Résilience culturelle

27/06/2022 mis à jour: 00:34
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La culture, c’est ce qui reste à promouvoir quand tout est à l’arrêt. Dans une région comme la Kabylie, où l’activité économique et le développement ne s’affranchissent pas de lourdeurs de toutes natures, l’espoir d’un redémarrage de la vie locale vient du monde de la culture, de la création, de la valorisation du patrimoine matériel et immatériel.

Mises en veilleuse ces dernières années, en raison notamment de la crise sanitaire, les activités reprennent à un rythme qui monte en cadence au fil des mois, avec une intensité et un rayonnement particuliers pendant la saison estivale. Ce dynamisme n’est pas anodin et n’est pas condamné à être confiné dans un registre folklorique et de simple animation locale.

Il a vocation à porter des perspectives de redéploiement économique qui fait tant défaut à la région et que la population appelle de ses vœux face à une précarisation sociale galopante. Il faudra rendre justice un jour à ces animateurs culturels qui ont cultivé le sens de l’initiative quand tout semblait bloqué ou en régression irrémédiable. Ils ont maintenu le lien social en dépit de l’épreuve pandémique et des tensions politiques extrêmes ayant conduit à une forme de tétanisation collective.

Ils gagnent à présent la confiance des opérateurs sous forme d’un mécénat prometteur pour le secteur et annonciateur d’un investissement résolu et ambitieux. Des associations longtemps forcées au repli, faisant parfois sien le perpétuel argument de manque de moyens et de subventions, réinvestissent le terrain et évacuent le climat de léthargie qui finissait par asphyxier les collectivités locales.

Vestiges du volontarisme sans perspectives de l’ancien pouvoir politique, des structures bâties dans toutes les communes, et laissées à l’abandon dès leur livraison, ont été avantageusement récupérées par des collectifs de jeunes qui les ont transformées en carrefours culturels drainant un nombreux public et des sommités intellectuelles de tout le pays.

L’expérience la plus surprenante par son succès est le concours du village le plus propre, initié par l’APW de Tizi Ouzou il y a plus d’une quinzaine d’années. Il fait aujourd’hui office d’une véritable institution et la dynamique enclenchée dépasse désormais le simple objectif de la salubrité et de la protection de l’environnement.

Les villages lauréats ont atteint un niveau d’organisation, de gestion et d’aménagement qui dépasse largement celui des assemblées élues bridées par d’incompréhensibles questions liées aux prérogatives et le manque de budgets. «C’est le projet qui fait l’argent et non l’inverse», a dit un célèbre homme politique étranger.

Ce à quoi l’on assiste dans ces villages gérés avec la précision de managers aguerris n’est rien d’autre que le début d’une activité ayant un fort potentiel de relance de la vie économique locale.

L’ébauche d’une industrie touristique commence véritablement à poindre et son développement dépend de l’engagement d’opérateurs professionnels. L’erreur à ne pas commettre est de permettre une hasardeuse implication de l’administration sous le prétexte d’en assurer quelque menu soutien logistique ou autre parrainage.

Ce serait un dommageable paradoxe à l’heure où les pouvoirs publics proclament énergiquement la lutte contre la bureaucratie, ce fléau dont la conséquence première est la cessation de toute activité.

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