Un massacre de civils attribué aux rebelles ADF, des combats intenses contre la rébellion du M23 : la journée d’hier a été pour la province du Nord-Kivu à l’image de ces trois dernières décennies dans l’Est congolais, violente du nord au sud, rapporte l’AFP citant des sources locales.
Au matin, l’information d’une nouvelle tuerie s’est répandue, avec au moins 26 morts, dans le territoire de Beni, dans le nord de la province, épicentre des exactions des Forces démocratiques alliées (ADF). A l’origine rebelles ougandais majoritairement musulmans, les ADF ont fait souche depuis le milieu des années 1990 dans cette région de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où elles ont tué des milliers de civils. En 2019, elles ont prêté allégeance au groupe djihadiste Etat islamique (EI), qui revendique désormais certaines de leurs actions et les présente comme sa «province d’Afrique centrale».
Tout récemment, sur le territoire ougandais, elles ont été accusées d’avoir tué trois personnes, dont deux touristes étrangers, le 17 octobre dans le parc Queen Elizabeth. Action revendiquée le lendemain par l’EI. Lundi soir et jusqu’au petit jour hier, des assaillants présentés par les autorités comme des miliciens ADF ont attaqué un quartier périphérique de la ville d’Oicha, pillant et tuant, essentiellement à l’arme blanche. «Nous venons de déposer 26 corps à la morgue», a déclaré dans la matinée Darius Syaira, rapporteur de la société civile du territoire de Beni. Ce bilan de 26 tués a été confirmé plus tard par un porte-parole de l’armée dans la région. En colère, des manifestants ont mis le feu à des véhicules humanitaires qui s’apprêtaient à distribuer des vivres. «Nous n’avons pas besoin d’aide humanitaire, nous voulons la sécurité», déclarait un manifestant.
«Obligés de fuir»
A l’autre bout de la province, les combats, qui s’étaient intensifiés depuis début octobre entre les rebelles du M23 et des groupes armés pro-gouvernementaux se sont rapprochés à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma, ville de plus d’un million d’habitants bordée par le lac Kivu et adossée à la frontière rwandaise. «Il y a des combats à Kibumba depuis ce matin», a déclaré une source sécuritaire ayant requis l’anonymat. «Les rebelles s’affrontent aux wazalendo (nom donné aux groupes armés dits patriotes). Le M23 vient de tirer deux bombes sur nous et nous sommes en train de répliquer», a ajouté cette source.
Officiellement, l’armée respecte un cessez-le-feu exigé par une médiation régionale, mais des témoins affirment que des militaires et des «patriotes» combattent ensemble contre le M23, rébellion soutenue par le Rwanda, selon de nombreuses sources.
Dans l’après-midi, le porte-parole du gouverneur militaire a accusé les rebelles «appuyés par l’armée rwandaise» d’avoir attaqué une position de l’armée. «Face à cette provocation, toutes les dispositions ont été prises», a-t-il dit dans un communiqué. «La situation est de pire en pire. Les deux côtés échangent des tirs d’armes lourdes», a indiqué un habitant. «Nous sommes obligés de fuir.»Dans un point de situation, le Bureau de la coordination humanitaire des Nations unies (Ocha) en RDC estimait lundi à près de 200 000 le nombre de personnes qui ont dû fuir leurs maisons depuis le 1er octobre dans les territoires de Rutshuru et Masisi. Les combats, qui touchent aussi le territoire de Nyiragongo, plus proche de la capitale provinciale, ont aussi causé ces dernières semaines plusieurs dizaines de morts, civils ou combattants.
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a évoqué lundi une «énième incursion» de l’armée rwandaise la semaine dernière et «une cinquantaine» de civils tués par les rebelles. Un porte-parole du M23 a fermement démenti. Le M23 (Mouvement du 23 mars) est une rébellion majoritairement tutsie qui a repris les armes fin 2021 et s’est emparée de vastes pans de territoire du Nord-Kivu. Une force d’Afrique de l’Est est déployée dans la province mais, comme celle de l’ONU, se retrouve très critiquée par Kinshasa qui lui reproche de ne pas contraindre les rebelles à déposer les armes. L’est de la RDC est en proie depuis bientôt 30 ans aux violences de nombreux groupes armés, locaux et étrangers, hérités pour beaucoup des guerres qui ont ensanglanté la région dans les années 1990-2000.