vous l’écoutez,  le représentant de la Palestine ? J’espère qu’un jour, vous verrez ici la partialité et la perversion de la morale et que vous prierez et je prierai  pour que vous voyez la vérité. L’organisation terroriste que ce type représente ici et les régimes tyranniques devraient être condamnés et non pas protégés et qu’Israel doit être loué. Nous sommes aujourd’hui à l’avant-garde de la civilisation. Qui sait ?», a-t-il lancé, avant d’interpeller le représentant de l’Algérie : «A mon collègue d’Algérie, honte à vous, Israel est à l’avant-garde de la civilisation». Revenant sur les crimes commis par l’armée sioniste, le délégué a imputé les frappes du 10 août au Hamas, dans une «nouvelle machination antisémite», en accusant le Conseil d’en être «le complice». 

 «Ce jour-là, Israël n’a pas pris pour cible une école, mais des terroristes. N’avez-vous rien appris des mensonges du Hamas ?», a lancé le diplomate au Conseil. D’autres intervenants ont appelé à un cessez-le feu, seul moyen, ont-ils expliqué, de mettre un terme au drame palestinien.  Salima Tlemçani

 

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