L e ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a demandé hier à son homologue américain, Antony Blinken, de «ne pas souffler sur les braises» dans le différend territorial opposant Pékin et Manille en mer de Chine méridionale, rapporte l’AFP citant un communiqué. Les confrontations entre la Chine et les Philippines se sont multipliées ces derniers mois, notamment autour de l’atoll Second Thomas.
Des soldats philippins y sont stationnés sur un navire militaire qui a été volontairement échoué par Manille en 1999 pour affirmer ses prétentions de souveraineté. Malgré les tensions, Pékin et Manille ont mené courant juillet des pourparlers et conclu un «arrangement provisoire» pour le réapprovisionnement des troupes philippines présentes sur cet atoll. «Les Etats-Unis ne doivent pas souffler sur les braises, attiser les troubles et porter atteinte à la stabilité en mer», a indiqué hier le chef de la diplomatie chinoise à son homologue américain, lors d’une rencontre entre les deux hommes à Vientiane (Laos), en marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Asie du Sud-Est (Asean).
«Les Philippines doivent tenir parole et cesser d’acheminer des matériaux de construction» à Second Thomas, a-t-il souligné, selon un communiqué publié par son ministère. Pékin accuse régulièrement Manille d’acheminer ces matériaux sur l’atoll afin d’y renforcer le navire échoué, en mauvais état, et ainsi pouvoir y réaffirmer ses prétentions de souveraineté. La Chine revendique une grande partie des îlots de la mer de Chine méridionale, face à d’autres pays riverains (Philippines, Vietnam, Brunei, Malaisie) aux prétentions rivales. Cette confrontation Chine-Philippines alimente les craintes d’un potentiel conflit qui pourrait entraîner l’intervention de Washington, en raison de son traité de défense mutuelle avec Manille.
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2022 du président philippin Ferdinand Marcos, Manille affirme plus fermement ses prétentions de souveraineté sur certains récifs disputés, face à Pékin qui lui-même n’entend pas céder sur ses revendications. De son côté, Antony Blinken a fait part de ses inquiétudes sur les «actions provocatrices» de la Chine autour de Taïwan, lors de l’entretien, qualifié d’«ouvert et constructif», avec son homologue Wang Yi, a déclaré plus tôt un haut responsable du département d’Etat.
Le chef de la diplomatie américaine a fait part des «préoccupations des Etats-Unis concernant les actions provocatrices menées récemment par la Chine, notamment une simulation de blocus au moment de l’investiture» du président taïwanais Lai Ching-te, a déclaré le haut responsable américain.
«Graves incidents»
La Chine revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire et a multiplié les intimidations à l’encontre de l’île gouvernée de façon démocratique ces dernières années. Après l’investiture du nouveau président Lai Ching-te, en mai, la Chine a encerclé Taïwan avec des navires de guerre et des avions militaires dans le cadre de manœuvres militaires. Ces exercices faisaient suite à un discours d’investiture que la Chine a dénoncé comme un «aveu d’indépendance».
Les deux diplomates ont eu des «discussions ouvertes et productives sur les questions bilatérales, régionales et mondiales» lors de leur rencontre, a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller, dans un communiqué.
Antony Blinken a également évoqué à cette occasion la question des droits humains à Taïwan, au Tibet et à Hong-Kong, ainsi que le soutien de la Chine à la Russie dans sa guerre en Ukraine. Il a enfin «soulevé la question des personnes incarcérées injustement en Chine et la nécessité de progresser sur ce point», a déclaré le responsable.
Le secrétaire d’Etat américain a entamé hier une tournée asiatique au cours de laquelle il entend réaffirmer le leadership des Etats-Unis face à l’influence grandissante de la Chine. Il s’agit de la 18e tournée en Asie du secrétaire d’Etat américain depuis sa prise de fonction il y a plus de trois ans, témoignant de la concurrence féroce que se livrent Etats-Unis et Chine dans la région.
Il a fait sa priorité de la promotion «d’une région indo-pacifique libre, ouverte et prospère», l’expression consacrée aux Etats-Unis pour désigner une zone Asie-Pacifique qui soit libre d’influences, une manière voilée de critiquer la Chine et ses ambitions économiques, territoriales et stratégiques dans la région. Peu avant le début de son entretien avec Wang Yi, il a dénoncé les «actions escalatoires et illégales» de Pékin en mer de Chine méridionale, au cours d’une rencontre avec les dix pays membres de l’Asean. Les ministres de l’Asean ont souligné l’importance de «la sécurité, la stabilité, la sûreté et la liberté de navigation et de survol de la mer de Chine méridionale», dans un communiqué conjoint publié hier. Certains ont exprimé leur inquiétude face à de «graves incidents dans la région qui ont entamé la confiance et accru les tensions», a indiqué le communiqué, sans donner de détails.