Région Asie-Pacifique : Manœuvres navales entre les Etats-Unis et les Philippines

04/10/2023 mis à jour: 02:09
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Les Etats-Unis et les Philippines ont entamé lundi leurs manœuvres navales conjointes annuelles, a rapporté hier l’AFP. Plus d’un millier de marins prennent part à ces manœuvres, au large de la capitale Manille et au sud de Luzon, principale île des Philippines, qui comportent des exercices de lutte anti-sous-marine, entre bâtiments de surface et des exercices de guerre électronique.

 Le commandant de la Septième flotte des Etats-Unis, le vice-amiral Karl Thomas, a déclaré lors d’une cérémonie d’ouverture à Manille que les droits de toutes les nations à protéger leur souveraineté nationale «étaient attaqués chaque jour en haute mer». «L’ordre fondé sur des règles internationales» qui garantit la paix depuis des décennies a été «mis en lambeaux et mis à l’épreuve au bénéfice non pas de toutes les nations mais d’une seule nation», a ajouté le vice-amiral K. Thomas, sans mentionner explicitement la Chine. 

«Il n’y a pas de meilleur moyen d’assurer la souveraineté et la sécurité que de naviguer et faire des manœuvres ensemble», a-t-il affirmé. Il a affirmé lors d’une conférence de presse l’importance de préserver le droit de naviguer dans cette zone «sans avoir le souci d’être attaqué» ou «intimidé». Au cours des dernières semaines, Pékin a déployé des bateaux de patrouille pour, selon Manille, harceler les gardes-côtes et les pêcheurs philippins. Fin septembre, le président Ferdinand Marcos a ordonné une opération spéciale pour démanteler une barrière flottante installée par la Chine, selon Manille, à l’entrée du récif de Scarborough, dont la Chine a pris le contrôle en 2012, aux dépens des Philippines. Ce dispositif empêchait les pêcheurs philippins d’accéder à cette zone riche en ressources halieutiques. La Chine a réagi en «conseillant aux Philippines de ne pas faire de provocations ni de créer des troubles». 
 

Le commandant de la marine des Philippines, le vice-amiral Toribio Adaci, a observé que les exercices conjoints permettent d’être mieux préparés «pour affronter ensemble un éventail de menaces». Selon des responsables de la Flotte américaine, prendront part aux manœuvres au cours des douze prochains jours le destroyer lance-missiles USS Dewey, un navire ravitailleur de transport de munitions et un avion de patrouille maritime P-8 Poseidon. Participeront également une frégate philippine lance-missile, un destroyer japonais et la frégate de la Marine canadienne HMCS Vancouver.
 

Manille change de cap

A son arrivée au pouvoir en juin 2022, le président philippin F. Marcos a prévenu qu’il ne laisserait pas la Chine piétiner les droits de son pays en mer, et s’est rapproché des Etats-Unis. Ainsi, il a œuvré à améliorer les relations avec Washington, un allié de longue date des Philippines, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte. Début avril dernier, Manille a mis à disposition de Washington quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale non loin de Taïwan. Le 11, les deux pays ont entamé des manœuvres militaires conjointes qui dureront deux semaines. Les tensions entre Manille et Pékin se sont exacerbées au début de l’année après qu’un navire des garde-côtes chinois eut prétendument utilisé un laser de qualité militaire contre un bateau des garde-côtes philippins près de l’atoll Second Thomas. Fin avril, la Chine a accusé les Philippines d’avoir «délibérément» voulu provoquer un incident dans les eaux disputées de la mer de Chine méridionale. 

Accusation qui fait suite à une collision évitée de justesse entre deux vaisseaux de garde-côtes de chacun de ces pays. «En se précipitant dans les eaux du récif Ren’ai avec des journalistes à son bord, le bateau philippin a commis une provocation préméditée et délibérément cherché l’affrontement pour faire un battage médiatique», a dénoncé une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning. L’équipage du bateau chinois a agi «de manière professionnelle et avec retenue», a-t-elle affirmé. 

De son côté, son homologue aux Philippines, Teresita Daza, a accusé les garde-côtes chinois d’avoir mis «gravement en danger» l’équipage philippin. «L’interférence des garde-côtes chinois avec cette patrouille de routine contrevenait totalement avec la liberté de navigation (…)», a-t-elle ajouté. Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, malgré les prétentions rivales de ses voisins : Philippines, Vietnam ou de Malaisie. Elle a rejeté ainsi le verdict la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye en 2016, qui a estimé que l’Empire du Milieu n’a pas de «droits historiques» sur la majorité des eaux stratégiques de la mer de Chine méridionale et donné raison aux Philippines. 

La Chine fonde sa légitimité sur ces territoires sur des cartes remontant aux années 1940. Washington prône un règlement multilatéral et pacifique de ces conflits. Pékin est plutôt favorable à des négociations bilatérales. Les Etats-Unis sont inquiets quant au rapprochement opéré par un de ses plus anciens alliés asiatiques avec la Chine durant la présidence de Rodrigo Duterte, entre 2016 et 2022. Ce dernier a opté pour des rapports apaisés avec Pékin en échange de promesses d’investissements dans des infrastructures de l’archipel. En juillet 2020, le secrétaire d’Etat américain à l’époque, Mike Pompeo, a déclaré «illégales» les revendications territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale. «Les Etats-Unis défendent l’idée d’une région indo-Pacifique libre et ouverte. Aujourd’hui, nous renforçons la politique des Etats-Unis dans une zone vitale et disputée de cette région : la mer de Chine méridionale», a-t-il indiqué  dans un communiqué.

 Et d’ajouter : «(…) Les revendications de Pékin sur les ressources offshore dans la plus grande partie de la mer de Chine méridionale sont complètement illégales, de même que sa campagne d’intimidation pour les contrôler.» Il a rappelé que la CPA a jugé en 2016 que la Chine n’a pas de base légale pour revendiquer des «droits historiques» sur cette zone. En réaction, l’ambassade de Chine à Washington a qualifié dans un communiqué de «totalement injustifiées» les accusations d’intimidation. 

Et d’ajouter : «Sous le prétexte de préserver la stabilité, ils roulent des mécaniques, alimentent les tensions et incitent à la confrontation dans la région.» Manille et Washington sont liés par un accord de coopération militaire qui remonte à 1951

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