Réoxygéner la mer Baltique… : Le pari pionnier de start-up et de scientifiques

05/11/2024 mis à jour: 20:55
AFP
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En mer Baltique, les poissons disparaissent par manque d’oxygène

Les chercheurs de l’université de Stockholm en Suède, l’entreprise industrielle française Lhyfe, et une start-up finlandaise, Flexens, travaillent sur une expérimentation pilote commune, un projet baptisé BOxHy. 

Ils cherchent une solution d’ensemble à l’asphyxie qui menace la mer Baltique par le biais notamment d’une production d’hydrogène en mer destinée à alimenter la décarbonation de l’industrie sur terre car l’oxygène dissous dans les océans est essentiel à la vie : la capacité des organismes vertébrés et invertébrés à survivre sans oxygène est nulle, soulignent les scientifiques. «Or, depuis plus de 50 ans, ses concentrations sont en baisse surtout en zone côtière», relève Christophe Rabouille du CNRS. 


La perte d’oxygène indispensable à la vie sous-marine peut être attribuée à deux causes principales, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) : l’eutrophisation due au ruissellement de nutriments (engrais, lisier...) provenant du continent - lesquels nourrissent des algues qui prolifèrent en excès et consomment l’oxygène de l’eau en se dégradant, rendant la vie aquatique impossible autour d’eux - et le réchauffement des eaux océaniques dû au dérèglement climatique. 


«Désert écologique» 

Dans le centre de la Baltique, mer semi-fermée bordée de pays agricoles et industriels, «on trouve une des plus grandes zones océaniques mortes du monde, qui recouvre environ une fois et demie la taille du Danemark, c’est un désert écologique en hypoxie, c’est-à-dire en manque d’oxygène, parce que la mer est stratifiée et souffre d’eutrophisation», explique à l’AFP Alf Norkko, de l’université d’Helsinki, chargé de la station zoologique de Tvärminne en Finlande.

Le projet Boxhy vise à étudier la faisabilité d’injections d’oxygène gazeux en profondeur, technique déjà utilisée dans certains lacs américains d’eau douce en hypoxie. «Le rétablissement des conditions d’oxygène dans les eaux profondes par des ajouts à long terme aurait de nombreux effets positifs sur l’écosystème de la mer Baltique», estime Jakob Walve, écologue marin à l’université de Stockholm, associé au projet, citant notamment l’extension de l’habitat de reproduction et d’alimentation du cabillaud.

En juin, BOxHy a reçu le soutien des Nations unies dans le cadre d'un programme décennal sur le développement durable des océans. Une «reconnaissance» dont se félicite Szilvia Haide, de Flexens, start-up qui coordonne le projet. Près de Stockholm, Flexens a identifié trois zones possibles de réinjection d’oxygène,  mais beaucoup reste à faire avant de commencer le grand ménage de la mer Baltique.
 

«Investir 20 à 30 ans» 

Car, il faut produire l’oxygène de manière propre et sur place. C’est le rôle de la start-up française Lhyfe, spécialisée dans l’électrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène vert, c’est-à-dire la séparation des molécules d’hydrogène et d’oxygène de l’eau (H2O), sous l’effet d’un courant électrique. Elle a développé un pilote de production offshore d’hydrogène unique au monde : à partir d’eau de mer dessalée, lors d’une expérimentation d’un an au Croisic, dans l’ouest de la France, avec une éolienne marine.


Dans son usine vendéenne d’hydrogène vert, l’oxygène produit par Lhyfe n’est qu’un coproduit, simplement relâché dans l’atmosphère. En mer Baltique, il serait injecté dans l’eau. Reste à déterminer combien, comment, à quel rythme, et à en mesurer les impacts sur la faune et la flore.


La deuxième phase d’études de Boxhy, qui durera «cinq à six ans» devrait commencer en 2025, selon Mme Haide, pour expérimenter une première station pilote. L’objet est de déterminer la méthode d’injection de l’oxygène, et d’étudier les conséquences sur l’environnement et la biodiversité.
 

Selon les calculs de Matthieu Guesné, PDG de Lhyfe, «une trentaine» de plateformes offshore sur la Baltique seraient nécessaires pour la réoxygéner complètement. «Ce n’est pas énorme, en une génération on a vu un millier de plateformes pétrolières et gazières s’installer en mer du Nord», dit-il à l’AFP. «La pollution s’est créée sur des décennies, et il faudra investir pendant 20 à 30 ans aussi, ce n’est pas une solution miracle, c’est un projet à très long terme». 

Le temps d’injection en Baltique dépendra aussi de l’évolution de l’agriculture des pays côtiers vers plus ou moins de fertilisants.
 

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