Dix ONG internationales et égyptiennes des droits humains ont appelé hier l’ONU à examiner «le recours systématique à la torture» par l’Egypte, qualifiant cette pratique de «crime contre l’humanité», rapporte l’AFP.
La coalition d’ONG, dont la britannique Redress et l’égyptienne EIPR, a dénoncé, dans un rapport hier, «le recours massif et systématique à la torture par les autorités», qui, selon elle, «constitue un crime contre l’humanité au regard du droit international».
Le rapport a été soumis au Comité contre la torture (CAT) de l’ONU. Le CAT doit examiner, les 14 et 15 novembre, le respect de l’Egypte de la Convention contre la torture, dont elle est signataire. Le Caire dément régulièrement les allégations de torture en détention.
Dans leur rapport, les ONG recensent des «passages à tabac, décharges électriques, violences sexuelles et déni de soins et de visites familiales». Elles dénoncent également «une politique d’Etat permise par les lois d’exception, les lois antiterroristes et une immunité» garantie à l’appareil sécuritaire du pays le plus peuplé du monde arabe. La coalition pointe en outre «une répression brutale de la société civile» dans ce pays qui compte des milliers de détenus d’opinion et où l’opposition a été réduite comme une peau de chagrin en dix années de pouvoir d’Abdel Fattah Al Sissi.
Les ONG font état d’une «augmentation ces dernières années du ciblage et de la torture des militants et des défenseurs des droits humains (...) et des minorités telles que la communauté LGBT+». Les opposants égyptiens se disent victimes de torture en détention depuis la présidence de Gamal Abdel Nasser, arrivé au pouvoir en 1952. Ces dernières années, Washington a gelé une petite partie de son aide militaire à l’Egypte, d’une valeur de plus d’un milliard de dollars, en raison du non-respect des droits humains.
Cette année, seuls 85 millions de dollars sont censés être retenus. Le nouveau président de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain a promis, samedi, de bloquer l’aide à l’Egypte, après que son prédécesseur ait été accusé d’avoir favorisé le gouvernement égyptien dans des ventes d’armes, d’après la coalition d’ONG. Ces derniers mois,
Le Caire a amnistié ou libéré un millier de prisonniers, une tentative, selon les observateurs, de redorer l’image du président Al Sissi avant la présidentielle de décembre. Des ONG affirment que près de trois fois plus de personnes ont été arrêtées au cours de la même période.
En 2014, puis en 2018, Al Sissi a remporté la présidentielle avec 96% puis 97% des voix face à une opposition soit laminée par une répression implacable, soit fantoche : son adversaire en 2018 a même annoncé voter pour Al Sissi. En vertu d’une révision de la Constitution en 2019, il peut se présenter une troisième fois, et le mandat est passé de quatre à six ans, avec effet rétroactif.
Fait inédit depuis la prise de pouvoir d’Al Sissi, les candidatures d’opposants qui s’en prennent directement au Président et à l’armée dont il est issu se multiplient. Plusieurs leaders de partis historiques se sont dits candidats et leurs proches assurent qu’ils ont recueilli les 20 signatures de députés nécessaires pour postuler à la magistrature suprême. Un outsider, Ahmed Al Tantawy, ex-député de 44 ans et habitué aux sorties anti-Al Sissi, a fait, lui, le choix de recueillir ses signatures auprès des citoyens.
Il lui en faut 25 000 pour faire valider sa candidature et depuis une semaine, il sillonne le pays pour accompagner ses partisans qui se rendent dans les administrations pour faire enregistrer leurs signatures. Ces dernières semaines, il a affirmé que son téléphone avait été mis sur écoute, que des dizaines de ses soutiens avaient été arrêtés et son équipe de campagne annonce chaque jour que des signatures ont été refusées ou des partisans agressés.