La Tunisie est finalement parvenue à honorer tous ses engagements financiers pour l’année 2023, sans avoir à capituler devant le Fonds monétaire international (FMI).
Le Trésor tunisien s’est même permis le luxe de renvoyer, le 10 octobre dernier, une avance de 60 millions d’euros, des 127 millions d’euros d’appui budgétaire, convenus dans le cadre du mémorandum signé le 16 juillet 2023 entre la Tunisie et l’Union européenne. «La Tunisie est favorable à la coopération, mais rejette ce qui ressemble à de la charité», avait alors déclaré le président Saïed, traduisant l’intransigeance tunisienne dans la défense de sa souveraineté.
La Tunisie est parvenue à s’en sortir, alors que la quasi-totalité des institutions financières internationales prédisaient au début de 2023 qu’elle serait en cessation de paiement au cours de l’année, si elle ne signe pas un accord avec le FMI. Les fonds envoyés par les Tunisiens résidant à l’étranger ont permis de couvrir les deux tiers de la dette extérieure.
Avec la bonne saison touristique et quelques prêts venant de pays frères, comme l’Algérie et l’Arabie Saoudite, et le tour était joué. Les avoirs tunisiens en devises fortes s’élèvent même à 116 jours d’importations à la date du 26 décembre. Les nouvelles restrictions sur les importations ont également permis de gagner 8,1% par rapport à 2022 en taux de couverture, pour s’établir à 77,2%, grâce à une hausse de 7,6% des exportations et une réduction de 3,7% des importations. La même attitude encourageant les exportations et contrôlant les importations est prévue pour 2024. Le secteur de l’agriculture devrait également mieux se porter, puisque la nouvelle année devrait être généreuse en pluies.
La Tunisie connaît certes des pénuries passagères de quelques produits de base, comme le sucre, le thé, le café ou le riz. Mais, il s’agit surtout des conséquences des mesures prises par l’administration dans le cadre de la lutte contre les malversations. L’administration tunisienne est déjà parvenue à une distribution plus transparente de la farine subventionnée pour le pain, et s’apprête même à approvisionner les boulangers en 2024 avec une meilleure qualité de farine, plus riche en fibres.
Ce satisfecit budgétaire a été réussi en Tunisie malgré la tension politique sévissant entre le pouvoir et l’opposition depuis le coup de force du président Saïed le 25 juillet 2021, et les différents scrutins qui ont renforcé son emprise sur l’Etat, notamment le référendum du 25 juillet 2022 sur la nouvelle Constitution. 30,5% de l’électorat s’étaient alors déplacés aux urnes pour accorder leur pleine confiance aux choix du Président.
Le oui l’avait emporté avec 94,6%. Toutefois, les Tunisiens ont fait preuve de désaffection de la chose politique, tout en continuant à exprimer leur soutien à Saïed, comme l’affirment tous les observateurs, locaux et étrangers. L’arrestation de plusieurs leaders de l’opposition, depuis février dernier, dans l’affaire dite du «Complot contre la sûreté de l’Etat» n’a pas provoqué de réaction de la rue, malgré l’effervescence observée sur certains plateaux audiovisuels, qualifiant les actes du pouvoir tunisien de prélude à la dictature.
L’opposition continue toutefois à obtenir des autorisations pour manifester mais ne parvient pas à réunir plus de quelques centaines de sympathisants. La chose politique est carrément boudée et cela s’applique même aux deux scrutins électoraux organisés par le pouvoir, le 17 décembre 2022 pour élire le Parlement et le 24 décembre 2023 pour entamer les élections de la 2e Chambre.
Les taux de participation étaient respectivement de 11,2 et 11,66%. C’est dire que les Tunisiens plébiscitent leur Président mais ne sont pas très chauds pour l’aider à installer des structures de gouvernance sur le terrain. «Les Tunisiens ont placé leur destin entre les mains de ce Président, intègre et honnête.
Il saura faire les bons choix», estime une majorité de Tunisiens. Mais quelles que soient les divergences, tout le monde s’accorde sur la nécessité de mettre la Tunisie au-dessus de tout. La situation était trop grave pour ne pas changer de cap.