Contrairement à votre vision de sinistrose dans l’interview que vous avez donnée au quotidien le Figaro, où vous annoncez une déflagration de la société algérienne, qui selon mes informations n’engage que votre personne et donc ni l’Etat français, ni de nombreuses personnalités et experts étrangers qui ne partagent pas votre vision, mais certains lobbys nostalgiques de l’époque coloniale, ne voulant pas d’une relation apaisée entre l’Algérie et la France, l’Algérie occupe une place prépondérante au niveau international.
L’Algérie est considérée par la communauté internationale, USA, Chine, Russie, Europe pour ne citer que les principaux acteurs, comme un acteur stratégique de l’espace euro-méditerranéen et du continent Afrique. Elle est loin de l’explosion que vous annoncez, où selon le rapport de la Banque mondiale 2023, institution qui ne peut être suspectée de partialité, avec la récession mondiale annoncée pour 2023, qui touche la majorité des pays, est dans une situation financière favorable avec une dette extérieure inférieure à 6/7% du PIB, des réserves de change appréciables entre 55/60 milliards de dollars, un endettement public de 63% du PIB en 2022, où certains pays européens ont largement dépassé les 100%. Elle n’est donc pas dans la situation de la période de cessation de paiement qui l’a conduit au FMI vers 1994, et ayant surmonté seule la période dramatique des années 1992/1999 où certains prédisaient son effondrement.
Je reconnais, avec de nombreux experts algériens, que l’obstacle majeur est le cancer bureaucratique et pour relancer l’économie nationale, il faut s’attaquer à l’écosystème. L’Algérie peut surmonter le blocage actuel grâce à une nouvelle gouvernance, la valorisation du savoir et un langage de vérité, ni sinistrose, ni autosatisfaction, seule condition pour un retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible. Oui, monsieur l’Ambassadeur, l’Algérie est consciente des nombreux défis qui l’attendent et c’est à quoi ont répondu plusieurs de mes contributions parues au niveau international en Europe et aux USA, et au niveau local entre 2000 et 2022. L’économie algérienne, comme je l’ai souvent rappelé, est en 2022 tributaire à 98% de ses recettes en devises, avec les dérivés des hydrocarbures comptabilisés dans la rubrique hors hydrocarbures et à plus de 85% d’importation des matières premières et équipements des entreprises qu’elles soient publiques ou privées, dont le taux d’intégration en 2022 ne dépasse pas 15%. L’Algérie devra concilier l’efficacité économique et une profonde justice sociale afin d’assurer la création de richesses permanentes et la cohésion sociale, le versements de salaires sans contreparties productives étant source d’inflation et suicidaire à terme, ayant besoin d’un taux de croissance réel de 8/9% par an afin de pouvoir absorber le flux annuel de demande d’emplois de plus de 350 000 par an, des emplois créateur de valeur ajoutée et non des emplois rente, s’ajoutant au taux de chômage actuel.
Aujourd’hui, la majorité des Algériens dont les centres de décisions au plus haut niveau de l’Etat sont conscients que s’impose une analyse objective sur la situation actuelle et les perspectives de l’économie algérienne, afin de ne pas renouveler les erreurs du passé avec une corruption inégalée durant la période 2000/2020, passant par de profondes réformes structurelles et la moralisation de la Cité, condition pour asseoir une économie hors hydrocarbures dans un cadre concurrentiel. La récession de l’économie mondiale annoncée par le FMI en 2023, a un impact sur tous les pays sans exception, donc sur l’économie algérienne et donc cette crise ne touche pas seulement l’Algérie comme en témoignent les remous sociaux dans le monde. Avec un monde interdépendant, l’Algérie, comme la France, ne pouvant être isolée des nouvelles mutations mondiales pour 2023/2025/2030, tout dépendra des perspectives de la résolution ou pas des tensions géostratégiques actuelles et du nouveau modèle de la croissance de l’économie mondiale qui devra être orienté vers les industries de l’avenir, la transition numérique et énergétique. Votre interview au Figaro, Monsieur l’Ambassadeur, sans analyses objectives a pour objectif d’accroître les tensions entre l’Algérie et la France, alors que des deux côtés de la Méditerranée, les responsables de nos deux pays activent pour des relations apaisées surtout en ces moments de fortes tensions géostratégiques, impliquant un codéveloppement global fondé sur la tolérance et le dialogue productif, la lutte contre le réchauffement climatique avec la crise alimentaire et celle de l’eau, qui menacent l’humanité, et c’est là qu’est le principal danger dont les flux migratoires, auxquels vous faites allusion, à la fois pour l’Europe via la France et l’Afrique via l’Algérie.
Chaque pays est souverain ayant ses propres exigences, défendant ses intérêts propres, n’existant pas dans les relations internationales de sentiments mais que des intérêts. L’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion en espérant que vous ne défendez pas cette vision. Connaître l’autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître et évitons toute intolérance où certaines civilisations sont supérieures à d’autres. Pour terminer, je citerais Voltaire : «Monsieur je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai de toutes mes forces pour que vous puissiez toujours le dire.» Et Roger Garaudy : «Il n’y a de véritable dialogue des civilisations que si chacun est pénétré de cette certitude que l’autre homme, c’est ce qui manque pour être pleinement un homme.» A. Mebtoul