République Démocratique du Congo : Le procureur de la CPI à Kinshasa où la «situation est grave»

26/02/2025 mis à jour: 17:52
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Photo : D. R.

La première enquête dont s'est saisie la CPI après avoir entamé ses travaux en 2002 concernait la RDC. Depuis, elle a condamné définitivement trois personnes pour des crimes commis dans ce pays, dont l'Est est ravagé depuis trois décennies par des conflits accompagnés d'exactions.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan est arrivé dans la nuit de lundi à mardi à Kinshasa pour une visite en République démocratique du Congo (RDC), où un conflit s'est intensifié dans l'est ces dernières semaines, a annoncé son bureau, rapporte l’AFP. «Nous sommes extrêmement inquiets des récents développements au Congo.

Nous savons que la situation, particulièrement dans l'est, est grave», a-t-il déclaré à la presse à son arrivée. «Un message très clair doit être passé: aucun groupe armé, aucune force armée, aucun allié d'un groupe armé ou d'une force armée n'a de chèque en blanc. Ils doivent respecter le droit international pénal», a-t-il indiqué.

Et «je suis très clair dès maintenant : on doit percevoir que le droit est appliqué», a poursuivi K. Khan, et «nous allons voir si le droit international humanitaire peut supporter les exigences des populations de République démocratique du Congo, à savoir l'application uniforme de la loi».

Le groupe armé M23, soutenu par quelque 4000 soldats rwandais, selon des experts de l'ONU, a repris les armes fin 2021 contre le gouvernement du président Tshisekedi et s'est depuis emparé de vastes pans de territoire dans l'est de la RDC, riche en minerais. Kinshasa accuse Kigali de vouloir contrôler l'exploitation et le commerce de minerais, dont le sous-sol de l'est de la RDC est riche, utilisés notamment dans les batteries et les équipements électroniques.

Le Rwanda dément, et affirme que sa sécurité est menacée par certains groupes armés présents dans la région, notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), créées par d'anciens responsables hutus du génocide des Tutsis au Rwanda. Les populations de RDC sont «aussi précieuses que celles d'Ukraine, d'Israël ou de Palestine, que les filles et femmes d'Afghanistan», a observé le procureur.

Durant sa visite, K. Khan doit rencontrer le président de la RDC Félix Tshisekedi, des ministres, la représentante du secrétaire général de l'ONU dans le pays Bintou Keita, ainsi que des victimes et des membres de la société civile. La première enquête dont s'est saisie la CPI après avoir entamé ses travaux en 2002 concernait la RDC.

Depuis, elle a condamné définitivement trois personnes pour des crimes commis dans ce pays, dont l'est est ravagé depuis trois décennies par des conflits accompagnés d'exactions. Le bureau du procureur de la CPI a ouvert en 2023 une nouvelle enquête sur des allégations de crimes commis depuis janvier 2022 dans la province du Nord-Kivu (est de la RDC).

Les services de K. Khan, lequel s'était déjà rendu dans le pays en mai 2023, ont indiqué début février que la situation actuelle dans l'est de la RDC «entre dans le cadre de l'enquête en cours». Lors d'une offensive-éclair, le groupe armé M23 et ses alliés rwandais ont pris le contrôle de Goma et Bukavu, les chefs-lieux des provinces du Nord- et Sud-Kivu, et les combats se poursuivent.

Troïka africaine

Par ailleurs, les dirigeants des pays d'Afrique australe et de l'Est ont nommé trois anciens dirigeants du Kenya, de l'Ethiopie et du Nigeria pour être les «facilitateurs» d'un «processus de paix» dans l'est de la RDC, selon un communiqué des deux blocs régionaux publié lundi soir.

La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) se sont réunies en sommet début février, appelant à un «cessez-le-feu immédiat» dans l'est de la RDC, où le conflit s'est intensifié ces dernières semaines.

Uhuru Kenyatta, ancien président du Kenya, Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigeria et Hailemariam Desalegn, ancien premier ministre d'Ethiopie, sont nommés «facilitateurs du processus de paix de l'EAC-SADC (...) dans l'est de la RDC», ont affirmé les deux blocs dans un communiqué conjoint.

Les deux entités se sont mises d'accord lors de leur sommet début février pour fusionner les processus de paix dits de Luanda et de Nairobi, qui ont tenté ces dernières années de trouver une solution pacifique au conflit. Selon le texte, les trois facilitateurs auront notamment pour objectifs «un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel», l'accès de l'aide humanitaire et la sécurisation de l'aéroport de Goma, la grande ville de l'Est congolais.

Le communiqué affirme également que la SADC et l'EAC organiseront une rencontre vendredi pour «travailler sur les détails du cessez-le-feu». Les combats dans l'est de la RDC ont fait des milliers de morts selon l'ONU et font craindre une répétition de ce que l'on a appelé la deuxième guerre du Congo (1998-2003), impliquant de nombreux pays africains et entraînant des millions de morts par la violence, les maladies et la famine.

 

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