Un long passage à tabac nocturne, à coups de poing, de pied, de matraque : les Américains ont découvert vendredi soir avec effroi la vidéo extrêmement choquante de l’arrestation fatale de Tyre Nichols, un Afro-Américain mort à l’âge de 29 ans.
Les images montrent les violences infligées durant de longs instants par les cinq policiers noirs, dans le sillage d’un banal contrôle routier à Memphis, dans l’Etat du Tennessee, le 7 janvier. Tyre Nichols, aspergé de gaz lacrymogène et visé par un pistolet Taser à décharges électrique, tente de s’enfuir mais est rattrapé ensuite par les agents, qui se déchaînent, apparemment insensibles aux supplications de l’automobiliste.
Réagissant quelque trente minutes après que la vidéo explosive eut été rendue publique, le président Joe Biden s’est dit «scandalisé» et «profondément meurtri». «Maman. Maman. Maman!», crie Tyre Nichols dans un des extraits. Dans un autre, on le voit au sol, battu durant de longues secondes. Vendredi des premières manifestations débutaient dans diverses villes du pays, notamment Washington, New York et Memphis. Signe que l’affaire est potentiellement explosive, M. Biden avait exhorté à ce que les rassemblements soient «pacifiques» et s’est entretenu au téléphone dans l’après-midi avec la mère et le beau-père de Tyre Nichols. Car sa mort rappelle celle de l’Afro-Américain George Floyd, tué par un policier en mai 2020.
Des manifestations contre le racisme et les violences policières avaient alors embrasé le pays, fédérées autour du slogan «Black Lives Matter» (Les vies noires comptent). «Quand mon mari et moi sommes arrivés à l’hôpital et que j’ai vu mon fils, il était déjà mort. Ils l’avaient réduit en bouillie. Il avait des bleus partout, sa tête était enflée comme une pastèque», a raconté en larmes RowVaughn Wells, la mère de Tyre Nichols, dans une interview diffusée par la chaîne CNN. La cheffe de la police de Memphis, Cerelyn Davis, avait prévenu que la vidéo montrant l’interpellation de cet homme pour une simple infraction au code de la route était «comparable, voire pire» à celle montrant l’arrestation policière violente de Rodney King en 1991. L’acquittement, un an plus tard, des quatre policiers impliqués, déclencha des émeutes sans précédent à Los Angeles.
Manifestations
Les autorités appelaient depuis plusieurs jours au calme, anticipant des manifestations après la publication d’une vidéo jugée «épouvantable» par David Rausch, le directeur du Tennessee Bureau of Investigation. La famille de Tyre Nichols a elle-même demandé des rassemblement pacifiques. «S’il vous plaît, manifestez, mais manifestez en toute sécurité», a dit son beau-père, Rodney Wells. A Memphis, les manifestants se sont mis en marche au moment de la publication de la vidéo, scandant : «Dites son nom. Tyre Nichols». «Vous n’avez pas voulu nous écouter», clamait le cortège dans cette ville où Martin Luther King a été assassiné en 1968. A Washington, des manifestants avaient commencé à se rassembler avant même la publication de la vidéo. «Pas de justice, pas de paix», entonnaient-ils, tandis qu’une vidéo de Tyre Nichols était projetée sur la façade d’un bâtiment voisin. Ailleurs dans le pays, les forces de l’ordre se préparaient à d’éventuels débordements. Deux conseillères de Joe Biden se sont entretenues avec les maires de 16 villes américaines à propos des manifestations.
«Toutes les violences»
Tyre Nichols, hospitalisé, était décédé trois jours après son interpellation. Les cinq policiers afro-américains, depuis licenciés, ont été inculpés pour meurtre et écroués. Quatre d’entre eux ont ensuite été libérés sous caution. Le directeur du FBI, Christopher Wray, s’est dit «horrifié», et le ministre de la Justice Merrick Garland a indiqué qu’une enquête fédérale avait été ouverte. Tout en disant leur horreur, les avocats de la famille ainsi que les parents du jeune homme ont tenu à saluer la «rapidité» des mesures prises à l’encontre des policiers. Le révérend Al Sharpton, célèbre figure de la lutte pour les droits civiques qui prononcera l’oraison funèbre de Tyre Nichols, a affirmé que le fait que les policiers soient noirs rendait «l’événement encore plus choquant». «Nous sommes contre toutes les violences policières, pas seulement contre les violences policières commises par des Blancs», a-t-il dit.