Un «nouvel esprit» : l’Alliance Renault-Nissan repart sur de nouvelles bases «rééquilibrées» après 24 ans de mariage et des rumeurs de divorce.
Alors que Renault détenait 43,4% de Nissan, les entreprises vont conclure un nouvel accord de 15 ans selon lequel elles auront une «participation croisée de 15%», ont-elles annoncé hier dans un communiqué. Le directeur général et le président de Renault, Luca de Meo et Jean-Dominique Senard, et le patron de Nissan, Makoto Uchida, célèbreront ce nouveau départ lors d’une conférence de presse à Londres lundi matin. Renault, Nissan et Mitsubishi, entré dans l’alliance en 2016, ont négocié pendant de longs mois les détails de cet accord, validé dimanche soir par le conseil d’administration de Renault, et lundi matin par celui de Nissan, ont indiqué les deux groupes. C’est la fin d’une longue domination française, débutée en 1999 avec l’entrée de Renault au capital de Nissan. La relation avait été compliquée par la montée surprise de l’Etat français au capital de Renault, en 2015, puis par la spectaculaire chute de Carlos Ghosn, alors patron de l’Alliance, et arrêté fin 2018 au Japon pour des accusations de malversations financières. Les discussions achoppaient notamment autour de la question des brevets technologiques de Nissan, selon des sources proches de l’alliance. Le groupe français ne va toutefois pas vendre immédiatement le reste de ses actions Nissan (28,4%), car leur valeur de marché est très inférieure à leur valeur actuellement inscrite dans ses comptes. Renault continuera d’en toucher les dividendes. Quand le contexte sera «commercialement raisonnable», ces actions pourront être revendues au profit de Renault. Nissan pourra faire la première offre.
Dans le cadre de cette alliance aux 375 000 salariés, Renault, Nissan et Mitsubishi collaborent déjà sur de nombreux véhicules, avec des économies à la clé. Des Renault et Nissan partagent des mêmes moteurs, la future petite Nissan Micra sera basée sur la même plateforme que la nouvelle Renault 5, et des Renault sont vendues sous badge Mitsubishi. Avec ce nouvel accord, les partenaires ont également annoncé plusieurs nouvelles initiatives industrielles, notamment sur les marchés indien et sud-américains. Nissan, qui a une usine en Inde, va y commercialiser «des nouveaux SUV», dont un dérivé de la Dacia Spring. En Argentine, Nissan va lancer un pickup conçu par Renault. Au Mexique, le constructeur japonais va produire un nouveau modèle pour Renault, marquant le retour de la marque sur ce marché. Nissan et Renault envisagent également de lancer sur ces marchés, où leur marge de progrès reste énorme, deux petits véhicules électriques communs. En Europe, Renault partagera avec Nissan son prochain projet d’utilitaire électrique, le FlexEVan. Et au-delà de 2026, Nissan et Renault étudieront des «possibilités de collaboration» sur le segment roi du marché, les voitures de taille moyenne. Au total, les trois partenaires comptent investir ensemble 23 milliards d’euros dans l’électrification au cours des cinq prochaines années. «Il y avait depuis des années une forme de frustration au Japon sur le fait d’avoir 15% d’une entreprise comme Renault et de ne pas avoir de droits de vote», expliquait dimanche une source proche de l’alliance. Et si Renault détenait 44% de Nissan, le Français n’avait «en réalité aucun pouvoir sur l’entreprise». Alors que des rumeurs de divorce planent sur le couple franco-japonais depuis des années, ce nouveau «sentiment d’égalité» marque «le retour de la confiance», selon cette source. Le rééquilibrage de la relation est encore mieux vu au Japon. «Pour que l’alliance continue à remplir ses fonctions, mettre fin à des relations inégales qui pouvaient encore amplifier la méfiance mutuelle était une tâche inévitable», avait souligné le quotidien économique japonais Nikkei dans un éditorial fin janvier, usant d’un terme évoquant les «traités inégaux» imposés au Japon par les puissances occidentales au XIXe siècle. Après cette longue période de troubles, Nissan doit encore préciser son implication dans les projets de Renault: le groupe a indiqué qu’il allait acheter jusqu’à 15% des parts d’Ampere, la future filiale électrique du Losange. La participation de Nissan dans Ampere dépendra de l’ampleur des brevets que le groupe japonais voudra placer dans cette société. Mitsubishi «envisagerait également d’investir dans Ampere», selon le groupe lundi.